Mpox, un fiasco helvétique
En 2022, la Suisse a mis quatre mois de plus que ses voisins à lancer la vaccination contre la variole du singe (Mpox), laissant en plan une communauté gay durement touchée. Un média alémanique a étudié les causes de ce raté.
Été 2022. En Suisse comme ailleurs en Europe, les cas de variole du singe (plus tard rebaptisée Mpox), se multiplient. Le désarroi de certains rappelle les heures sombres du sida. Car les hommes gay et bi, principalement touchés, ne voient venir aucun vaccin contre cette maladie extrêmement douloureuse et potentiellement mortelle. Les pros de la santé communautaire en sont réduits à suggérer à leurs patients de traverser la frontière pour bénéficier, en douce, du programme de vaccination français, mis sur pied dès juillet. Son pendant helvétique n’arrivera qu’en novembre. Pourquoi un tel fiasco?
Le média alémanique Das Lamm et le collectif d’investigation WAV ont actionné la loi sur la transparence pour avoir accès aux e-mails et mémos internes de l’administration fédérale relatifs à cette affaire. Il en ressort que la mobilisation autour le Mpox a commencé tôt, dès les premières infections en Suisse, à la mi-mai. Mais «les vacances d’été sont apparemment plus importantes qu’une maladie très contagieuse qui menace une communauté marginalisée», constate le magazine en ligne.
En juin, l’Office fédéral de la santé (OFSP) se renseigne auprès de l’armée pour savoir si elle dispose de stocks de vaccins classiques contre la variole, dont on réalise très vite qu’ils sont efficaces contre le Mpox. Le Département de la défense (DDPS) répond que non, mais qu’il serait intéressé à profiter de l’occasion pour faire un achat groupé avec l’OFSP, à des conditions plus avantageuses. À la fin du mois, le DDPS prend le relais des pourparlers avec le fabricant Bavarian Nordic en vue d’un accord d’approvisionnement. «Nous espérons que ce sera le cas d’ici une à deux semaines», assure-t-il à ses collègues de la Santé. Et puis plus rien.
Pas si urgent
Un mois plus tard, un employé de l’OFSP s’inquiète d’être sans nouvelles de la Pharmacie de l’armée, et apprend avec stupeur que le projet d’achat des vaccins n’est pas encore sur le bureau de la conseillère fédérale Viola Amherd. Alors que la communauté commence à s’impatienter et que la presse s’en mêle, les craintes se confirment début août, lors d’une discussion téléphonique entre les deux offices. L’armée admet que l’achat des doses n’étais pas aussi urgent pour elle que pour l’OFSP. Ce dernier reprend le dossier en catastrophe, alors qu’une bonne partie de son personnel est en vacances, et soumet un projet à la séance de rentrée du Conseil fédéral, le 24 août. Deux mois passeront encore avant les premières injections en Suisse. L’épidémie est déjà retombé depuis belle lurette.
Responsable de la prévention à l’Aide suisse contre le sida, Florian Vock déplore surtout que cet épisode ait érodé la confiance de la communauté gay dans les autorités sanitaires. «C’est un problème, car dans de nombreux domaines de la santé, elles comptent sur la confiance de la communauté. Mais la confiance nécessite la fiabilité des autorités. Beaucoup d’hommes gay ont été déçus.»