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La mélodie du loser

Les derniers clips d'Indochine et de Kelly Clarkson parlent de harcèlement et de rejet. A cette occasion, petit digest non exhaustif de la figure du souffre-douleur dans la pop culture contemporaine.

Qu’ont en commun Lady Gaga, Robert Pattinson, Bill Clinton, Christina Aguilera, Kate Winslet et Tiger Woods? Tous ont déclaré avoir subi injures, moqueries, agressions physiques et autres mises à l’écart durant leur enfance ou leur adolescence. Si, si. Voilà qui corrobore une croyance largement répandue: les perdants d’hier sont les puissants d’aujourd’hui.

Et les autres? Celles et ceux qui étaient des losers et le sont resté.e.s? Eh bien les stars de la pop culture les consolent volontiers, mettant en scène tristesse contemporaine, mâchoires serrées et pensées suicidaires au travers de leurs chansons et de leurs clips. Pour le meilleur, lorsque ce militantisme musical dénonce ce qu’endurent jeunes et moins jeunes victimes d’homophobie, de sexisme et d’autres discriminations raciales ou religieuses. Pour le moins louable aussi, lorsque transparaît trop clairement la volonté de se rappeler au bon souvenir de la buzzosphère.

Popu Arty
Dernier exemple en matière de provocation, nécessaire pour les uns par sa dénonciation d’une réalité que personne ne veut voir, prétentieuse selon d’autres pour sa récupération esthétique d’un climat déjà suffisamment inflammable: «College Boy», la vidéo d’Indochine signée Xavier Dolan dont le destin du personnage principal, harcelé jusqu’au dernier stade dans une métaphore de la crucifixion, a provoqué un sacré tollé. Cette lecture du souffre-douleur, aussi paroxystique soit-elle et intelligemment insérée dans un climat post-Mariage pour tous, a de nombreux antécédents. Beauf, branché, popu ou arty, à chacun sa chanson manifeste.

Ainsi, deux figures iconiques de la face alternative du rock ont inauguré leur accession à la reconnaissance en chantant leur identité de parias: en 1992, Thom Yorke clamait sa «Creep»itude et sa bizarrerie existentielle, tandis que 1993 voyait l’elfe post-folk Beck se définir en «Loser» absolu. La même année, le grand vague à l’âme grunge de Nirvana se racontait dans «Dumb», petit traité d’inadaptation et de perte de soi juvénile.

Beautiful
Dix ans plus tard, dans un rayon plus planant mais tout aussi haut de gamme, les Islandais de Sigur Ros mettent en scène dans «Viðrar» deux jeunes garçons dont l’intérêt pour les poupées et un baiser furtif provoquent une haine farouche – un clip courageux et poétique qui rafle les prix autant qu’il subit les foudres conservatrices. Dans des sphères plus mainstream, si Britney Spears s’est apitoyée sur son sort de princesse névrosée dans «Everytime» – un suicide en baignoire qui permettait de mater ses seins –, sa rivale Christina Aguilera a sans doute signé l’un des hymnes du mouvement anti-bullying aux Etats-Unis. Sorti en 2004, «Beautiful» s’apparente à un savant cocktail d’exclusions contemporaines sur fond de ballade guimauve, entre anorexie, transgenrisme, homosexualité et autres punk attitudes. «No matter what they saaaaay!»

Ça y est, la figure du jeune maudit s’est fait une place de choix dans les hits parades. Là où Bill Kaulitz, l’éphèbe emperruqué et égocentrique de Tokio Hotel, se sauve lui-même du saut fatal dans «Don’t jump», les Californiens de Blink 182 surfent sur le traumatisme de la fusillade de Columbine avec «Adam’s song», un titre traitant de la dépression adolescente dont certaines lignes font référence à… Nirvana.

Odes cheesy
Mais la chansonnette pour nul.le.s a aussi ses interprétations positivantes, un genre qui semble plutôt réservé aux filles qui en ont. Taylor Swift n’appartient pas exactement à cette catégorie, même si «Mean» évoque bel et bien un avenir de grande ville, loin des humiliations subies dans une campagne aux esprits trop étroits. P!nk, par contre, s’est fait une spécialité du genre, de «Don’t let me get me» à «Perfect», autant d’odes cheesy à celles et ceux qui se battent pour faire de leur impopularité lycéenne une force. Exactement le message délivré dans «Who’s laughing now», scandé par une Jessie J dont les copines de primaire, petites pestes à lunette, mènent la vie dure à notre minibutch à frange.

Oui, au trash version française d’Indochine, l’industrie américaine préfère cultiver chez les ados mal dans leur peau un esprit revanchard et capitaliste: rira bien qui rira le dernier. Prenons Kelly Clarkson, la gentille républicaine qui a voté Obama parce qu’elle aime trop les homos. Dans le tout frais «People like us» (voir vidéo ci-dessous), elle tire une petite fille en robe arc-en-ciel des griffes d’une équipe de scientifiques tout gris et très bornés. Le clip montre comment un smartphone Nokia et un roadster BMW plus rapide que les méchants facilitent l’évasion. Les artistes ne sont pas les seuls à avoir saisi que les jeunes losers d’aujourd’hui, décidément, sont les potentiels riches de demain.