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Galliano, la volonté d’être compris plutôt que pardonné

Galliano, la volonté d’être compris plutôt que pardonné
Photo: David Harriman/Pathé Films

John Galliano retrace les vies privée et professionnelle agitées de la star déchue de la mode, qui y fait lui-même acte de contrition. Avant la sortie en salle de ce doc événement, rencontre avec son réalisateur, Kevin Macdonald.

Très tôt, John Galliano est considéré comme un roi dans le domaine de la mode. Jusqu’à ce que sa fabuleuse carrière prenne brutalement fin en 2011. Installé complètement ivre dans un café du Marais parisien, il lance par trois fois à des passants, de nauséabondes insultes antisémites et racistes. Ce qui lui vaudra son licenciement de chez Dior. Dans son documentaire John Galliano, l’Écossais Kevin Macdonald retrace la fulgurante ascension et la chute du styliste britannique. Il explore, sans le ménager, ses luttes contre ses addictions à l’alcool, à la drogue, aux médicaments, tout en insistant sur les énormes pressions qu’il a subies. L’ensemble est ponctué d’images d’archives et d’interviews avec Kate Moss, Penélope Cruz, Charlize Theron, Anna Wintour, prêtresses d’un univers impitoyable que l’auteur ne se prive pas de critiquer.

Face caméra, cheveux tirés, Galliano a perdu de sa superbe napoléonienne, de sa prestance de toréador. Il se confesse, affirme vouloir tout dire, montre sa contrition. Est-elle feinte ou authentique? Une victime des injures racistes ne croit pas à son mea culpa. Mais le public forgera sa propre opinion sur la sincérité de cet homme né en 1960 à Gibraltar d’un père plombier anglais et d’une mère au foyer espagnole. Il y a aussi cette enfance dans le sud de Londres, harcelé par les autres enfants et en proie à la violence paternelle à cause de son homosexualité. «J’ai toujours su que j’étais homosexuel», reconnaît d’ailleurs Galliano dans le film.

La mode chevillée au corps

Dans les années 1980, Galliano part pour Paris, devient directeur artistique chez Givenchy en 1995, puis chez Dior une année plus tard. Le film exalte sa créativité. La mode chevillée au corps, il invente tout depuis sa première collection, Les Incroyables, proposant des défilés grandioses dont il est à la fois le metteur en scène, l’acteur et le scénariste. La polémique n’est jamais loin. En 2000, Les Clochards, défilé inspiré de Chaplin et des sans-abri qu’il croise en faisant son jogging au bord de la Seine, se retourne contre lui. Il est accusé d’insensibilité envers les SDF, alors qu’il dit trouver cela simplement beau. Quelques années plus tard, les provocations se multiplient sous les effets dévastateurs de l’alcool, de la drogue, d’une carrière en surchauffe (32 collections par an qui rapportent des millions entre la couture, le prêt-à-porter, les sacs, les chaussures, les lunettes…) et de la mort de Steven, son bras droit.

«J’ai découvert un être aimable, chaleureux, timide»

Kevin Macdonald (auteur de l’oscarisé Un jour en septembre et des biopics documentaires Marley et Whitney) nous explique la genèse de son film, qui se termine par la traversée du désert et la rédemption de son héros, depuis dix ans directeur créatif de la maison Margiela. «Je m’intéresse à la cancel culture et comment les auteurs de propos inacceptables conduisant à leur ostracisme social peuvent être pardonnés.»

Connaissiez-vous John Galliano avant de réaliser le film ?

Pas très bien. J’ai moi-même un héritage juif et j’ai évidemment été écoeuré par son comportement ignoble en voyant les vidéos. Et puis j’ai découvert un être aimable, chaleureux, timide, regardant ses chaussures. Il était nerveux, s’inquiétant de la manière dont il serait traité pour avoir proféré le pire, en raison de ses addictions, dit-il. Au bout d’un an, il a été convaincu. Nous avons eu trente heures d’entretiens, au cours desquels il m’a avoué ne pas s’attendre à être pardonné, mais espérer être compris.

De votre côté, vous lui pardonnez ses explosions de haine?

Oui, je lui pardonne parce que je l’aime bien. Pour moi, il n’est pas idéologiquement antisémite ou raciste. Il se trouve qu’il a subi beaucoup de méchanceté dans sa jeunesse. Il est issu d’un milieu homophobe, né d’un père violent qui le battait en raison de son homosexualité précocement affichée.

Pensez-vous que lui vous aime?

Nous avons eu une bonne relation, très confiante. Il aurait pu émettre des suggestions, mais il n’est jamais intervenu. Quand il dit oui, c’est oui. Point.

Il a été soutenu par des ténors du milieu.

C’est normal. Avec lui les top models, par exemple, n’étaient pas que des mannequins, mais des actrices qui participaient à chaque fois à un projet. Elles l’adoraient et admiraient sa folle énergie.

Tout en explorant sa réussite et sa dégringolade, vous rendez évidemment hommage à ses fabuleuses collections, notamment Les Clochards, qui avait provoqué des manifestations de colère auxquelles il ne s’attendait pas.

John est un génie, même si je n’apprécie pas tout ce qu’il fait. La clé pour le comprendre, c’est justement Les Clochards. Il ne conçoit le monde qu’à travers la beauté et c’est ce qu’il a voulu démontrer. Il prend ses idées de la rue et du sommet de l’échelle sociale. Certes, c’est un provocateur, un enfant terrible. Il s’en amuse et en jouit. En l’occurrence toutefois, il ne pensait pas du tout offenser les sans-abri.

Le fil rouge du documentaire, c’est sa passion pour Napoléon.

C’est vrai qu’il est obsédé par le personnage, s’habille constamment comme lui. Il y a une certaine logique. Tous deux viennent du sud, parlent un mauvais français, montent à Paris, arrivent au sommet, tombent en disgrâce et connaissent l’exil. Qiand j’ai introduit dans le film les scènes du Napoléon d’Abel Gance, j’ai pensé qu’il n’aimerait pas ça. Au contraire, il a «adoré ces clips».

Depuis dix ans, Galliano a retrouvé une maison, Margiela, mais son comportement a changé.

En effet. Avant, il se mettait en avant en se pavanant sur les podiums. Maintenant, il s’éclipse à la fin du show, pour échapper à la réalité. Il craint ce que les gens peuvent dire.

John Galliano, de Kevin Macdonald (Royaume-Uni, 2023), 1h52, sortie dans les salles romandes mercredi 24 avril.

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