Sensibilités à (dé)ménager
L'ACTU INTERNATIONALE observée par le petit bout de la lorgnette. Ce mois-ci, elles se heurtent, s’enflamment et se soignent: les sensibilités.
Sujet sensible
Dans un guide à l’usage des enseignants du primaire, le Ministère anglais de l’éducation recommande d’aborder avec les enfants de 5 à 7 ans la question des familles homoparentales. Une proposition qui a fait ruer dans les brancards la droite conservatrice, relayée par la presse de caniveau, où l’on prévient que «forcer des enfants de cinq ans à valoriser les relations homosexuelles est presque une forme de lavage de cerveau.» «On n’est pas en train de demander d’enseigner le mariage gay à des enfants de 5 ans, réplique-t-on du côté des initiateurs de la brochure incriminée, tout ce que l’on dit, c’est que l’on doit être sensibles aux enfants dont la cellule familiale n’est pas traditionnelle, et parmi eux, ceux qui ont des parents du même sexe.» Les associations LGBT dans le domaine de l’éducation applaudissent des deux mains, et rappellent que selon leurs observations, l’exposition à l’homophobie commence tôt à l’école primaire: «La plupart des écoles peinent à aider les enfants à saisir la diversité sociale et culturelle», expliquait notamment un porte-parole de l’association School’s Out à Gay.com.
«Portant atteinte à la mémoire de Jean Paul II»
…voilà le dernier argument-massue pour faire interdire les manifestations publiques organisées par les associations homosexuelles ou féministes en Pologne. Avec des sensibilités chrétiennes particulièrement chatouilleuses, la voie est libre pour le nouveau président et le gouvernement fraîchement formé, dont le chef s’est récemment exprimé en faveur de l’interdiction aux homos d’enseigner dans les écoles du pays.
Elles sont pas belles, mes croûtes?
Jack Vettriano, peintre autodidacte écossais dont les reproductions ornent les murs d’innombrables cottages et tourniquets de cartes postales, est furieux de voir les musées britanniques rester insensibles à ses successful croûtes. Selon lui, ses scènes vaporeuses de tangos enlacés, domestiques en grandes livrée et silhouettes perchées sur hauts talons sont trop straight: «Le monde artistique n’aime pas le comportement hétérosexuel effréné. Il pense que c’est de mauvais goût, que cela ne correspond pas à ce que l’art devrait être»… Joli coup de vernis sur le vieil argument de la main-mise des homosexuels sur l’art!
Keufs sensibilisés…
Rien de tel qu’une pré-campagne électorale pour sensibiliser un ministre à une grande cause. Ainsi l’association française de policiers gays et lesbiennes Flag a-t-elle enfin fait passer auprès du Ministère de l’Intérieur son projet de module de sensibilisation des policiers à l’homosexualité. Le programme de formation interactive de deux heures, oublié dans un tiroir ministériel depuis 2001, devrait entrer en vigueur dès février dans les centres de formation de la police nationale. Dans la foulée, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il allait prochainement faire circuler une note interne «rappelant aux policiers les règles de déontologie vis-à-vis de nos concitoyens et notamment des homosexuels» et améliorer l’enregistrement des plaintes pour homophobie.
…et quartiers sensibles
Les homos bientôt pris pour cible par les casseurs? Alors que les quartiers de nombreuses villes de France étaient en proie à des affrontements, le Centre gai et lesbien de Paris s’est fendu d’un communiqué rappelant que la crise s’expliquait aussi par la baisse des crédits publics au social, et notamment aux associations, tout en soulignant qu’il reste «difficile d’afficher son orientation sexuelle ou identité de genre en banlieue; dans un tel contexte de violence, nous n’osons même pas imaginer l’angoisse dans laquelle sont plongées les personnes LGBT aujourd’hui.»…
Foules sentimentales
Déçus, les gays brésiliens, qui se réjouissaient de voir enfin Júnior et Zeca, deux des personnages de la telenovela «America», échanger un romantique baiser dans le dénouement du feuilleton diffusé par la toute-puissante TV Globo. La chaîne privée avait pourtant savamment fait monter l’adrénaline à propos des deux bellâtres. Sauf qu’au dernier moment, les programmateurs de la chaîne ont choisi de ne pas diffuser la scène du baiser, expliquant avec une certaine hypocrisie qu’elle avait été remplacée par une autre, «tout aussi pertinente». Ni une ni deux, un «kiss-in», une protestation publique en forme de baiser collectif, a réuni une centaine de gays devant le Parlement. Vivement que pour son prochain feuilleton, TV Globo censure une scène de fesse, ça mettra un peu d’animation dans les rues de Brasilia.