Martigny a fêté les fiertés sous un soleil de plomb
Pari gagné pour la Pride de Martigny, qui a fédéré plusieurs milliers de personnes venues de toute la Suisse romande dans cette petite ville de 20'000 habitants. Ambiance.
Une météo enfin estivale: il fait plus de 30 degrés en début d’après-midi sur la place du Manoir, ce samedi. La température idéale pour une Pride, à condition de s’être généreusement enduit·e·x de crème solaire (et hydraté·e·x avec autre chose que de la Feldschlösschen). Le public est encore clairsemé une heure avant le début de la marche. Un jeune Martignérain est un peu fébrile: «Vous croyez qu’il va y avoir combien de gens?» Le tout jeune trentenaire n’est pas sûr de vouloir défiler, «même si tout le monde sait pour moi». On devine que ça n’a pas dû être facile de grandir en étant queer à Martigny, comme dans d’autres agglomérations moyennes de Suisse romande.
D’ailleurs, la ville donne de prime abord une impression assez peu avenante. Peu de monde aux abords de la gare. En descendant du train, un couple s’étonne de ne pas voir de drapeaux arc-en-ciel, ne serait-ce que pour guider la foule qui arrive par vagues de tout le pays. Il y a même une affiche de la campagne «Bien en Valais» représentant une famille homoparentale recouvert d’un tag «Grosse pédale». Comme un rappel que le projet de cette Pride est née d’une agression homophobe, en 2021.
Fières de leur ville
Coco et Melo, 28 ans, assurent pourtant que la tenue de l’événement n’a pas suscité de polémique. «Et de toute façon, si les gens avaient dit des trucs, ça nous aurait encore plus décidées de venir», dit Coco, paillettes sur le visage et lunettes en forme de cœurs. Ce sera la toute première marche des fiertés pour ces deux amies, qui se disent officiellement «alliées»… «Mais on se pose des questions», ajoutent-elles. Après tout, le «Q» de «LGBTQIA» peut aussi vouloir dire «en questionnement», non?
Assis sous un arbre, Marc et Xavier contemplent la place qui se remplit joyeusement. «On vient par fidélité», confie le premier. Ce Sédunois de 70 ans se rappelle encore très bien la Pride de Sion en 2001, tendue et hostile. «Ça s’est un peu banalisé, les gens sont plus décontractés.» Lui et son compagnon sont frappés par la jeunesse de l’assistance. «Ces nouvelles revendications sur le genre, c’est quelque chose que l’on a découvert», glisse Marc.
Les tambours de rues résonnent: c’est le départ de la marche. Le char de la Geneva Pride 2025 (eh oui: retour au bout du lac l’an prochain!) ouvre le bal, avec à son bord une Moon resplendissante en robe orange, paradant telle une miss de corso fleuri. La déambulation est rythmée, joyeuse, bouillante, ponctuée par de providentielles batailles de pistolets à eau. À vue de nez, il y a 3000 à 4000 participant·e·x·s rien que pour le défilé.
Curiosité
La rue est noire de monde, mais il y a bien peu de spectateur·ice·x·s sur le chemin pour admirer les queens et kings, pour écouter les aboiements des puppies ou pour se rincer l’œil sur des créatures topless d’un nouveau genre, aux tétons soigneusement camouflés. Une dame, la cinquantaine, attend le passage du cortège avec son mari. Ils sont venus exprès de Vernayaz, «par curiosité»: «Bon ben moi, j’ai rien contre, du moment où on s’attaque pas à moi», dit-elle en éclatant de rire.
La boucle est bouclée en une petite heure et demie. Il fait soif, alors on passe le pic de chaleur sous les arbres et les nombreuses tentes installées sur la place, ainsi qu’autour des fontaines. Une vraie petite oasis! C’est le début d’une longue soirée, qui s’ouvre avec des discours, donc celui d’un précieux allié de la communauté LGBTIQ+ romande: le conseiller d’État socialiste Matthias Reynard. «L’homophobie tue. L’homophobie n’est pas un avis, c’est un délit», rappelle le père de la loi contre la haine basée sur l’orientation sexuelle.