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«Personne ne se doutait que ce projet allait faire le tour du monde»

«Personne ne se doutait que ce projet allait faire le tour du monde»
Bart Staszewski. Photo: Monika Bryq.

Avec sa série «LGBT-Free Zones», portraits de personnes queer vivant dans des villes qui se proclament en lutte contre «l'idéologie LGBT», Bart Staszewski a sensibilisé l'opinion internationale sur le climat d'homophobie régnant en Pologne.

C’est un panneau de signalisation jaune encadré de noir, sur lequel on peut lire l’inscription, traduite en quatre langues, «Zone sans LGBT». Ce panneau n’existe pas en réalité, Bart Staszewski l’a fabriqué pour dénoncer une nouvelle vague d’homophobie dans son pays. Ce jeune activiste de 29 ans a demandé à des personnes LGBTQ+ de poser pour lui devant le panneau d’entrée de leur ville, accompagné de ce second panneau. Sa série de portraits a fait le tour de la Toile et provoqué l’indignation.

Aucune ville polonaise ne s’est encore jamais officiellement proclamée «zone sans LGBT», comme beaucoup d’internautes ont pu le croire en découvrant les photos de Staszewski. L’activiste a forcé le trait pour attirer l’opinion publique sur un phénomène inquiétant: ces derniers mois, plus de 80 collectivités territoriales polonaises ont adopté des déclarations dans lesquelles elles s’engagent à lutter contre «l’idéologie LGBT».

Honorata, habitante de Końskowola. Photo: Bart Staszewski.

À titre d’exemple, le jeune homme a mis en ligne sur son site la déclaration ratifiée par Lublin, capitale de la Voïvodie: «Nous devons défendre nos écoles et nos familles face à la propagation d’une idéologie qui s’oppose aux valeurs chrétiennes», peut-on lire dans le texte, qui contient des expressions telles que «idéologie LGBT», «officiers du politiquement correct» et « homo-propagande » (sic). Ces villes sont presque toutes situées dans le sud-est du pays, très conservateur, comme on peut le voir sur l’Atlas de la haine, carte mise en ligne par des activistes polonais.

«Terroriste arc-en-ciel»
Bart n’imaginait pas que son projet aurait tant de visibilité. «Au tout début, cela a été facile de trouver des volontaires, parce que personne ne se doutait que ce projet allait faire le tour du monde et avoir des conséquences», explique-t-il. «Maintenant que nous savons que ces portraits ont conduit certaines villes européennes à suspendre leur jumelage avec les villes concernées, les gens ont un peu peur de se faire photographier.» Car certains de ses «héroïnes» et «héros», comme le photographe appelle ses modèles, ont été menacé·e·s. Tout comme Bart lui-même, que les journaux polonais d’extrême droite ont affublé du sobriquet de «terroriste arc-en-ciel»: il ne compte plus les messages et commentaires haineux laissés à son intention sur les réseaux sociaux. Pas de quoi lui faire baisser les bras, même s’il confie avoir dorénavant une bombe lacrymogène toujours sur lui.

Kazimierz, habitant de Niedrzwica Duża. Photo: Bart Staszewski.

Le jeune homme n’en est pas à son premier coup médiatique. En juillet 2019, il était parvenu à stopper une campagne homophobe lancée par la «Gazeta Polska», hebdomadaire proche du parti ultraconservateur PiS au pouvoir, qui distribuait à ses lecteurs des autocollants sur lesquels figurait une pastille aux couleurs du drapeau LGBTQ+ barrée d’une croix noire et entourée du slogan «Zone sans LGBT». De là à imaginer des panneaux de villes frappés du même slogan, il n’y avait qu’un pas…

«Marche de l’égalité»
«Il y a aujourd’hui en Pologne une haine grandissante envers la communauté LGBT», constate l’activiste. Depuis que le pays est aux mains du PiS, la parole homophobe se libère. Le président du parti, Jaroslaw Kaczynski, fervent catholique, a qualifié récemment la communauté LGBT* de «menace à l’identité polonaise» et affirmé que «l’idéologie LGBT» était «importée». «Un évêque a récemment parlé de nous comme du fléau arc-en-ciel», s’insurge Bart. La Pologne n’accorde toujours pas le statut de minorité à la communauté LGBT*, les couples de même sexe n’y ont pas le droit de se marier. Le mariage homosexuel est l’un des chevaux de bataille de Bart, qui a tourné un documentaire, «Article 18», sorti en 2017, qui retrace le combat mené depuis 25 ans par des activistes LGBTQ+ pour obtenir ce droit.

Bart Staszewski. Photo: Przemyslaw Stefaniak.

Le jeune homme s’engage également sur le terrain. Avec une poignée de courageux activistes, il a lancé il y a deux ans une Marche de l’égalité à Lublin, dans le sud-est du pays: «L’été dernier, nous étions environ 1500 personnes à défiler, avec un cordon de policiers autour de nous, car il y avait plusieurs centaines d’opposants à la manifestation dans la rue. Certains nous ont même lancé des pierres. À chaque fois de toute façon, la marche tourne à l’émeute», explique Bart. On mesure toute l’ampleur de son courage lorsqu’il nous confie un peu plus tard que même à Varsovie, plus libérale, il n’a jamais embrassé en pleine rue l’homme avec qui il partage sa vie depuis sept ans. Trop dangereux.

Le site du projet: lgbtfreezones.pl
Instagram: @bart.staszewski
Atlas nienawiści (Atlas de la haine)