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Un soupçon de queer dans la Suisse du XVIIIe siècle

Un soupçon de queer dans la Suisse du XVIIIe siècle
Johann Heinrich Hurter, Diane au bain (détail), 1776 © Musée national suisse

Avec «Et plus si affinités», le Musée national suisse expose au Château de Prangins (VD) d'étonnantes pièces consacrées à la sexualité et à l'amour, y compris à leurs facettes inavouables.

Le délicieux château de Prangins, antenne romande du Musée national suisse, s’encanaille. Dévoilée en mai dernier et à explorer tout l’été (et jusqu’au 11 octobre), son exposition «Et plus si affinités» est consacrée à la sexualité et à l’amour dans la Suisse du XVIIIe siècle. Vaste sujet pour un si petit territoire, à l’époque morcelé en de multiples baillages, évêchés et baronnies, mais qui vibrait manifestement de désirs, d’interdits, de conventions et de subversions.

Dans une expo conçue comme une suite d’alcôves, on chemine du contrôle étroit hérité de siècles de surveillance religieuse à une libération toute relative des désirs. Si on ne craint pas l’anachronisme on parlera flirt, couple et genre, voire queer…

Un sodomite au village
Ainsi, au milieu de la salle consacrée aux péchés infâmes (avec de formidables mitres dont on coiffait les auteurs d’outrages aux bonnes mœurs dans la Genève réformée), le visiteur découvre une affaire de sodomie qui a agité le Jura en 1756. Un cadre expose l’avis de recherche cloué sur la porte du sieur Pierre Joly, fugitif soupçonné d’avoir mis dans son lit onze jeunes hommes du village de Courroux (dont certains recrutés chez le curé). Ces «complices» écoperont, au pire, de quelques jours de prison et de l’obligation de faire amende honorable lors de la messe, à genoux et torche à la main.

Affiche de citation à comparaître concernant Pierre Joly, de Courroux, 14 février 1756. Archives de l’ancien Évêché de Bâle, photo: Jacques Bélat

Quant au sieur Joly, auteur du scandale – probablement un libertin, séjournant souvent à Paris, pensez-vous! – il échappera vraisemblablement à sa peine de flagellation, nous apprend le passionnant catalogue de l’expo.

Péril masturbatoire
Manifestement, on ne pend ni ne noie plus les sodomites dans la Suisse du XVIIIe siècle. C’est une époque où le vice se pare même des atours de la «galanterie». Estampes, peintures, sculptures révèlent le goût pour un érotisme contenu de la part de la bourgeoisie: motifs bien connus (bergères endormies, belles sur des escarpolettes…) ou, plus hard, des montres à mécanisme secret illustrées des fantasmes inavouables. Orné de marqueteries coquines, l’incroyable lit du Grison Balthasar von Planta, est à cet égard le clou de l’exposition.

Montre à automate et musique attribuée à Piguet et Meylan, vers 1820, Genève. © Musée international d’horlogerie, La-Chaux-de-Fonds

Le XVIIIe siècle marque aussi le début la biologisation de la sexualité, qui supplante peu à peu les considérations morales et religieuses sur ces thèmes. La star de cette période n’est autre qu’un médecin lausannois, Samuel-Auguste Tissot, dont les écrits sur la masturbation deviendront un best-seller de l’époque. L’onanisme n’est plus un péché, mais une pratique horriblement nocive et un danger pour une société hantée par la dépopulation. Quel progrès!

Romance gay
Du sexe, oui, mais il y a bien sûr aussi de l’amour dans «Et plus si affinités»: en version chaste, matrimoniale ou extraconjugale… voire sous la forme étonnante d’une romance gay, entre le Neuchâtelois Abram Amédroz et les noble vaudois Wolfgang Charles de Gingins. Apparemment, le coup de foudre entre les deux gentilshommes se produit lorsqu’ils sont gardes suisses à Paris. «Je ne vis et ne veux vivre que pour toi, pour t’aimer t’adorer et te plaire», écrit le premier au second dans une de ses 177 missives, dont les réponses sont perdues.

La romance homosexuelle se poursuivra pendant quarante ans, même après que Gingins se soit marié. Elle ressemble aux passions épistolaires hétéro, à l’exception des précautions prises par les amants pour se protéger des regards indiscrets. Qui, 250 ans plus tard, se posent sur ces lignes avec une certaine émotion.

«Et plus si affinités… Amour et sexualité au XVIIIe siècle» au Château de Prangins jusqu’au 11 octobre. Plus d’infos sur: chateaudeprangins.ch