Une cartographie mondiale des droits LGBTIQ+
Fruit d’un travail acharné, ILGA World met à disposition du public une base de données des droits des personnes LGBTIQ+ à travers la planète. L’objectif: s’informer pour mieux se défendre.
Où en est-on dans le monde sur la question du mariage pour tous·tes·x, des thérapies de conversion, de l’accès au soin pour les personnes trans*, des mutilations sur les enfants intersexes et bien d’autres enjeux encore? Jusqu’ici, la réponse impliquait de se plonger dans des centaines de documents comportant des milliers de pages, rendant la peinture mondiale de la situation des personnes LGBTIQ+ difficile à se figurer. Depuis le 22 mars dernier, la situation a changé: ILGA World, l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bi, trans et intersexes, fédérant plus de 1800 organisations à travers le monde, a annoncé la mise en ligne d’une riche base de données permettant de conjurer le manque d’accessibilité des informations jusqu’alors.
La plateforme, gratuite et collaborative, détricote l’état des droits dans pas moins de 193 États membres des Nations Unies et 47 territoires non indépendants. Lucas Ramón Mendos, coordinateur de la recherche à ILGA World, s’enthousiasme: «Ces informations sont maintenant accessibles à quiconque s’intéresse à la situation des personnes LGBTIQ+ dans le monde, y compris les représentants de l’État, les chercheur·se·x·s, les journalistes et les étudiant·e·x·s.» Divisé en 18 sections juridiques brassant une centaine de sujets différents, ce travail se présente sous forme de cartes interactives mondiales et régionales, qui «systématisent 4300 sources juridiques et plus de 7000 références provenant des mécanismes des Nations Unies» sur les droits humains, selon Lucas Mendos.
Cette base de données est le fruit d’un travail acharné qui s’est déroulé sur plusieurs mois et a mobilisé une équipe entière de membres permanents de l’ILGA et de consultant·e·x·s indépendant·e·x·s. Lucas Mendos revient sur la compilation de ces informations: «Celles-ci sont accessibles au public, mais ce sont des données brutes, qui impliquent de parcourir de très longs documents où toutes les données ne sont pas pertinentes pour notre cause. Nous ne donnons pas les données telles quelles, nous y apportons une valeur ajoutée en identifiant les informations qui ont du sens, en traçant chaque contenu et en les étiquetant par catégories.» Le coordinateur ajoute: «Au départ, nous avons parcouru la période 2016-2021. A présent, nous remontons progressivement jusqu’à la fin des années 80». Un exercice colossal, et le premier au monde de cette magnitude.
Une polarisation du monde
Selon Lucas Mendos, cette cartographie mondiale permet de mieux situer l’état des progrès ou des retours en arrière sur la question des droits des personnes LGBTIQ+. Avance-t-on, ou recule-t-on? «La tendance que nous avons identifiée est une polarisation du monde. Il y a des pays où les choses s’améliorent, et d’autres qui prennent la direction opposée», explique-t-il. Le coordinateur détaille: «Même si on constate une baisse de la criminalisation de l’homosexualité, de plus en plus de pays limitent l’accès de la circulation des informations sur la question de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. L’éducation est devenue un champ de bataille, non seulement dans les pays qui présentent historiquement des défis sur ce sujet, mais aussi dans des pays comme les États-Unis, où déferle un flot de lois sur les informations pouvant être partagées dans les écoles.»
L’objectif principal de l’outil? «La sensibilisation», explique Lucas Mendos. «Le fait de compiler les informations au même endroit permet d’avoir une vision claire de ce qu’il se passe dans le monde. Et la connaissance, c’est le pouvoir», souffle-t-il en se réjouissant des 2000 utilisateur·ice·s·x issu·e·x·s de 71 pays différents enregistrés les deux premiers jours de lancement de la plateforme, un chiffre «énorme au regard de la spécificité de l’outil».
La base de données permet de constater l’avancée des droits dans nombre de pays, mais fait aussi apparaître à quel point la véritable égalité est loin d’être atteinte: au moins six États membres des Nations Unies imposent la peine de mort pour les actes sexuels consentis entre personnes de même genre, et au moins 51 pays imposent des restrictions relatives à la liberté d’expression sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Une situation classique de «backlash», selon le coordinateur, qui voit dans la plateforme «une opportunité pour mieux s’organiser et pour mieux fédérer les allié·e·x·s à notre cause en leur facilitant la tâche». Un appel à la solidarité nécessaire, à l’heure où les LGBTIQphobies vampirisent le débat public et l’accès au droit pour les personnes concernées.