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Prévenir l’homophobie et la transphobie à l’école, une urgence trop peu prise en compte

Prévenir l’homophobie et la transphobie à l’école, une urgence trop peu prise en compte

En Suisse, le pourcentage d’ados ne s’identifiant pas comme hétéro avoisinerait les 17%. La stigmatisation et les violences que ces jeunes subissent font souvent de leur parcours scolaire un calvaire. Bien que nécessaire, la sensibilisation, à travers des interventions spécifiques auprès des professionnel·le·x·s et dans les classes, n’en est qu’à ses prémisses. Rencontre avec les acteur·ice·x·s de terrain romand·e·x·s. 

«Les interventions régulières dans les classes permettent de faire évoluer les mentalités, aussi bien parmi les élèves que dans le corps enseignant. Les jeunes, si on leur explique qu’il ne s’agit pas d’être pour ou contre, mais uniquement de respecter les gens qu’iels côtoient, sont aptes à comprendre ces enjeux.», analyse Aymeric Dallinge, collaborateur spécialisé auprès de l’Office cantonal de l’égalité et de la famille du canton du Valais. «Cela donne également un gage de sécurité aux personnes concernées, en leur signifiant que l’on s’engage sur ces questions et qu’ielles sont les bienvenu·e·x·s dans leurs établissements.» 

Et l’ex-Chablaisien de poursuivre: «Les enseignant·e·x·s sont très demandeur·euse·x·s de formations sur ces thématiques, et l’année passée, une équipe de médiateurices scolaires sur la question LGBTIQ a été formée.» Malgré ceci, les enseignant·e·x·s valaisan·ne·x·s font souvent la demande pour qu’une personne spécialisée dans ces questions puisse accompagner certaines situations ou au moins être sollicitée, ajoute-t-il.

«Comprendre comment fonctionne son propre corps et connaître ses droits»
En Valais, comme dans les autres cantons, la thématique est en partie abordée dans les cours d’éducation à la santé sexuelle. Dans ce canton, ce sont les centres SIPE (Sexualité, Information, Prévention, Éducation) qui s’en chargent. «Nous faisons allusion de manière large à la question LGBTIQ dès nos premières interventions en 2e Harmos (2H), pour mentionner que chaque personne est unique, avec ses singularités et différences», explique Zoé Leu, adjointe à la direction et chargée de projet à la Fédération valaisanne des centres SIPE. «Cela peut sembler très basique, mais rien que le fait de montrer en image, en 4H, que l’on peut par exemple avoir deux mamans, expliquer qu’il existe différents types de familles, et dire que l’on peut être amoureux·se de qui l’on veut, cela permet aux enfants de prendre conscience de tout cela.»

La chargée de projet basée à Sion reconnaît toutefois que des interventions spécifiques, qui porteraient sur la prévention des dynamiques de discrimination en lien avec le genre et l’orientation affective et sexuelle, seraient souhaitables. «Pour l’instant, c’est plutôt dans chaque cours [d’éducation sexuelle] que l’on essaie d’amener cela de manière claire, avec des exemples. On encourage aussi les enfants à ne pas avoir de comportements discriminants ou violents pour n’importe quelle raison que ce soit, dont une incompréhension liée à une personne LGBTIQ.» Zoé Leu insiste aussi sur le fait que chaque classe est différente et a des questionnements particuliers: «Il arrive que l’on passe moins de temps sur ces questions, parce qu’il y a eu davantage d’interrogations sur la puberté, par exemple. L’idée est de comprendre d’abord comment fonctionne son propre corps, de connaître ses droits et de savoir qu’on a le droit d’exprimer ce que l’on ressent et qui l’on est.»

Les centres SIPE ont par ailleurs pu récemment distribuer la brochure de la Fondation Agnodice aux directions d’établissements. «Il y a de plus en plus de matériel, telle que cette brochure, sur lequel les enseignant·e·x·s et le personnel éducatif peuvent s’appuyer», se réjouit l’adjointe à la direction des centres SIPE.
 
Plan d’action cantonal 
 Dre Caroline Dayer, déléguée cantonale (Vaud) aux questions d’homophobie et de transphobie dans les lieux de formation, souligne que le plan d’action cantonal vaudois se fonde notamment sur les besoins et les demandes récurrentes des écoles, sur des recherches scientifiques locales et internationales, ainsi que sur des bases juridiques.

Le plan d’action unique en Suisse, par lequel Vaud se démarque clairement des autres cantons, met en effet un point d’honneur à outiller les professionnel·le·x·s en contexte scolaire avant d’entreprendre des ateliers avec les élèves. «Ensuite, les écoles font une demande de validation et de financement auprès de l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (PSPS) pour organiser les interventions [auprès des élèves], qui sont réalisées par Vogay», explique Dre Caroline Dayer, qui collabore étroitement avec l’Unité PSPS.

Le plan d’action du Département de la formation pour la prévention et le traitement de l’homophobie et de la transphobie dans les lieux de formation a été présenté le 17 mai 2021. Dre Caroline Dayer relève que le programme de législature vaudois prévoit un plan cantonal pour prévenir et lutter contre les discriminations visant les personnes LGBTIQ dans l’administration et plus largement dans la société. Le développement de cette politique publique interdépartementale et transversale est en cours.
 
Manque de volonté politique 
En Valais, le plan d’action cantonal ne concerne que le Département de la santé, et pas celui de la formation, ce qui rend notamment le financement d’interventions spécifiques en milieu scolaire compliqué. À Genève, celles-ci peuvent toutefois avoir lieu grâce à l’engagement de la Fédération genevoise des associations LGBT et à des subventions. Comme en Valais et dans les autres cantons, c’est avant tout le manque de volonté politique qui empêche l’élaboration de lignes institutionnelles claires et la mise en œuvre d’un plan d’action.
 
Pour les élèves, le sentiment d’insécurité et le stress constant induit par les violences qu’iels subissent ont d’importantes conséquences en termes d’absentéisme et de décrochage scolaire. Le malaise permanent nuit par ailleurs au processus de socialisation, à l’estime de soi et rend le parcours de formation des jeunes LGBTIQ particulièrement compliqué. Dre Caroline Dayer relève également que l’homophobie et la transphobie ne touchent pas uniquement les personnes concernées: «Plus du tiers des élèves se définissant comme hétéro sont en effet la cible d’homophobie. Les élèves qui ne se plient pas aux stéréotypes de genre subissent ainsi régulièrement du dénigrement et des mises à l’écart.»*
 
Parallèles entre homophobie, racisme et sexisme
Manu, co-secrétaire générale chez Vogay, intervient dans les établissements scolaires du canton de Vaud. Selon elle, les interventions dans les écoles permettent aussi de lutter contre la discrimination de manière globale: «Dans les classes où l’on intervient, on fait beaucoup de parallèles entre homophobie, racisme et sexisme. On parle de la construction des représentations, des stéréotypes que l’on peut avoir sur l’autre, et de l’attitude pouvant être adoptée pour casser le cercle vicieux de la discrimination.»
 
Alors que les cours d’éducation sexuelle, dispensés par PROFA dans le canton de Vaud, informent sur les différents façons de faire famille, de procréer et de s’aimer, les interventions spécifiques s’attaquent de front aux préjugés et à leurs expressions les plus virulentes: «On se retrouve parfois face à des élèves ayant des apriori assez homophobes – on ne parle même pas de transphobie à ce stade – qui affirment par exemple “S’il y a un homo dans ma classe je ne m’assois pas à côté”. On s’adapte à chaque classe et dans un tel cas, le message sera qu’une personne homosexuelle mérite d’être respectée et a sa place dans la société.»
 
Pour Dre Caroline Dayer, la prévention de l’homophobie et de la transphobie est bénéfique pour l’ensemble de l’établissement et au-delà, notamment en développant des pratiques non discriminatoires et le respect de la diversité. Au niveau fédéral, la création récente de deux postes liés à l’égalité des personnes LGBTI au sein du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes constitue également une avancée. Espérons donc que le modèle vaudois fera des émules, tant il semble urgent d’agir sur ces questions, dans le milieu scolaire tout particulièrement.

*(Ré)agir face à l’homophobie et à la transphobie, Caroline Dayer, REISO.org, juin 2022