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Applications de rencontre: à la recherche de femmes queer

Applications de rencontre: à la recherche de femmes queer

Tinder, Her, Parship, Meetic, ElitePartner, OkCupid, Wapa, Bumbl, GayPax… Encensées ou stigmatisées, les applications qui permettent à des femmes* de rencontrer d’autres femmes existent. Que racontent les utilisatrices?

Après 18 mois de semi-confinements, 360° vous propose, à travers les expériences partagées d’une quinzaine d’usagères d’âges et de profils différents, une excursion dans le monde des datings apps.
 
De quelles apps on parle?
«J’ai testé à peu près toutes les applications après différentes ruptures et elles m’ont toutes apporté quelque chose», rapporte Auria** (57 ans). Si les apps semblent avoir notamment le mérite d’aider à vivre la solitude ou à surmonter une certaine forme de timidité, elles ne fonctionnent pas toutes exactement de la même façon.

Certaines apps, comme Tinder, proposent de liker ou non la photo et le profil d’une personne. Her fonctionne aussi avec des mots-clés. D’autres, à l’image d’OkCupid et de Parship, donnent la possibilité de répondre à des questions destinées à dresser un profil plus complet. Parship propose de liker un profil sans photo et de demander une photo après quelques échanges. Autre différence de taille: le prix. S’il est possible d’utiliser certaines de ces applications gratuitement, elles proposent également des services payants qui permettent de voir les likes ou les messages. Les types d’engagement diffèrent. À titre d’exemple, s’il est possible de payer un abonnement d’un mois sur OkCupid, Her ou Tinder, la durée minimum d’inscription sur Parship est de 6 mois.
 
Apps safe ou pas safe
Les applications comme Tinder conçues pour tout le monde donnent la possibilité aux femmes* de rencontrer d’autres femmes. Cela étant, les usagères ayant testé cette application, comme Paula (35 ans), disent être  “excédées” de se voir proposer des profils d’hommes cisgenres hétéros alors qu’elles pensaient, par le profil de recherche qu’elles avaient créé, se trouver dans un relatif safe space. « Si on voulait juste pécho un gars pour un café, on saurait comment s’y prendre depuis le temps » ironise Paula.
Certaines craignent, comme Marion (28 ans) et Elodie (40 ans)  qu’un collègue apprenne qu’elles sont lesbiennes par l’application.

Nombre d’entre elles se sentent par ailleurs obligées d’indiquer dans leur bio qu’elles ne sont pas intéressées par des plans à trois avec des couples hétéros. « A la fin, il ne te reste plus beaucoup de place pour dire ce que tu cherches vraiment » commente Elodie (40 ans). De guerre lasse, certaines préfèrent tenter leur chance sur des applications uniquement pour les femmes* comme Her ou Wapa, ou encore des applications payantes comme Parship qui, selon elles, permet, du fait de leurs coûts élevés, de filtrer les faux profils tout en augmentant la sécurité lors des premiers dates (d’autant plus s’ils ont lieu, Covid oblige, at home).
 
On couche ou on couche pas
Selon les interviewées, la plupart des femmes* recherchant des femmes sur les apps indiquent souhaiter une relation sérieuse. Pour Auria (57 ans) : « Les femmes n’assument pas l’envie d’un one night stand ». Socialisation oblige, le regard sur les femmes queers ou lesbiennes qui veulent seulement du sexe reste assez jugeant et normatif, même si ce constat semble évoluer pour les femmes plus jeunes. Ce constat est d’autant plus paradoxal que nombre d’entre elles rapportent qu’elles ont une relation sexuelle au premier rendez-vous si leur partenaire leur plaît.
 
Des matchs très orientés
Les applications ne se servent pas uniquement des données personnelles qu’elles nous réclament, comme l’âge ou la géolocalisation. Comme le montre Judith Duportail dans son livre L’amour sous algorithme, Tinder et bien d’autres collectent des données, issues par exemple des cookies et des réseaux sociaux. Elles permettent de dresser un profil socio-professionnel et d’estimer nos potentiels physique (sur la base de notre taille et de notre poids) et intellectuel. Ces données servaient à établir, jusqu’à récemment, une note de désirabilité. Tinder a indiqué, à la suite de la publication du livre, avoir renoncé à cette pratique. On peut se demander légitimement par quel calcul cette note a été remplacée. Laure (33 ans), pour sa part, trouve cette note : « non éthique et irrespectueuse ». Lysa (39 ans) pointe, quant à elle, les limites des critères de recherche : « Je n’aurais pas liké mes relations précédentes. Je trouve que tu peux facilement passer à côté de quelqu’un de super à cause de mots-clés comme « bière artisanale » qui ne veulent finalement pas dire grand-chose ». 

Si le travail de Judith Duportail a permis notamment de mettre en lumière l’évaluation différenciée et sexiste des hommes et des femmes sur Tinder, la journaliste indique qu’elle ignore quel est le système d’évaluation pour les femmes qui souhaitent rencontrer des femmes. Nonobstant les orientations sexuelles, l’intérêt des concepteurs·trices d’apps reste malgré tout et avant tout que leur produit génère de l’argent, pas des rencontres.  
 
Comportement éthique sur les apps 
Les femmes* grandissent dans une société où elles sont souvent objectivées et la plupart de ces apps les confrontent, une fois de plus, à l’exposition de leur corps comme une marchandise devant correspondre à des normes pour susciter le désir. Les réactions face à ce tri des profils sur la base de la photo sont ambivalentes. Pour certaines personnes, il est perçu comme dénigrant. Elles dénoncent ce que Auria (57 ans) nomme le «shopping émotionnel» qui requiert d’être fortes psychiquement. Pour d’autres, comme Caroline (26 ans) et Laure (33 ans), il est important de d’abord savoir si la personne leur plaît physiquement avant de s’intéresser à son profil.

De même, certaines vivent le ghosting comme un rejet, alors que d’autres arguent que l’utilisation des apps est souvent intense, mais restreinte dans le temps. Dès lors, il est compréhensible de «ghoster» des personnes à un moment donné. Pour d’autres encore, il est difficile de dire à la personne qu’elles ne sont pas intéressées. C’est pourquoi Léonore (40 ans) trouve utile que «Parship te donne des conseils pour ne pas blesser la personne si jamais elle ne te plait pas». Comme pour tous les réseaux sociaux, elle estime en effet important de ne pas oublier qu’il y a un être humain derrière l’écran.
 
Dating fatigue
La plupart des interviewées rapportent avoir pu construire de belles relations amicales ou amoureuses grâce aux apps. La majorité d’entre elles expriment toutefois une lassitude face à ce mode de rencontres. Elles évoquent notamment, comme Lysa (39 ans), le ras-le-bol d’avoir l’impression de «passer un entretien d’embauche». Ce phénomène a également été interrogé par Judith Duportail dans Dating fatigue – Amours et solitudes dans les années (20)20. Elle dénonce le profit que les apps tirent de la misère émotionnelle et estime que les apps fonctionnant avec des swipes ne peuvent être éthiques, puisqu’elles imposent, une fois de plus, des normes de désirabilité à déconstruire.
 
Un Grindr safe pour les filles ?
Que ce soit pour être amies, pour une nuit ou pour la vie, les personnes interrogées sont unanimes: les lieux, virtuels ou réels, pour rencontrer des femmes queers sont trop rares. Manquent également des lieux safe pour des rencontres sexuelles. Certaines trouvent qu’un Grindr pour simplement aller boire un verre serait aussi utile.

S’il est vrai que les bars et discothèques sont de plus en plus LGBTIQ-friendly dans les grands centres urbains, il manque néanmoins des lieux moins mixtes où il est possible d’aborder une femme avec la quasi-certitude qu’elle est queer/lesbienne et sans risquer d’avoir des propositions sexuelles émanant d’hommes cisgenres. Font également défaut des applications non mixtes et véritablement féministes qui seraient assez fréquentées pour concurrencer les applications mainstream. Concepteurs·trices, à vous de jouer!

* et personnes ayant une vulve
** tous les prénoms mentionnés sont des prénoms d’emprunt
 

Quelques conseils des utilisatrices

o   Soigner son profil (orthographe, messages clairs)
o   Indiquer, si on le sait, quelle(s) sorte(s) de relation(s) on cherche
o   Trouver une phrase qui accroche et/ou une description sympa et personnalisée
o   Ne pas hésiter à faire preuve d’un peu d’autodérision
o   Choisir une photo relativement récente sur laquelle on se plaît
o   Bien regarder les profils proposés, ne pas se fier seulement à la photo
o   Ne pas hésiter à poser clairement ses limites tout en respectant la personne

First date:
o   Donner l’adresse à une personne de confiance et l’informer à la fin du date
o   Aller boire un verre dans un espace public (échappatoire possible si, par exemple, la personne a menti sur son identité ou si la conversation est trop ennuyeuse)
o   Si on est intimidée, proposer une balade pour être côte à côte et non pas face-à-face. Choisir un endroit fréquenté

En savoir plus :
·   L’amour sous algorithme (2019) de Judith Duportail
·   Dating fatigue (2021) de Judith Duportail
·   Le Cœur en live avec Judith Duportail – Le Coeur sur la table – Binge Audio
·   Pièce de théâtre de Carole Epiney et Lionel Chiuch Amour sans filtre | Pulloff Théâtres