Vivienne Westwood, green queen
Le mouvement punk tirait son slogan «No future» de la chanson «God Save the Queen» des Sex Pistols en 1977. En 2020, le Musée des tissus de Lyon rend hommage à la reine incontestée de la mode «aristopunk», Dame Vivienne Westwood.
«Mon devoir est de comprendre le monde, en échange de la chance d’être en vie. De nos ancêtres, nous avons le privilège de redécouvrir différentes visions de notre histoire à travers l’art. Telle est la vraie définition de la culture. En comparaison, imaginons un monde meilleur que celui que nous avons gâché. Changeons notre avenir. Cela commence maintenant et par soi-même: en changeant notre propre existence, on peut ensuite changer le monde»: dans la préface de son autobiographie sortie en 2014, Vivienne Westwood annonce la couleur de son combat vert.
À 79 ans, l’icône de la mode punk «Made in Britain» se bat pour l’environnement, l’écologie, la durabilité. Ironie du sort pour celle qui incarnait le manifeste punk «No future» dans sa boutique SEX située au 430 Kings Road à Londres dans les années 1970, elle met aujourd’hui son énergie au service d’un monde meilleur. Cohérente depuis ses débuts, la mission de déconstruction du capitalisme qu’elle s’est appropriée s’exprime aussi dans sa mode. Subversive. Punk toujours, sa première collection s’inspirait des Merveilleuses et des Incroyables sous le Directoire, au lendemain de la Révolution française. En plus de cinq décennies, son empreinte est colossale.
Chiffons, faux-culs, tartans et épingles de nourrice
Pour la première fois en France, le Musée des tissus à Lyon rend hommage à l’immense talent de la créatrice avec l’exposition «Vivienne Westwood. Art, mode et subversion». Les visiteurs y découvrent la riche collection de Lee Price, collectionneur anglais installé à Lyon et ex-collaborateur des boutiques Vivienne Westwood. Plus de 200 pièces textiles, costumes, accessoires, chaussures, objets d’art, tableaux et dessins dialoguent avec les œuvres du musée en faisant le grand écart entre la fascination de la styliste pour les costumes des XVIIIe et XIXe siècles et sa croisade écologiste.
«Il n’y a rien de plus insignifiant que la mode pour la mode. Elle est d’une vacuité absolue en tant que telle, mais devient intéressante lorsqu’elle raconte son époque, son passé et tente de deviner le futur.» Vivienne Westwood
En réalité, la mode, Vivienne s’en fout. Comme l’explique l’ex-enseignante dans une école primaire au début des années 70 dans le documentaire «Westwood: Punk, Icon, Activist» réalisé par Lorna Tucker en 2018: «Il n’y a rien de plus insignifiant que la mode pour la mode. Elle est d’une vacuité absolue en tant que telle, mais devient intéressante lorsqu’elle raconte son époque, son passé et tente de deviner le futur. La mode ne m’intéresse que dans un contexte historique et sociologique. Sinon, elle m’ennuie profondément.»
Une alliée d’honneur
Rebelle dans l’âme depuis son enfance, Vivienne Westwood ne s’est jamais souciée du regard que les autres posent sur elle. À propos de sa puberté, elle révélait dans une interview au «ELLE» british en 2015: «Je n’en n’ai jamais parlé avant, mais quand j’étais adolescente, je pensais que j’étais en train de me transformer en garçon et l’idée ne me dérangeait absolument pas». Brouillant volontairement les pistes dans ses créations qu’elle estime non-genrées, elle explore les facettes infinies de la féminité et de la masculinité.
Sans compromis dans son engagement pour les problèmes environnementaux, mais tout en étant consciente que le sexe vend plus que l’écologie, elle a l’idée de génie d’engager la star du porno gay américain Colby Keller pour une de ses campagnes en 2016. Errant à moitié à poil dans une Venise fantomatique et délabrée, moulé dans des minislips et juché dans des cuissardes rouges, l’acteur offre sa plastique sculpturale au photographe Juergen Teller pour délivrer le message alarmiste et clair comme de l’eau de roche de notre monde qui se noie.