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Sujet politique

Sujet politique

C’est un exemple parmi tant d’autres: les manifestations en France, lors du débat autour de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, il y a dix ans de cela...

Je revois la Manif pour tous, ses drapeaux et ses discours. Le nombre de participant·e·x·s et la violence de leurs arguments ont profondément marqué le tout jeune adulte que j’étais. Je me disais alors que si autant de personnes s’unissaient contre cette loi, c’est qu’iels devaient certainement avoir raison, en partie, qu’à quelque part certains arguments devaient tenir la route.

Il y a quelques semaines, mon conjoint et moi nous sommes mariés. Place de la Palud à Lausanne, nous sortons de l’Hôtel de Ville après une brève cérémonie remplie d’émotion. Devant nous, nos deux familles proches, sans exception, nous font face, en demi-cercle, accompagnés de nos ami·e·x·s les plus intimes. Iels nous célèbrent sur cette place mille fois empruntée et délimitent un espace rempli d’amour entre la nouvelle famille que mon mari et moi sommes devenus et le reste du monde. À ce moment-là, quelque chose en moi se répare: la certitude profonde qu’aucun argument entendu dix ans plus tôt n’était vrai.

Certaines de mes «difficultés» ont indéniablement été pansées à la place de la Palud, parce qu’à ce moment précis, la politique m’a accordé un droit qu’on m’avait jusqu’ici refusé

Dans une tribune libre écrite dans le 24 Heures en 2004, Marianne Huguenin (lire son portrait dans ce numéro d’octobre) disait ceci à propos du partenariat civil enregistré alors débattu au parlement suisse: «Il n’y a aucun lien entre la loi sur le partenariat et le nombre d’enfants sur la Terre. Il n’y aura pas un enfant de moins si cette loi aboutit. Et il n’y aura pas un homosexuel de plus, mais seulement moins de jeunes homosexuel·le·s en difficulté.» Certaines de mes «difficultés» ont indéniablement été pansées à la place de la Palud, parce qu’à ce moment précis, la politique m’a accordé un droit qu’on m’avait jusqu’ici refusé.

Être un sujet politique, c’est exactement cela. C’est pouvoir avoir accès à des institutions qui peuvent être réparatrices, qui donnent accès à une forme de protection. Être un sujet politique c’est aussi être un sujet duquel la politique se saisit, à propos duquel les autres parlent, une position inconfortable parfois et pourtant nécessaire, car être un sujet politique c’est la possibilité d’être ou de ne pas être, c’est avoir accès à des soins adéquats, à des institutions qui nous accueillent avec bienveillance, c’est être considéré, pris au sérieux dans son existence, être en sécurité face au risque…

Être un sujet politique c’est aussi se battre pour ses droits, c’est prendre conscience des enjeux et trouver des allié·e·x·s pour faire avancer les choses, je vous renvoie à nouveau aux sages paroles de Marianne Huguenin dans nos pages. Ce travail-là nécessite ce que Dr Hazbi pointe du doigt dans sa dernière couche (également à lire ce mois-ci): «respect, résilience, sagesse.» Un programme exigeant mais nécessaire, car ce que je souhaite du plus profond de mon âme, c’est que le plus grand nombre d’entre nous puisse avoir accès, sous une forme ou une autre, à un espace au potentiel réparateur, reconnu par le politique, au sein duquel nos familles — choisie et/ou biologique — puissent, le temps d’une fête, nous célébrer.

L’édition d’octobre de 360° est à retrouver sur abonnement, en kiosque et dans les lieux partenaires.