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Aloïse Sauvage, cheffe de meute

Aloïse Sauvage, cheffe de meute
Aloïse Sauvage. Photo: Flo Pernet

On a rencontré Aloïse Sauvage à l'occasion de la sortie de son magnifique nouvel album, SAUVAGE, le 7 octobre. Ça déborde d’énergie positive filant droit vers un monde nouveau, le tout sans concession. Vagin Pirate est fan!

Ton nouvel album commence avec Montagnes Russes. On a l’impression que tu y donnes le ton pour toute la suite de l’album. Quel est le message principal de cet album?
Cet album parle beaucoup d’amour, que ça soit l’amour de soi, l’amour que tu portes aux autres, l’amour amoureux ou l’amour du collectif. C’est une thématique que j’aborde énormément, même si ça ne fait pas longtemps que je fais de la musique. Mais avant tout, j’ai l’impression que dans cet album, ça parle beaucoup de renaissance, de métamorphose, de transcendance et de ce passage de l’ombre vers la lumière, de ce clair-obscur constant. En tout cas, je suis passée par pas mal d’étapes personnelles et professionnelles, des petites cascades, un peu déceptives, un peu violentes, un peu compliquées à vivre, mais j’en ai fait des chansons.

J’ai lu que tu disais que cet album était comme un deuxième premier album. C’est quoi la différence entre ces deux Aloïse?
Je dis surtout que le premier album n’a pas vécu, enfin il n’a pas vécu physiquement, il n’y a pas eu de tournées. J’étais aux Victoires de la musique comme révélation scène, j’ai sorti mon album, et trois jours après c’était le confinement. Ça a été une première cascade qui m’a obligée à prendre du recul et à reconsidérer ce que je voulais faire, ce que j’étais. Après plusieurs reports de concerts, j’ai fait le choix d’annuler la tournée, notamment car j’avais changé d’équipe. Il fallait que je reprenne les rênes de ma vie professionnelle et artistique. Donc ce ressenti par rapport à ce 2e album, c’est: «Maintenant on y est!» Avant, c’était l’introduction et maintenant on peut y aller!
Je suis très fière des titres Dévorantes et Jimy, mais il y avait une effervescence autour de moi à ce moment-là et j’ai pris moins de recul. Par contre, pour cet album, j’ai eu le temps de construire ce que je voulais faire, j’ai réussi à reprendre confiance en moi, à m’affirmer et à retrouver la lumière dans les choses. Tout cela a impacté et nourri le rapport à mon projet. Cet album, je l’ai coréalisé avec mon ingé son, j’étais de A à Z dans le processus, je me suis complètement investie. C’est pas pour rien que cet album s’appelle SAUVAGE, je reviens en cheffe de meute, avec mon noyau dur, avec les gens avec qui j’ai réellement envie de fonctionner, avec mes valeurs et zéro compromis. SAUVAGE, c’est cette pierre-là que je pose à l’édifice. 

Dans tes chansons, on trouve toujours une dimension optimiste, même quand tu parles de situations tristes. C’est important pour toi?
Oui, c’est vrai! Il y a trois jours, j’étais en tournage, je suis partie avec mon meilleur pote Zenzel qui a réalisé mes deux derniers clips, Focus et Crop Top. Bref, à quatre dans une voiture, à vadrouiller, Zenzel nous a demandé: «C’est quoi vos défauts et vos qualités?». On en vient à mes qualités, et je lui ai demandé: «Toi qui me connais, c’est quoi ma qualité?».Je m’attendais à plein de réponses, mais il m’a dit: «Toi, tu as la foi, pas religieuse, la foi dans la vie, dans la transcendance, dans l’éthique, la foi en l’être humain.» Et pour moi, ce rapport à la foi, il est lié avec l’espoir, et j’essaie de retranscrire ça dans mes chansons. C’est cette luminosité que j’essaie de toujours avoir en conclusion, même sur des thématiques plus sombres. Je sens que les gens me renvoient ça, que ça donne envie de vivre, de faire des choses, que ça donne de l’espoir et pour moi, ça c’est royal! Ça me touche énormément. 

Au début je ne savais pas comment m’y prendre, j’étais aussi dans mon parcours de jeune femme, de jeune citoyenne, de jeune lesbienne, je ne me sentais pas forcément légitime. Mais je me rends compte maintenant que je suis obligée de prendre cette place, je suis obligée de faire de la pédagogie parce qu’ il y a une petite lucarne qui fait que moi, je suis visible.

Dans ton super 2e single, Crop Top, hymne au consentement, tu répètes «Nan c’est nan c’est nan, quand on dit nan nan» On en a pas marre de devoir prendre du temps pour éduquer les bons hommes au bout d’un moment?
Ha ben moi, j’en ai carrément marre, sauf que tu sais, on ne nous laisse pas vraiment le choix. J’aimerais ne pas avoir à le faire, mais je ne peux pas juste dire non, ça me fait chier, et ne pas le faire. J’ai pris du recul par rapport à ça. Au début je ne savais pas comment m’y prendre, j’étais aussi dans mon parcours de jeune femme, de jeune citoyenne, de jeune lesbienne, je ne me sentais pas forcément légitime. Mais je me rends compte maintenant que je suis obligée de prendre cette place, je suis obligée de faire de la pédagogie parce qu’ il y a une petite lucarne qui fait que moi, je suis visible.
Quand je vois les commentaires que je reçois sur une chanson comme Crop Top, d’une majorité d’hommes qui se sentent sûrement concernés, mais qui ne voient pas où est le problème, je me dis qu’il y a encore du boulot. J’aimerais que ces gens prennent leurs responsabilités et s’éduquent eux-mêmes, mais on n’y est pas encore.
Après, quand je fais ce genre de chansons, ce n’est pas pour faire de la pédagogie, c’est avant tout pour exprimer ce que je ressens. J’ai une colère qui vient de situations vécues, ça se transforme en images et ça devient une chanson.

Dans tes chansons, tu parles de sentiments et de situations quotidiennes auxquels la majorité des gens peuvent s’identifier. Mais le fait que tu les exprimes à travers ton prisme d’artiste ouvertement queer et lesbienne te transforme de facto en artiste militante. Tu en penses quoi?
Je l’accepte en tout cas, c’est une responsabilité, mais aussi un honneur qu’on me fait. C’est important.
Là où j’avais du mal au début de mon parcours, c’est qu’on me demandait sans cesse si j’étais militante. J’avais du mal avec cette question, car j’écrivais depuis mon canapé sur mes découvertes, mes peines de cœur, je ne me sentais pas du tout légitime qu’on me labellise ainsi. 
Aujourd’hui je peux dire que oui, je suis militante, je suis une femme blanche lesbienne, c’est une minorité. C’est important pour moi que les artistes queer soient des porte-drapeaux, plus nous serons nombreux·se·x, plus il n’y aura plus besoin de porte-drapeaux. Du coup, je pense que je n’ai pas trop le choix. Que je le veuille ou non, ce que je fais est politique, je suis engagée émotionnellement, mais puisque je suis une jeune femme ouvertement queer, je suis engagée politiquement. Je pense que mon parcours parle de moi, on ne peut pas en faire des généralités, mais il parle aussi pour tous·tes·x les autres qui n’ont peut-être pas la parole. 
Par contre, je sais aussi qu’on va toujours me poser ces questions-là en premier. Parce que les journalistes ont besoin de définir, de mettre les gens dans des cases: Aloïse Sauvage, c’est l’artiste touche-à-tout, féministe et lesbienne. Du coup, je réponds aux questions qu’on me pose et je pense que ça a accéléré mon processus de déconstruction et de réflexion. J’essaie de m’instruire pour pouvoir dire des choses sensées qui font avancer un petit peu le débat. Tout ça fait que j’accepte qu’on me voie à travers ce prisme, et je vais continuer de revendiquer mon identité queer haut et fort!

Est-ce qu’il y a eu des déclics qui t’ont permis d’appréhender l’importance de cette visibilité?
Un déclic personnel, pour moi, ç’a été de faire le podcast Coming Out sur Spotify, qui est sorti en février 2021. C’était un gros déclic, premièrement car je n’osais pas avant, on m’avait proposé un an auparavant, et je ne me sentais pas prête. Du coup, j’étais déjà fière de le faire. À ce moment-là, mon coming out était public mais le fait d’en parler comme ça, intimement, c’était différent.
Et puis j’ai eu… c’est impossible à expliquer… une vague de messages, qui a duré toute l’année, des gens super différents qui se sentaient aidés, touchés, célébrés et compris. Et c’est là que je me suis dit, à partir de maintenant je vais le clamer haut et fort, c’est primordial! 

«Lesbienne», l’Aloïse d’aujourd’hui trouve que c’est un très joli mot et pense qu’il ne faut pas avoir honte de le dire!

Il y a des chansons carrément gouines sur cet album, c’est vraiment super! Comme tu le dis, tu te sens lesbienne aujourd’hui. Comment te sens-tu par rapport à l’utilisation de ce mot qui, par un passé pas si lointain, avait une connotation assez négative?
Moi je me définis en tant que lesbienne, et j’ai pas de problème à l’utiliser. Pour qu’énergétiquement notre affirmation intérieure s’exprime à l’extérieur et donc s’exprime au monde, qui n’est pas majoritairement lesbien, je pense qu’il convient qu’on soit fières des mots employés pour nous représenter. Mais moi aussi avant j’avais cette homophobie intériorisée, qui fait que j’osais pas trop employer ce mot, «lesbienne». Mais par contre, l’Aloïse d’aujourd’hui trouve que c’est un très joli mot et pense qu’il ne faut pas avoir honte de le dire!

Alors qu’on vit à une époque super florissante de références et représentations, comment on fait pour réussir à se trouver soi, sans tomber dans le mimétisme, la recherche du cool ou des attentes des autres?
Le fait qu’il y ait énormément de choses qui sortent, c’est assez angoissant. Des fois j’appréhende, ça fait deux ans que je n’ai rien sorti, je me dis qu’en trois ans les gens passent à autre chose. Je trouve ça difficile, d’exister quand tu n’es pas encore établi·e·x.
Ensuite pour le mimétisme, je ne ressens pas cette problématique-là en studio. Je fais la musique que j’aime, elle évolue. On pourrait l’appeler pop urbaine, ou chanson française avec influence rap, mais moi j’aime le hip-hop, le rap et j’essaie, tout en bossant avec des producteurs qui viennent de cet univers-là, de faire quelque chose qui m’appartient, avec mon écriture, mon sens des mélodies et ma vision artistique. Donc je n’ai pas l’impression de devoir mimer, d’ailleurs quand je suis en studio je n’écoute pas beaucoup de musique, je suis vraiment dans ma bulle à moi.
À mon échelle, ce que je recherche dans la musique c’est aussi d’aller plus loin dans les productions, d’aller chercher des sons là où on ne m’attend pas. Par exemple, enregistrer des instruments de manière organique, des quatuors à cordes, des batteries; je me suis amusée à triturer les morceaux. Et j’espère pouvoir aller encore plus loin dans le futur!

Tu aimes t’exprimer via tes talents multiples, la musique, la danse, le cirque, ta carrière d’actrice… Il y a encore d’autres formes d’expression qui te titillent?
Déjà, j’aimerais bien réussir à développer ce que j’ai dans la tête avec les cordes que j’ai à mon arc. Typiquement pour la mise en scène des concerts, en ce qui concerne ce que j’ai envie de développer, on en est encore à l’apéritif. J’ai encore beaucoup de choses à faire pour incorporer la danse, le cirque contemporain, l’aspect théâtral ou encore la vidéo ou la scénographie. J’aimerai vraiment bien me concentrer là-dessus d’abord.
Après dans le futur, j’aimerais beaucoup écrire, de la poésie ou quelque chose de plus fictionnel. Mais d’abord, je vais devoir me calmer et me concentrer sur ce que j’ai!

On aura la chance de t’avoir en Suisse, le 4 novembre aux Docks de Lausanne. Sur les réseaux ça tease sec, avec un set up qui a l’air dingue. Tu peux nous en dire un peu plus?
Beaucoup d’énergie! Mais aussi, je l’espère, un show unique qui va mettre en valeur ce nouvel album. Un peu tout ce que je suis, en fait. Il y aura des salles où je ne pourrai pas tout faire en fonction de l’espace scénique, mais il ne faut pas s’inquiéter, où qu’on sera, ça sera magnifique. Je vais enfin pouvoir dérouler mon histoire et être moi-même. J’ai vraiment hâte de commencer une vraie tournée et de pouvoir défendre mon projet. J’aime la scène, je pense être née pour ça.
Et en plus, je me réjouis de revenir en Suisse, car j’ai fini ma tournée de festivals cet été à Estavayer-le-Lac et j’ai promis aux Suisses que je reviendrai plus forte que jamais en novembre!

Aloïse Sauvage (avec Kaky et Silance), le vendredi 4 novembre aux Docks, Lausanne.