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La communauté LGBTQ+ suisse se réinvente en ligne

La communauté LGBTQ+ suisse se réinvente en ligne
La soirée bâloise Stay Home Sébastien, le 11 avril.

Clubbing, convivialité, bien-être: des deux côtés du röstigraben, les initiatives fleurissent pour maintenir les liens communautaires et garder le moral à l'heure du confinement.

Le spectacle est assez épatant: dans les petites fenêtres, chacun·e improvise son show. On rivalise de fonds d’écran psychédéliques, de décors bariolés et clignotants, d’accessoires kitsch, puis on se déhanche et tournoie dans sa cuisine ou sa chambre à coucher, verre à la main, au son d’une disco aux échos métalliques. Tous les ingrédients de la party sont éclatés dans ce patchwork multicolore: le DJ fait marcher les fumigènes chez lui, la boule à facette tourne ailleurs, tandis qu’une drag queen est en plein maquillage. Il y a même un adorable barman qui intervient pour un intermède: une recette de cocktail spécial quarantaine, qu’il dégustera tout seul en direct du Zischbar fermé.

Ainsi s’est déroulé samedi dernier Stay Home Sébastien, revival confiné de la soirée queer bâloise OK Sébastien, accueillie de 2013 à 2019 par le club Heimat. À l’instar de nombreux acteurs de la scène LGBTQ+ suisse, ses organisateurs ont tenté l’expérience de l’app Zoom, en l’occurrence avec une bonne humeur et une exubérance communicatives.

Nico, qui a mis sur pied l’événement avec son partenaire de projet Yves, ainsi qu’avec l’équipe de GayBasel et les DJs Giuseppe und Luca , raconte que l’idée a mûri lors de soirées avec des amis par écran interposé. «On s’est dit qu’on allait faire une vraie party où on se fait beau, et où l’on peut danser, boire, discuter et aussi flirter.» Au total, une soixantaine de personnes ont pris part à l’événement en ligne. Une fréquentation décevante? «On n’a pas de point de comparaison, relativise le Bâlois. Il était d’ailleurs très difficile de prévoir combien de gens allaient jouer le jeu. Ce qui était génial, en tout cas, c’est que des personnes sont venues de toute la Suisse. Et on avait des invités de Berlin, New York, Toronto et de l’Indiana. Sans parler des viewers du livestream sur Facebook.» Le feedback a été très positif, à part pour la qualité du son. «Vu de l’extérieur, une telle party semble très simple, mais il y a eu un gros travail au niveau du contenu, du concept et de la technique.»

«stay home sébastien» – Dance from GayBasel on Vimeo.

La scène alémanique s’est distinguée ces dernières semaines par plusieurs événements festifs accessibles en ligne, des shows de drag queens Late Night Drag sur Instagram et YouTube aux animations destinées aux jeunes mises sur pied par Milchjugend. Les activités ludiques par visioconférence ont aussi fleuri, comme «Stadt, Land, Gay», adaptation gay d’un jeu de lettres consistant à former des mots à partir de devinettes thématiques, mise en ligne par le magazine «Display».

À bâtons rompus
Du côté romand, les associations s’en tiennent à des activités plus conventionnelles, mais pas moins conviviales. À côté des services de soutien et des groupes de discussion, des apéros en ligne sont tentés çà et là. À Fribourg, Sarigai a réuni au début du mois une petite dizaine de personnes, membres ou sympathisants de l’association, pour trinquer devant leur écran. Pas la grande foule, mais une ambiance sympathique et deux heures de discussions à bâtons rompus, se réjouit Gonzague, qui songe à renouveler l’expérience.

«On avait une bonne dynamique depuis un an, et le coronavirus a un peu cassé cela. Alors je me suis dit qu’on n’allait pas se laisser faire…»

À Network, les rendez-vous en ligne sont aussi à l’agenda. Le réseau d’entrepreneurs, de jeunes talents, de cadres gay et de personnes qui font bouger les lignes sur le lieu de travail «avait une bonne dynamique depuis un an et le coronavirus a un peu cassé cela, confie Raphaël responsable de l’antenne lausannoise. Alors je me suis dit qu’on n’allait pas se laisser faire…» Après une première tentative sur Zoom s’est imposé le besoin de poser un canevas pour ces séances, en s’appuyant sur les compétences des membres et en alternant sujets légers et sérieux. Ainsi une session avec un avocat, notamment sur la question cruciale du chômage partiel, a fait un tabac. La suivante était consacrée à l’histoire de Lausanne, donnant lieu à un quiz préparé par un historien. La prochaine aura pour thème la communication de crise. «Le but du jeu c’est que chacun puisse exprimer autant ses passions que son savoir-faire, ou parler de son entreprise, explique Raphaël. Ce n’est pas un format fermé.» Le modérateur fait un «tour des écrans» où il invite chacun à se présente ou raconte un peu où il en est, l’occasion aussi d’entretenir les liens de solidarité au sein du groupe, où la mixité de générations est importante.

Expériences à pérenniser… ou pas
Le sport et le bien-être font aussi partie des activités communautaires qui trouvent un second souffle en ces temps de confinement. Gay Sport Zurich, par exemple, a mis sur pied un programme d’entraînements live, incluant Pilates et yoga. Sous l’égide de Dialogai, à Genève, les séances de méditation qui se tiennent depuis environ sept ans dans les locaux de l’association ont migré vers Zoom, tous les lundis à 18h. Rémi y prodigue ses «outils de recentrage, d’appel à ses ressources intérieures et de bien-être dans un esprit d’accessibilité, de simplicité et d’amusement». L’activité, gratuite (mais il y a une tirelire pour couvrir les frais), a ses limites en mode visioconférence. «D’habitude, j’utilise des possibilités de mouvements, des vis-à-vis, des moments les yeux ouverts pour que l’activité soit adaptable au quotidien. Tout cela me paraît impossible avec Zoom, mais je découvre encore.» Rémi réfléchit à restaurer par le biais du Net les moments de convivialité: l’accueil des participants, la petite prise de parole finale, voire les discussions d’après-séance. Par ailleurs, le passage à Zoom ouvre des perspectives. Ainsi, pour beaucoup de participants habitant loin de Genève, «la distance était un obstacle, note Rémi, mais puisqu’on a trouvé cette formule, cela va perdurer. Et les gens peuvent suivre la séance plus tard, car elle est enregistrée sur le site

Mon sentiment est que les gens dans deux ou trois semaines auront envie de gerber quand ils entendront des mots comme livestream ou Zoom

Même avec un déconfinement progressif à l’horizon dès la fin du mois en Suisse, la communauté LGBTQ+ n’est pas près de reprendre ses habitudes festives, conviviales ou sportives. Est-ce à dire que d’autres activités en visioconférence vont se pérenniser? Le Bâlois Nico en doute: «Très franchement, mon sentiment est que les gens dans deux ou trois semaines auront envie de gerber quand ils entendront parler de livestream ou Zoom. Comme dans tous les domaines en ce moment, les besoins changent d’une semaine à l’autre. Mais ce qui est sûr, c’est que les soirées normales ne reprendront pas de sitôt. Alors peut-être qu’il faudra penser à un autre concept!»

Parmi les autres activités en ligne proposées durant le confinement, le groupe Jeunes de VoGay a mis en place un rendez-vous tous les vendredis soirs. Au programme: jeux vidéos, séances de streaming collectives, discussions, etc. Les intéressé·e·s peuvent s’annoncer auprès d’ adelaide@vogay.ch. L’association vaudoise, comme ses consœurs romandes, maintient par ailleurs ses consultations et lignes d’écoute par Skype, téléphone et e-mail.