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Ex-eroticis, impressions d’un désir masculin tout-puissant

Ex-eroticis, impressions d’un désir masculin tout-puissant

Jusqu'au 31 mai, le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités de l'Université de Genève présente l'exposition Ex-eroticis: Art et fierté du livre secret, consacrée à une forme artistique méconnue circulant entre érudits du siècle passé. Un parcours en forme de réflexion et d'invitation à l'étude sur des œuvres souvent problématiques.

Certains ont la taille d’une vignette, d’autres s’étendent sur une large page. On y distingue beaucoup de croupes féminines offertes, de pulpeuses Ève au serpent, des vulves charnues en gros plan, des mamelons en grappe et un phallus érigé comme un mât de voilier. Ces petites gravures sont des ex-eroticis tirés de la collection Michel Froidevaux* et actuellement présentés dans la bibliothèque du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités (CMCSS) de l’Université de Genève. 

Les ex-eroticis sont une variété d’ex-libris, des imprimés à l’origine collés au revers de la couverture d’un livre rare pour en signaler le propriétaire. Sauf que dans ce cas, on a affaire à des motifs érotiques, voire pornographiques, exécutés par des artistes à la demande d’un commanditaire. Le nom de ce dernier y est mis en évidence, souvent avec sa devise. D’où le titre, quelque peu paradoxal, de l’exposition: «Art et fierté du livre secret».

Un Instagram sur beaux papiers

Un autre paradoxe: si l’ex-eroticis est une passion de bibliophile, l’objet lui-même s’est affranchi du livre depuis le début du XXe siècle. Devenue un objet autonome, cette petite pièce d’art porteuse de la personnalité, des fantasmes et des obsessions du commanditaire circule, s’échange et se collectionne dans un cercle d’initiés. Ces derniers marquent ainsi leur territoire, un peu comme un Instagram (voire un OnlyFans) sur beaux papiers. 

Les commissaires de l’exposition ont créé un parcours en six sections thématiques, qui part des motifs bibliques pour aller vers la mythologie (avec en vedette Léda et le cygne), puis la célébration de l’ivresse du vin et des femmes, les variations sur les chimères et les animaux, jusqu’à la mise en abyme du voyeurisme. L’érotisme y côtoie aussi beaucoup la mort, comme le montre la section Éphémères, puisant dans la prestigieuse tradition des vanités. Y saute aux yeux cet Eros e Thanatos, xylographie de Gianni Verna montrant un crâne sur lequel reposent les fesses d’une femme nue, en talons et bas noirs.

L’exposition est divisée en six sections thématiques.

L’autodérision y est aussi présente, comme dans cet ex-eroticis d’Istvàn Drahos montrant un groupe d’hommes se régalant d’images érotiques, tout en ignorant complètement la femme nue qui se tient devant eux.

Connivences et malaise

Qui sont ces commanditaires, dont les noms s’affichent «fièrement» dans ces illustrations? On les imagine blancs, hétéros, érudits, évoluant dans un univers de forte connivence masculine. De plusieurs ex-eroticis se dégage une misogynie assumée ou du moins une objectivation de la femme. D’autres suscitent le malaise, dont celui représentant cette main qui applique un scalpel sur une vulve. Et, dessous: «Dr. Emile Forster».

À cet égard, la beauté de certaines de ces représentations a quelque chose de perturbant. La collection de Michel Froidevaux, loin de viser à l’exhaustivité et la représentativité, ne contient que quelques rares ex-eroticis réalisés par ou à la demande de femmes, ou encore de pièces à thématiques gay ou queer. Mais l’ex-eroticis, c’est aussi une histoire en mutation, que ce collectionneur passionné n’a pas pu continuer à suivre. Toutefois, le champ d’expression reste ouvert, le champ d’études aussi. En effet, le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités (CMCSS), avec les textes qui accompagnent cette exposition, permet de donner un contexte à ces images, en les mettant en perspective, en les critiquant ouvertement et en confirmant toute l’importance de réaliser une histoire des représentations. Cette exposition est une invitation à de nouvelles études pour déconstruire les stéréotypes des représentations du passé, et imaginer de futures représentations différentes et «fières».

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* La collection du galeriste lausannois Michel Froidevaux (1951-2020) compte quelque 5000 ex-eroticis. Elle fait partie de sa compilation d’ouvrages et de périodiques liée aux sexualités, la plus importante réunie au sein d’une bibliothèque universitaire européenne. De fait, pas moins de 50’000 imprimés ont été donnés à l’UNIGE. Michel Froidevaux a rassemblé tout ce qui, à ses yeux, pouvait évoquer les infinies connaissances, expressions et fantaisies de la sexualité humaine, sans volonté de les hiérarchiser, ni de les classer. «L’éros et la liberté sont consubstantiels», affirmait-il.
Ex-eroticis: Art et fierté du livre secret. Jusqu’au 31 mai, à la bibliothèque du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités de l’Université de Genève, campus Battelle, bât. A, à Carouge. Entrée libre. L’exposition est organisée dans le cadre de la 59e édition du Printemps carougeois, intitulée Secrets. Plus d’infos sur unige.ch/cmcss

Le Centre Maurice Chalumeau

Le CMCSS a été créé en 2020 grâce au don philanthropique de Maurice Chalumeau (1902-1970). Ce centre académique interdisciplinaire promeut la recherche et la formation en sciences des sexualités. À partir de ses importantes collections, ainsi que des projets qu’il soutient, le CMCSS développe de manière autonome un agenda d’information scientifique, sur les plans nationaux et internationaux. Les thématiques abordées croisent les sexualités avec des sujets d’actualité tels que le numérique, le climat, la géopolitique, les arts, les migrations, l’éducation, etc. Les activités du CMCSS s’inscrivent dans trois axes qui sont les «arts et savoirs sur les sexualités», «droits sexuels» et «santé sexuelle».