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Qui en veut, de mon pétrole rose?

De plus en plus souvent, les droits des minorités sexuelles servent d'alibi à des gouvernements et des industries peu scrupuleux, dénoncent des militants LGBT. Bienvenue dans le monde du «pinkwashing».

Mettre en avant certains messages pour mieux en escamoter d’autres. C’est tout l’art de la communication. Dans l’arsenal des relations publiques, un des moyens de créer des écrans de fumée consiste à adosser son industrie à une «bonne cause» afin de «laver» son image. Une stratégie connue dans le monde de l’environnement, où le «greenwashing» permet à une corporation de se faire passer pour une protectrice de la planète. On voit ainsi les constructeurs automobiles vanter leurs voitures «vertes» tandis qu’un géant du nucléaire nous assure qu’il contribue à «un avenir avec moins de CO2». Des grandes firmes se sont aussi trouvé des vocations dans le sport amateur et junior (une chaîne de fast-food pas très diététique), le sida (des pharmas accusées de s’enrichir sur le dos des malades) ou le cancer du sein (des groupes de cosmétiques pas très au clairs avec les effets secondaires de leurs déos). C’est ce dernier qui a inauguré le terme de «pinkwashing», de la couleur du ruban porté en solidarité avec les femmes touchées par cette maladie. Or, depuis peu, une autre acception de ce terme fait débat.

Impossible alternative
Saviez-vous, par exemple que le pétrole canadien était gay-friendly? C’est une campagne d’Ethical Oil qui vous l’apprend. Cette organisation défend un choix «responsable» dans la sources d’énergie. Plutôt que l’or noir iranien qui aide à consolider le pouvoir homophobe de Téhéran, choisissez celui extrait des sables bitumineux de l’Alberta. Alors que cette exploitation est dénoncée par les ONG comme un désastre écologique. Pour Ethical Oil, pourtant, «un choix doit être fait». Son visuel recycle l’image de la pendaison de deux jeunes homosexuels présumés en Iran, en 2006, accolée à un cliché évoquant le mariage homosexuel, en vigueur au Canada.

Aux Etats-Unis, la vague d’émotion suscité par le suicide de jeunes LGBT a également fait naître bon nombre d’initiatives douteuses. Surfant sur la vague «It Gets Better», on a eu droit, l’an dernier, à une floraison de vidéos «corporate» adressées aux ados victimes de «bullying». Dont celui de la chaîne de supermarchés Target, qui tentaient peut-être de faire oublier le soutien de son management à des politiciens homophobes.

Oasis gay
L’industrie ne serait pas la seule tentée par l’instrumentalisation des droits des LGBT. Les gouvernements s’y mettent, et en particulier Israël, selon Sarah Schulman dans une colonne très controversée du «New York Times», en novembre dernier. La militante queer y relève les coûteux efforts de l’Etat hébreu de se vendre en tant qu’oasis gay du Moyen-Orient. Le pays se serait aussi lancé dans la promotion de ses films dans les festivals gay et lesbien internationaux. En mai 2011 le premier ministre Benjamin Nétanyahou a décrit les voisins d’Israël comme formant une région où «les femmes sont lapidées, les gays pendus et les chrétiens persécutés.» Enfin, le mois dernier, la diplomatie israélienne a lancé un appel aux gays désireux de devenir des «ambassadeurs» de leur pays à travers le monde. Pour Sarah Schulman, il y a là «une stratégie délibérée de dissimuler les violations continuelles des droits humains des palestiniens derrière une image de modernité dont la vie gay israélienne est emblématique.»

Il est bien fini le temps où l’on s’émerveillait (ou s’irritait) de voir une marque mettre en scène des personnages homosexuels dans ses pubs. Désormais, ce sont les droits des minorités sexuelles qui sont en passe de devenir un «outil marketing». Et si c’est dans le but de justifier la destruction de ressources naturelles ou des politiques dangereuses, il vaudra mieux ouvrir l’œil.

Diversion «meurtrière»

L’idée de «pinkwashing» ne préoccupe pas que les collectifs LGBT. Elle séduit déjà les groupes radicaux qui tirent à boulets rouges sur la politique interventionniste des Etats-Unis. Après le discours de Hilary Clinton devant l’ONU, le site antiwar.org a ainsi dénoncé dans des termes crus ce plaidoyer en faveur des minorités sexuelles dans le monde. Jeremy Sapienza y écrit: «Réjouissez-vous, homos étrangers! Hilary Clinton va dépenser du fric pour vos droits à baiser. Et pendant ce temps, des civils pakistanais vivront toujours sous la menace d’être désintégrés par des drones.»