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Vivre ensemble pour vieillir sans discrimination

Vivre ensemble pour vieillir sans discrimination
Photo: Fundación 26 de Diciembre

La construction du premier établissement public conçu comme maison de retraite queer est en cours d’achèvement en Espagne. Un projet unique, financé par la Région de Madrid, qui vise à lutter contre l’exclusion des senior·e·x·s LGBTIQ+.

C’est la dernière ligne droite. Dans le quartier populaire de Villaverde, au sud de Madrid, les travaux sont en passe d’être terminés. Impensable il y a encore quelques années, les portes de la résidence Josete Massa devraient ouvrir en début d’année prochaine. Frederico Armenteros et les membres de sa Fondation 26-décembre, qui vient en aide aux LGBTIQ+, sont impatient·e·x·s. Soixante-deux nouveaux·elle·s résident·e·x·s seront bientôt admi·se·x·s dans cette maison de retraite queer et 28 autres seront accueilli·e·x·s dans le centre de jour. Une quarantaine de personnes seront employé·e·x·s dans cette structure de quatre étages. Au total, il aura fallu une douzaine d’années pour négocier avec les différentes institutions publiques et les convaincre qu’ouvrir une maison de retraite LGBTIQ+ était «une nécessité».

Ne pas retourner au placard

En Espagne, où l’on estime à 1,2 million le nombre de personnes de plus de 65 ans LGBTIQ+, cette population est parfois très isolée et invisible aux yeux de la société. «J’ai remarqué que beaucoup vivaient dans une situation très précaire et pensaient au suicide», observe Frederico Armenteros, 63 ans, qui rappelle que sa génération a dû se battre pour obtenir ses droits. «Beaucoup ont vécu caché·e·x·s et ont mené une double vie. On nous disait que nous étions vicieux·ses et pervers·e·x·s. Aux yeux de la société, nous étions dangereux·se·s et malade·x·s. Notre génération n’a été éduquée qu’à l’hétéronormativité», se souvient celui qui a été dénoncé par sa propre mère, sous le régime de Franco.

C’est à la suite de nombreux témoignages alarmants de personnes LGBTIQ+ préférant «mettre fin à leurs jours» plutôt que «d’aller dans une maison de retraite standardisée» que Frederico a eu l’idée d’ouvrir cette maison de retraite queer. En effet, beaucoup craignent de perdre en libertés et de retourner au placard.

Une population plus vulnérable

Selon une étude de la Fédération d’État des lesbiennes, gays, trans* et bisexuel·le·x·s (FELGTB) espagnole, la solitude est l’une des principales préoccupations pour plus de la moitié des personnes LGBTIQ+ nées avant 1965. «La grande majorité des futur·e·x·s résident·e·x·s souffrent de la solitude, de problèmes cognitifs ou de maladies mentales. Nous voulons leur rendre leur dignité» analyse Frederico. 

Cet isolement social est souvent renforcé par l’absence ou la rupture des liens familiaux, un réseau de soins informels moins bien développé ainsi qu’une plus grande précarité. «On nous considérait comme des drogué·e·x·s. On ne donnait pas de travail aux personnes transgenres», vitupère Gigi Sevilla, une femme trans* de 65 ans. Avec une retraite d’environ 400 euros par mois, la Vénézuélienne peine à vivre.

Une maison de retraite queer pour visibiliser la diversité

Si la Fondation déplore que les résidences «généralistes» calquent leur modèle sur l’hétéronormativité et se soumettent à la pensée binaire, la résidence Josete Massa se veut, elle, plus accueillante, afin de permettre à ces personnes de vieillir sans discrimination. «Toute personne âgée doit être prise en charge sans avoir le moindre doute qu’elle ne subira pas de discrimination, de mauvais regard ou de plaisanterie déplacée fondée sur son orientation sexuelle ou son identité de genre», appuie Boti García Rodrigo, directrice générale du département Diversité sexuelle et des droits LGTBIQ+ au Ministère de l’égalité, qui soutient le projet. Pour la Fondation 26-décembre, la diversité est une force, mais tant que les minorités sexuelles et de genre ne seront pas totalement acceptées dans notre société, ce type d’établissement sera malheureusement nécessaire… 

Zurich et Lyon à l’avant-garde 

En Suisse, la première structure pour personnes âgées LGBTIQ+ devrait ouvrir à Zurich en 2025. L’association QueerAltern et la Ville de Zurich sont à l’origine de ce projet. Au sein d’une maison de retraite généraliste, 20 appartements seront réservés aux personnes LGBTIQ+. C’est pour l’instant le seul projet de ce type sur le territoire helvétique.

Aujourd’hui, on estime entre 80’000 et 160’000 le nombre de senior·e·x·s LGBTIQ+ suisses. Ce chiffre est évalué entre 135’000 et 270’000 à l’horizon 2045. Selon l’association genevoise 360 et son Guide de réflexion et d’action pour un accueil inclusif, la résistance à envisager de vivre dans un établissement médico-social (EMS) est particulièrement forte en Suisse romande. Isolement, soutien familial plus limité, absence d’enfants, risque plus élevé de dépression… Afin d’améliorer la qualité de vie et diminuer la vulnérabilité des aîné·e·x·s LGBTIQ+ en EMS, les associations mettent en lumière ces différentes problématiques liées à ce sujet: Des analyses et réflexions sont en cours dans certaines villes suisses afin de reconnaître cette diversité et mieux prendre en compte les besoins des senior·e·x·s LGBTIQ+.

Outre-Jura, la première maison de la diversité en France devrait voir le jour à Lyon en 2024. Le projet, lancé et géré par l’association Les Audacieuses & les Audacieux, vise à lutter contre l’isolement des personnes âgées LGBTIQ+ en favorisant le lien social. Cet habitat inclusif et participatif sera basé sur l’entraide. La structure, en plein centre ville, se composera de 16 logements, qui accueilleront à la fois des étudiant·e·x·s, mais aussi des personnes LGBTIQ+ de plus de 65 ans. À travers ce projet, l’association souhaite redonner aux senior·e·x·s le pouvoir de concrétiser leurs projets, avec pour objectif que chacun·e·x puisse continuer à se projeter dans l’avenir. Une dizaine d’autres villes en France envisagent d’adopter ce type d’habitat.