Le don du sang bientôt ouvert aux gays?
Pour l'avocat général de la Cour de justice européenne, l'interdiction pour les gays de verser quelques gouttes rouges est discriminante. Swissmedic de son côté n'envisage pas de d'alléger les restrictions.
A l’heure de l’ouverture de la conférence internationale sur le sida, il est parfois de bonnes nouvelles. La semaine dernière, Paolo Mengozzi, l’avocat général de la Cour de justice européenne, a rendu ses conclusions sur l’interdiction à vie de donner son sang pour un gay: «Le seul fait pour un homme d’avoir eu ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme ne constitue pas un comportement sexuel qui justifierait l’exclusion permanente d’un tel homme du don de sang», écrit-il.
Loi discriminante
Tout est parti de France, lorsque Geoffrey Léger, gay, n’a pas pu donner son sang en raison de la loi qui interdit à vie de donner son sang lorsqu’on est homosexuel. Il a porté plainte, allant jusqu’à la plus haute instance européenne. Elle lui a donné raison!
«Il faudrait se concentrer sur les pratiques sexuelles, pas sur l’orientation sexuelle»
«En excluant de manière définitive du don de sang tout homme ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un autre homme, la réglementation française introduit une évidente discrimination indirecte fondée, de manière combinée, sur le sexe (les hommes) et sur l’orientation sexuelle (l’homosexualité et la bisexualité)», continue Mengozzi.
De nombreux pays européens bannissent encore les homosexuels du don du sang, en raison d’un risque plus élevé de contracter une maladie infectieuse tels que le VIH ou l’hépatite C. Personna non grata, tout comme en Suisse.
Espoir pour la Suisse?
Si les juges européens abondent dans le sens de Mengozzi, Rolf Trechsel, co-président de Pinkcross, pense que cela mettra «une grande pression sur la Suisse», rapporte le Tages Anzeiger. Bien sûr, la Suisse n’est pas contrainte par cet avis de la Cour européenne, puisqu’elle n’est pas un Etat membre, mais les choses pourraient toujours bouger ici. Car pour l’activiste, cette exclusion a un «caractère discriminant.» «Il faudrait se concentrer sur les pratiques sexuelles, pas sur l’orientation sexuelle», estime-t-il, suivant les idées de l’avocat général. En effet, ce dernier pense qu’il s’agit d’observer la fréquences des rapports sexuels et les pratiques, indépendamment de l’orientation et du sexe.
En Suisse, 3 personnes sur 1000 sont séropositives. Chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, le nombre de contaminés grimpe à 100.
Sur le principe, la Croix-Rouge Suisse, qui gère les dons du sang, souhaiterait que les homosexuels puissent donner leur sang (sous certaines conditions encore non définies). Elle a même fait une demande auprès des autorités fédérales, rappelle le Tages Anzeiger. Mais Swissmedic, l’autorité de surveillance, s’y est opposé fermement l’année dernière, menaçant de fermer le service de transfusion.
Population à risque
La raison est que, pour Swissmedic, la sécurité du patient prévaut sur le droit de donner son sang. Et que, statistiquement, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (selon la dénomination officielle), sont une population plus à risque que les hétérosexuels. En effet, 3 personnes sur 1000 en Suisse sont séropositives, contre 100 sur 1000 chez les hommes ayant couché ou couchant avec des hommes.
Selon Swissmedic, il ne s’agit pas là d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, mais sur les pratiques. Toutefois, pour l’avocat de la cour, la seule observation des comportements homosexuelles est une présomption irréfutable d’exposition à un risque élevé. Une pratique discriminante car elle ne regarde par les comportements réels de cette population. Swissmedic, de son côté, n’a pas commenté les conclusions de l’avocat.