Everybody’s Perfect voyage dans le cinéma queer
Unique en Suisse romande, le festival genevois Everybody's Perfect présente, du 7 au 16 octobre, 28 films en provenance d'une vingtaine de pays. On a sélectionné quelques-unes de ses pépites.
Depuis sa création, en 2010, Everybody’s Perfect défend une visibilité toujours plus grande des vies LGBTQI+ à travers un cinéma militant, tout en mettant l’accent sur la qualité esthétique des films, chère à sa directrice, Sylvie Cachin. Pour sa 9e édition, le festival propose, entre comédie, satire, fantastique, drame et utopie, 28 longs métrages en provenance d’une vingtaine de pays et une dizaine de courts. Ils sont souvent montrés en présence de l’auteur·e·x.
Impossible de parler de tous, mais on relèvera quelques pépites. À commencer par Close, du Flamand Lukas Dhont, Grand prix du jury au dernier Festival de Cannes. Le réalisateur évoque l’amitié fusionnelle entre Léo et Rémi, deux garçons de 13 ans, détruite par un terrible choc. L’œuvre touche en plein cœur, d’autant que Lukas Dhont, en dépit de la forte charge émotionnelle de son récit, sait éviter tous les pièges du larmoyant, du pathos.
Autre joyau, Grosse Freiheit du réalisateur autrichien Sebastian Meise. L’opus physique, austère, radical, mais non dénué de romanesque, raconte le destin tragique de Hans Hoffman dans l’Allemagne d’après-guerre. Il est gay, et l’homosexualité, illégale jusqu’en 1969, est lourdement condamnée. Héros rebelle sacrificiel, Hans est sans cesse renvoyé en prison, où il s’obstine à chercher la liberté et l’amour. Cette quête intense et incertaine est portée par le remarquable Franz Rogowski.
Dilemme
Dans un autre registre, le Pakistanais Saim Sadiq suit un jeune homme, Haider, sommé par son père de lui donner un petit-fils et de trouver un travail pour subvenir aux besoins des siens. Un jour, il déniche un job dans un cabaret érotique de Lahore et tombe amoureux de Biba, une performeuse trans au caractère de cochon et aux dents longues. Haider est plongé en plein dilemme. Avec Joyland, le cinéaste se penche sur la manière de s’épanouir et de vivre librement sa sexualité dans une société patriarcale et conservatrice.
De son côté, l’Espagnol Horacio Alcalà nous emmène au Mexique pour nous montrer, dans Finlandia, le quotidien des muxhes, ces personnes non binaires qui prennent soin des aînés et confectionnent des habits pour les fêtes et les rituels. Victimes de l’intolérance de certain·e·x·s, elles se battent pour leur reconnaissance. Ce film à l’esthétique magnifiquement colorée nous fait voyager dans la culture et les traditions mexicaines.
On citera encore Burning Days, du Turc Emin Alper, qui s’intéresse à un jeune procureur gai, fraîchement nommé dans une ville reculée d’Anatolie en proie à des pénuries d’eau. À peine débarqué, il doit faire face aux notables locaux, déterminés à défendre leurs privilèges par tous les moyens. Emin Alper propose un thriller politique où il brosse le portrait critique d’une Turquie populiste au système ancestral, sur fond de corruption, de machisme et de violence.
Réalité méconnue
Parmi les temps forts du festival, deux thématiques retiennent l’attention. Tout d’abord l’intersexuation, réalité méconnue de personnes aux caractéristiques biologiques ne correspondant pas (ou qu’en partie) aux catégories binaires, et qui se trouvent invisibilisées par les institutions politiques et médicales. Un film genevois, Le point sur les «i», éclaire ce fait, ainsi qu’une pièce de théâtre belge Les variations silencieuses. Seule sur scène, une comédienne fait vivre une famille banale, à l’exception de celles·eux que l’on cache derrière une apparente normalité. Didactique et drôle, adressée à un public dès 14 ans, elle sera jouée à la salle Simon du Grütli le mardi 11 à 15h30 et 20h. Les deux représentations seront suivies d’une discussion.
Par ailleurs, Everybody’s Perfect met un coup de projecteur sur le Brésil, avec trois fictions et un documentaire, pour démontrer la remarquable vitalité du cinéma queer dans un pays où l’homophobie règne au sommet de l’État. À noter, Os primeros soldados, de Rodrigo de Oliveira, projeté en présence de représentant·e·x·s d’ONUSIDA et PVA-Genève, qui rendra hommage aux premières personnes gaies et trans touchées par le VIH/SIDA et marquées par la stigmatisation.
Ribambelle de fêtes
Et bien entendu, un festival ne saurait se dérouler sans invité·e·x·s, rencontres, débats, masterclass et autres festivités, à retrouver dans notre agenda Culture Club. Comme le cabaret queer, en ouverture ce samedi 8 octobre, la Fête des Roses japonaises le mercredi suivant, Lesbienne Queer féministe le vendredi, ou encore un rendez-vous de clôture sous le signe des 90s, avec le boys band genevois (!) Bright Young Things.