Une police mieux préparée aux défis LGBTIQ+
La police n’est pas forcément une institution où les personnes LGBTIQ+ se sentent bienvenues ou en confiance, mais un gros travail est engagé pour améliorer la situation. On fait le point sur ce chantier avec Olivia Cutruzzolà, de la Police cantonale vaudoise.
Jeudi 10h. Une fois n’est pas coutume, j’ai rendez-vous avec la Police cantonale vaudoise. J’avais rencontré l’officière spécialiste Olivia Cutruzzolà en automne dernier dans le cadre associatif. Elle avait présenté les engagements de la police en faveur des personnes LGBTIQ+ et j’avais été marqué·e tant par son ouverture que par sa détermination à faire bouger les lignes au quotidien.
Olivia Cutruzzolà, vous êtes cheffe de la Section prévention criminelle et relations avec les citoyennes et citoyens. Pourriez-vous vous présenter?
Je travaille à la police cantonale depuis 14 ans. J’ai étudié les sciences politiques avant de suivre des études de journalisme, puis de communication. J’ai ensuite fait une maîtrise en criminologie, puis le CAS d’officier·ère, qui m’a permis de devenir la première femme officière spécialiste de la Police cantonale vaudoise.
Pour quelles raisons la Police vaudoise a-t-elle décidé de s’investir sur les questions de diversité? Y a-t-il eu un événement particulier qui a motivé cet engagement?
Plutôt un constat: la police ne fonctionne pas en vase clos et interagit au quotidien avec la société. Cette dernière évolue, la police aussi. Les enjeux LGBTIQ+ ont gagné en visibilité et en importance ces dernières années, ce qui s’est traduit par un agenda politique au niveau du Conseil d’État vaudois. Deux postes de déléguées ont été créés dans ce sens (ndlr: ceux de Caroline Dayer et Catherine Füssinger). Parallèlement, sur le terrain, ces thématiques sont devenues plus présentes. La société civile nous a offert des défis que nous avons décidé de relever.
Pourriez-vous nous donner un exemple de mesure concrète?
Cela fait des années que les aspirant·e·x·s policier·ère·x·s·es sont formé·e·x·s et sensibilisé·e·x·s par le Pôle Agression Violence (PAV), notamment aux questions LGBTIQ+. J’avais à cœur de renforcer cette activité pour que la police soit outillée pour répondre quotidiennement aux diverses situations rencontrées et donc plus en phase avec la société qu’elle se doit de représenter. Ces dernières années, nous avons intensifié ces sensibilisations et une journée complète est consacrée aux questions de discriminations (racisme, LGBTIQphobie) durant la seconde année de formation des policier·ère·x·s. Nous nous positionnons catégoriquement en refus de toute discrimination en appliquant la tolérance zéro, dans notre institution et en dehors. Nous plantons ainsi des graines pour que les choses évoluent.
En quoi les changements de lois et le travail politique ont-ils un impact sur vos pratiques?
La police applique la loi et c’est la raison pour laquelle l’évolution des bases légales a un impact direct sur notre travail de terrain. Par exemple, lors de l’entrée en vigueur de la modification de l’article 261bis du Code pénal (ndlr: prise en compte de l’orientation sexuelle dans la norme pénale), nous avons transmis une notice opérationnelle à tous·tes·x les policier·ère·x·s des cantons. Celle-ci indiquait comment mettre concrètement en œuvre cette nouvelle loi, notamment lors de l’enregistrement des plaintes.
Comment appréhendez-vous le fait que seule une partie des victimes d’infractions, LGBTIQ+ ou non, portent plainte?
Nous avons tout à fait conscience que le nombre de personnes qui ne portent pas plainte reste très élevé. Tout ce qui n’est pas porté à notre connaissance ne peut pas être monitoré. Nous savons que nos chiffres ne reflètent pas la réalité sociétale. C’est pourquoi il est important que les victimes soient bien reçues quand elles font appel à nous et qu’elles n’hésitent pas à porter plainte si elles le souhaitent.
Certaines personnes LGBTIQ+ ont eu des expériences négatives de la police ou s’en méfient.
La défiance est légitime et il serait malhonnête de garantir que toutes les interactions avec nos services se passent toujours bien en raison du nombre considérable de ces dernières.
Cela étant, les mauvaises pratiques des employé·e·x·s ne sont pas cautionnées par la hiérarchie policière. Nous enjoignons les personnes qui ont eu de mauvaises expériences à le signaler. Chaque signalement et chaque doléance font l’objet d’une analyse et d’une réponse. Il peut y avoir des sanctions administratives, voire des dénonciations pénales si les faits semblent constitutifs d’infractions pour les employé·e·x·s en cause.
Lors de votre présentation, en automne dernier, vous nous avez parlé de la réédition d’un flyer de la police vaudoise à l’attention des personnes LGBTIQ+. Où en est ce projet?
Ce flyer a été élaboré suite au travail de mémoire d’un officier de gendarmerie. Il est en cours de révision et sera réédité dans les prochains mois pour être mis à disposition dans toutes les polices des cantons, auprès de la LAVI et des associations.
Pourriez-vous nous parler des autres perspectives à venir?
Outre les formations de base précédemment évoquées, nous avons actuellement un mandat pour mettre sur pied une formation continue pour tous·tes·x les policier·ère·x·s, en collaboration avec les associations communautaires, dont le PAV. Cette formation devrait être dispensée à partir de 2024. Le but est d’outiller davantage les professionnel·le·x·s en partant de situations vécues.
De plus, les policier·ère·x·s romand·e·x·s et tessinois·e·x·s suivant le CAS d’officier·ère·x·s de police participent à une semaine consacrée à l’éthique professionnelle et aux droits humains, qui prévoit également un apprentissage à partir de situations pratiques. En formant et en outillant nos professionnel·le·x·s, nous souhaitons créer un espace de confiance et de compréhension mutuelle sécure pour toutes les personnes ayant recours à la police, quelles que soient leur orientation affective, sexuelle et leur identité de genre.