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Mado Lamotte: politique et fanfreluches

Le mois d'août montréalais sera gay ou il ne sera pas! Le festival Divers/Cité s'ouvre ce lundi avec, en haut de l'affiche, une drag queen intergalactique qui n'a décidément pas la langue dans sa poche. Interview.

L’été arc-en-ciel débute ce lundi à Montréal. Cette ville qui figure dans le Top 3 des municipalités  les plus gays d’Amérique du Nord va vibrer au rythme du festival Divers/Cité jusqu’au 5 août. La suite du programme sera assuré par la fierté de Montréal avec en point d’orgue le défilé qui se tiendra le 19. Deux événements aujourd’hui distincts mais néanmoins indissociables: la fierté est plus politique, Divers/Cité plus culturel. Ce dernier prend désormais place dans le Vieux-Port avec au menu: des fêtes, de l’art et des spectacles dont l’incontournable soirée Mascara. Un show de drag queen monstre qui souffle cette année quinze bougies.

En meneuse de revue, on retrouve la reine de Montréal: Mado Lamotte. Comparée à elle, et à ses 350 costumes farfelus, Lady Gaga fait figure de gentille fille un brin ennuyeuse. Mado Lamotte, c’est une petite entreprise qui marche depuis 25 ans. Dans son cabaret situé en plein cœur du Village gay, elle officie plusieurs fois par semaine dans des shows alliant musique et humour (grinçant bien sûr). De passage dans la métropole québécoise, 360° en a profité pour la rencontrer à quelques minutes de sa montée sur scène, en pleine séance de maquillage.

– 30 ans pour le village, 25 ans de carrière. Quel regard portez-vous sur les années qui se sont écoulées?
– Comme partout au monde, je constate que le droit des gays à évolué. A Montréal, ça va très vite. On peut se marier. Il y en a qui réussissent à adopter sans trop de difficultés. On est un peuple très ouvert les québécois. On a peut être pas les mêmes tabous que dans d’autres endroits dans le monde où la religion est plus présente. C’est une société très laïque le Québec. J’ai vu le milieu évoluer. Il y a une reconnaissance qui s’est fait aujourd’hui par rapport au grand public. C’est que je fais n’est plus réservé au milieu de la nuit, des gays ou de l’underground. Toute la population québécoise connaît le personnage de Mado et embrasse les spectacles de drag queens. C’est sûr que cela n’est pas parfait. Il y aura toujours de l’homophobie. Il y aura toujours des cons partout sur la planète. Mais à Montréal, on est quand même très chanceux d’être une société distincte de ce point de vue là. Le village est devenu un endroit couru par tout le monde. La rue Sainte-Catherine est piétonne depuis 5 ans. Des familles, des hétéros, tout le monde vient se promener chez nous. C’est hyper convivial, super communautaire. J’adore!

– Ca n’a pas toujours été facile j’imagine…
– Evidemment pas! Quand j’ai commencé ma carrière j’ai du faire face aux jugements, aux critiques. Ce que je faisais était différent. Ça provoquait, ça choquait un peu. Aujourd’hui, c’est drôle, je regarde les spectacles d’humoristes et ils font exactement ce que l’on faisait nous… il y a 20 ans. On se faisait alors traiter de vulgaire et de trash. Moi, je leur dit toujours que je suis bien content d’avoir été un précurseur. Mais ça, ils ne s’en rendent pas forcement compte car généralement ils ne viennent pas voir nos spectacles. Aujourd’hui, avant de dire que ce que l’on fait c’est vulgaire, il faut regarder ce qui se fait ailleurs et on réalise que c’est vrai, les drag queens c’est devenu soft. C’est comme le soft porn! On n’est pas trop explicite. On montre juste un peu. (Rires)

– Vous êtes une star au Québec. La reine du village. C’est quoi la clé de la réussite?
– Je pense que c’est de toujours être à l’affût de la nouveauté. De se renouveler dans son travail. Il faut beaucoup de discipline. Je suis passionné et ça se voit quand je monte sur une scène. J’aime mon travail. J’aime Mado. Je ne suis pas blasé, c’est donc plus simple de charmer, de conquérir mon public. Il se rend bien compte que je mange la scène. La réussite c’est travailler très fort. Etre informé, éduqué sur ce qui se passe pour rivaliser avec la compétition… mais il n’y en a pas vraiment ici. (Rires)

– Vingt-cinq ans de carrière. Beaucoup de succès. Vous êtes enfin millionnaire?
– J’ai des millions de fans mais pas de dollars et heureusement d’ailleurs. Je ne fais pas mon travail pour l’argent sinon j’aurai arrêté depuis longtemps. Mon bonheur c’est de voir les gens qui m’applaudissent, qui sont bien. Qui repartent en me disant qu’ils ont passé une super soirée. C’est mon but! Pas de faire un millier de dollar!

– Vous connaissez la Suisse, les Suisses?
– J’y suis allé quand j’avais 20 ans donc ça fait très longtemps (Rires). Je ne connais pas beaucoup votre pays mais on a une Drag de Lausanne qui vient faire des spectacles à l’occasion à Montréal. Je trouve que vous êtes des gens très calmes comparés aux Français qui sont très nerveux ou aux Belges qui sont un peu tête en l’air, fofolles, comme les Québécois. C’est l’impression que j’ai. Des gens très droits, très organisés.

– En Europe, ce type de cabaret est plus rare. Comment peut-on expliquer que la sauce prenne si bien ici?
– Il y a probablement un aspect culturel mais aussi dans la façon dont on traite les personnages. En Europe, la drag queen est restée au niveau de l’illusion, de l’imitation. Ici on a exploré d’autres facettes sans doute inspiré par les Américaines. On a vu des Ru Paul. On a vu des Lady Bunny. A New York, ils y a des drags qui chantent avec leur voix, qui détournent des paroles de chanson. On les voit à la TV, au cinéma, partout. Moi, j’ai toujours chanté avec ma voix. Je ne fais pas de playback. J’écris des textes, je fais de l’improvisation. Mon métier c’est comédien. Moi je ne deviens pas Lisa Minnelli, je ne deviens pas Céline Dion. Je suis Mado tout le temps qui interprète à sa façon ces chanteuses-là.

– Est-ce qu’il y a eu un moment clé dans votre vie qui a mené à la création de ce personnage de Mado Lamotte?
– J’ai étudié le théâtre à l’université. J’aimais le côté comédie, faire rire les gens. Le déclic à eu lieu avec un ami. On s’est dit: «on va faire des personnages fous dans les bars pour s’amuser». Finalement, de spectacle en spectacle on a peaufiné nos personnages. On les a rendu vivants, réels. Mado est un personnage de théâtre.

– Quel est la part de militantisme dans votre travail?
– Ça dépend des sujets. Evidemment, s’il y a des thématiques gays qui me tiennent à cœur j’essaye de sensibiliser les jeunes à faire les efforts pour s’informer. Pour qu’ils se forgent une opinion sur ce qui se passe dans notre communauté. Sinon j’essaye de ne pas trop mélanger ma vie personnelle avec celle de Mado. Ce n’est pas toujours simple. C’est vrai qu’en matière de politique Mado donne toujours son avis. Elle influence un peu le public. En rendant tout ça cocasse, je pense qu’elle arrive à rendre les choses plus accessibles. Elle se moque beaucoup, mais il y a toujours un fond de vérité. Pour moi c’est important que Mado soit engagée. Même si je suis un clown, un comique qui fait rire le public, j’aime à faire passer des messages et si ça marche tant mieux! Le public va par exemple se demander pourquoi Mado parle toujours contre le gouvernement libéral québécois… Ils vont se renseigner et pouvoir se positionner. Même s’ils ne sont pas d’accord, on peut avoir un débat. Je trouve qu’il manque de débats dans la société. Avec internet notamment, les gens ne se parlent plus. Je cherche à provoquer ces rencontres, ces conversations, ces réactions. En ayant une opinion on devient plus intelligent et on fait peur d’ailleurs au gouvernement car on pense enfin par nous-mêmes! (Rires)

– Des projets à venir? En Europe peut-être…
– Je retourne à Paris pour la 10e année au mois de novembre au Tango. Peut-être un petit saut à Bruxelles. Sinon j’aimerai bien aller faire la Côte d’Azur en spectacle. J’ai une copine là-bas. J’ai fait Lyon déjà. Et qui sait peut-être la Suisse. On m’a déjà invité mais je ne suis pas certain encore. Il faut  beaucoup de temps pour faire toute ça et je suis vieille.

– Vieille! La retraite c’est pour quand? 
– Ça n’existe pas le mot retraite dans mon vocabulaire. Pour moi la retraite c’est une semaine ou deux dans un chalet. Je prévois un dernier 25 ans peut-être. Je fonctionne par tranche de 25. Je me dis 50 ans de carrière c’est pas mal et après qui sait peut-être 75.