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It’s a Sin: VIH et mort d’une génération

It’s a Sin: VIH et mort d’une génération

Deux décennies après sa série pionnière Queer as Folk, le Britannique Russell T. Davies fait battre le cœur d’une jeunesse gay anglaise assoiffée de liberté, au début des années sida.

Londres, 81. Sur une bande-son de grands tubes qui contiennent tout – It’s a Sin des Pet Shop Boys en étendard – une communauté prend vie sur cinq épisodes en même temps qu’elle se fait décimer. Le VIH surgit et se répand dans l’ignorance collective, alors que Ritchie, Roscoe, Colin et Ash convergent depuis les quatre coins de l’Angleterre pour éclore dans la capitale.

Ils n’ont pas 20 ans et leurs pulsions conquérantes galvanisent les débuts de la série. Chacun louvoie ou rompt à sa façon avec son milieu pour mieux grandir dans cette nouvelle famille d’élection. Leurs expériences, leurs amitiés, leurs désaccords rythment le quotidien de la grande colocation où fusent des «laaaa!» entre deux portes, code-attitude de ralliement lancée avant de se précipiter vers les promesses d’une nuit. Ils engloutissent les pintes et les corps. Ils vivent, glorieusement imparfaits. Ritchie a des rêves d’acteur. Roscoe a claqué la porte des traditions nigérianes pour scintiller dans le bar QG de leurs excès. Ils sont vite rejoints par Colin – coup de cœur et du sort – timide apprenti tailleur à Savile Row. Il profitera bien trop peu de temps des conseils bienveillants de Henry (Neil Patrick Harris!), parrain daddy en couple et première victime du virus, isolé, enfermé dans une pièce d’hôpital porteuse de toutes les peurs de l’époque.

Juste équilibre
Plombés à l’avance on les observe, en sachant fatalement que la tragédie va faucher sans trier. Et au visionnement, nos sanglots viennent de loin, parce que ces histoires ont façonné nos sexualités de vivants. Russell T. Davies fait le choix de montrer et de faire mourir ses héros ordinaires. Mais leurs corps dévastés ne font néanmoins jamais perdre de vue la pulsation de vie, des combats, des rêves d’une communauté de semblables.

C’est peut-être pour ce contraste, cet équilibre-là qu’il faut voir la mini-série. Rien n’est atténué dans les choix, ni les tentatives variables des personnages pour faire face. Ni dans les zones inconfortables du déni, de la suspicion ou de l’angoisse de contamination, dans un contexte de savoirs en formation symbolisé par Jill, leur alliée et meilleure amie. On verra aussi quelques images – pas assez, peut-être – des premières actions directes, des premiers die-in, des centres d’aide, d’un mouvement en train de se créer.

Critique sociale
Au-delà de l’énergie de ses personnages, l’autre intérêt est que Russell T. Davies vient travailler la question des responsabilités politiques de l’époque, l’indifférence générale, voire une zone plus délicate encore sur la fin de la série: celle des responsabilités familiales. Le déni ou le rejet de l’homosexualité de leurs enfants a nourri des culpabilités et participé à la stigmatisation sociale des séropositifs. Jill le dira d’ailleurs à la mère de Ritchie: «C’est votre faute si les hôpitaux sont pleins d’hommes persuadés qu’ils l’ont mérité.»

Avec Years and Years en 2019, Russell T. Davies imaginait un futur proche post-Brexit effroyable de réalisme. Avec It’s a Sin, il retourne dans le passé comme pour réparer ce qu’il avait éludé dans Queer as Folk: la question du sida autant que le manque d’inclusivité des personnages, quoiqu’ici les personnes trans* soient absentes du récit. Enfin, le réalisateur gallois remémore aussi quelque chose que Ritchie essaiera de faire comprendre à sa mère dans des mots de fin de parcours qui collent des frissons: «J’ai couché avec tous ces garçons, des centaines et je me souviens de chacun d’eux. Une façon de rire ou une blague, un escalier, des lèvres, un visage quand il jouit. (…) Il y avait des salauds dans le lot, mais ils étaient tous super. Les gens vont oublier ça. À quel point on s’est éclatés.»

À voir sur Canal+