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Mykki Blanco: point d’hétérogation

Nègre à lipstick, pédale de transistor, travelote de trottoir, gadget à gogo bar, poète du ghetto, surdouée de la rhyme et terroriste du mic: yo, voici Mykki Blanco.

Le magazine «Elle» l’a élevée au rang de «Hip-Hop’s new Queen». «The Village Voice» l’a mise en Une sous l’intitulé «Gender Ninja». Le «New York Times» l’a qualifiée de «glamazone». Et même les Parisiens de «Tsugi» louent son «flow grave, ses instrus minimales et ses leggings léopard». Quelque part entre Beyonce et Marilyn Manson, entre la nonchalance de Snoop Dog et le fer à défriser de Rihanna, Mykki Blanco, rappeur.euse pas peureuse, est un corps-controverse, un tête-à-cul(ture), un point d’hétérogation qui fait transpirer les codes du hip-hop, des quartiers, du queer et du camp. 

Son nom, déjà, fait dans la négociation et l’hommage. L’appellation «Mykki Blanco» se propose comme un mi-chemin: outrance d’une gangsta freak idolâtrée – Lil Kim – et de son alter ego – Kimmy Blanco – aussi bancable qu’un billet de banco saupoudré de coke. Plus qu’une performer, plus qu’un crossdresser, plus qu’une figure Drag&B, Mykki Blanco est une constante mise à l’œuvre de l’entre-deux. L’artiste et son personnage, le soi et l’ego, le bal et son masque, New York et la Caroline du Nord, Williamsburg et Harlem, le rap et le transformisme, Terry Richardson (qui l’a shootée) ou Azealia Banks (qui l’a tweetée), Lauryn Hill ou Bruce LaBruce (qui figurent parmi ses influences), bad boy ou material girl.

Prose illicite
Une récente mixtape tuyautée sur les réseaux, «Gay Dog Food», donne à entendre le graisse du rimmel dégoulinant sur des claviers à la synthèse généreusement abrasive. Nègre à lipstick, pédale de transistor, travelote de trottoir, gadget à gogo bar, poète du ghetto, surdouée de la rhyme et terroriste du mic, Mykki Blanco a fait des zones de non-droit identitaire son royaume et sa marque, depuis ses premières percées, en 2012. Ses textes, en contrepoint des saccades de beat défroqué, laissent couler une proses illicite et langoureuse, où il est question de nuits hédonistes à Chinatown autant que de Sisyphe ou de ready made.

Quand un journaliste demande: «Qui est Mykki Blanco, et comment toute l’histoire a-t-elle commencé?» la réponse fuse: «Mykki Blanco est Michael David Quattlebaum Jr. Elle est mon nom de scène mais comme je me transforme aussi, je suis par ailleurs Mykki.» Vous n’avez pas tout à fait compris? Normal. Commentaire complémentaire: «Le langage ne veut rien dire.»

Pouvoir symbolique, structure d’intelligibilité, corporalités politiques, toute la bastringue de la queer theory l’exaspère et l’ennuie. Le poids des mots, non merci. «Je hais le terme “queer“, je ne m’en sers que parce qu’il existe», peut-on lire dans son entretien avec «The Village Voice». «J’ai beaucoup de problèmes avec la communauté académique des études genre parce que c’est une communauté complètement dissociée de la réalité. Les gosses qui se vendent sur West Side Highway ou Christopher Street, ils ne savent même pas ce que c’est que cette fucking queer theory.»

Il taupe 100 balles dans le porte-monnaie de maman et débarque Manhattan.

Bien avant de s’inventer en Mykki Blanco, Michael David Quattelbaum Jr, fils d’une assistante juridique et d’un ingénieur IT devenu médium, donnait sens à ses 14 ans dégingandés en écoutant les guitares revanchardes des groupes de riot grrrl – Le Tigre, Bikini Kill ou Tracy + the Plastics. Deux ans plus tard, à l’heure des premières sorties habillées, il sème le trouble dans à l’entrée des clubs et la sensation le grise. Il taupe 100 balles dans le porte-monnaie de maman et débarque Manhattan; il tapine à l’occase, danse sur les tables, croise éventuellement Alexander McQueen au Cock, pose quelques fulgurances sur le papier. 

Censure russe
Rattrapé par les inquiétudes maternelles, il retournera à New York quelques années plus tard pour s’essayer à des études d’art bientôt abandonnées en bord de nuit. Michael écrit des poèmes improbables – «From the Silence of Marcel Duchamp to the Noise of Boys», mais surtout, un jour d’automne 2010, enregistre sur Facebook la confession d’une petite peste urbaine délicieusement fagotée… Big bang bling bling, disco bingo, yo Mykki Blanco.

Récemment, en tournée à Moscou où une de ses performances a été annulée par la police, Mykki a posté ses mots: «Quand je pense à la Russie (…), je songe à fumer de la weed dans la forêt sibérienne avec mes potes hétéros du ghetto moscovite. Je pense à des clubs underground remplis de muscutatures en t-shirts moulants, de twinks en transe et de glam queens montées sur plateformes comme dans les années pré-sida du NYC que je n’ai pas connu. J’adore Moscou parce que cette ville est incomprise, j’aodre la Russie pour son statut d’outsider. Je vois dans la Russie des éclats de moi-même, et par amour propre j’aime la Russie à mon tour.»