«Are you a friend of Dorothy?»
L'artiste Vincent Grange nous invite à un réjouissant voyage dystopique dans la clandestinité queer avec son installation La Maison de Dorothy. À voir jusqu'au 4 mai à Carouge (GE).
«Are you a friend of Dorothy?» Vers les années 1950, cette petite phrase d’allure anodine – sans doute référence à la première icône gay, Judy Garland, et son rôle dans Le Magicien d’Oz – s’est imposé comme un des mots de passe permettant aux hommes homosexuels aux États-Unis de se reconnaître. Mais en 1981, ce signe de ralliement secret est tombé entre les oreilles du renseignement militaire américain, qui s’est mis en tête de retrouver cette Dorothy, à la tête d’un redoutable réseau d’homosexuels. Une quête évidemment vaine.
Cette épisode historique assez savoureux est le point de départ de l’installation immersive La Maison de Dorothy, où l’artiste Vincent Grange donne une forme concrète à l’objectif de cette traque absurde.
Bric-à-brac surréaliste
Comme beaucoup d’espaces queer, on n’accède pas si facilement chez Dorothy. Ici, c’est une sorte de vasistas surmonté d’une ampoule nue qui signale l’entrée. Après quelques mètres franchis à quatre pattes, on débouche dans une succession de pièces à l’ambiance tamisée, pleines de bibelots, de perruques et de tout un bric-à-brac surréaliste. Entre autres machines étranges, des mécanismes fantomatiques font défiler des objets hétéroclites: mouchoir usagé, bandanas, bout de feutre rose en forme de triangle. L’œil initié y a repéré le signal d’un spot de cruising, le hanky code ou le vestige des persécutions nazies.
Tout en rendant hommage aux espaces queer clandestins des années 1950-1960, Vincent Grange livre une satire assez délicieuse des préjugés et fantasmes conspirationnistes entourant les personnes LGBTIQ+. Des idées qui sont encore terriblement actuelles. Heureusement, l’humour camp et l’absurde restent les meilleures parades contre l’intolérance et l’ignorance.
Le finissage, samedi 4 mai dès 18h30, donnera lieu à une performance de Princesse Genderfuck, en collaboration avec le festival Everybody’s Perfect.