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Visibiliser le VIH, combattre l’ignorance, changer les perceptions

Visibiliser le VIH, combattre l’ignorance, changer les perceptions
David Jackson Perry. Photo: Andreas Lehner

Positive Life Festival multiplie les occasions de parler du VIH pour agir positivement contre les discriminations et sensibiliser le public aux avancées de la médecine. À quelques jours du rendez-vous festif au cinéma CityClub de Pully (1er et 2 décembre) qui conclut une année d'actions, rencontre avec David Jackson-Perry, coordinateur des projets VIH au Service des maladies infectieuses du CHUV et initiateur du festival.

Comment est née l’idée du festival?
Il n’y a pas si longtemps, une femme m’a parlé du moment où elle a appris son diagnostic. Elle m’a dit: «malgré mes connaissances sur l’évolution des traitements, quand on me l’a annoncé, je n’avais qu’une image en tête, le film Philadelphia, et une seule envie: me défenestrer». Le festival est né de ce constat: bien que les réalités du VIH aient beaucoup évolué ces dernières décennies, les représentations médiatiques héritées des années 1980-1990 continuent à avoir un impact négatif sur la prévention, le dépistage et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH aujourd’hui. Et pour faire évoluer les représentations, nous faisons le pari que la culture – par les échanges qu’elle favorise et les émotions qu’elle suscite – est le meilleur moyen de sensibiliser le plus grand nombre. En plus, quand on parle du VIH, on doit aussi aborder des problématiques encore trop présentes aujourd’hui: l’homophobie, la transphobie, le racisme et les inégalités de genre. En quelque sorte, le VIH est un moyen grâce auquel on peut parler de ces enjeux de société plus largement.

Quels sont, aujourd’hui, les messages qui ont de la peine à être entendus?
En Suisse, la majorité des personnes concernées ont accès aux traitements, et au niveau médical elles ont tout pour mener une vie pleine, riche et longue mais malheureusement, elles continuent à être discriminées et stigmatisées. Par ailleurs, le message qu’une personne sous traitement ne peut pas transmettre le virus (“I=I”, pour indétectable=intransmissible) a de la peine à passer. Et en même temps, parce qu’on n’en entend plus parler, on pourrait croire que l’épidémie est finie. Or, en 2022 1,3 million de personnes ont contracté le virus et plus de 600’000 personnes sont mortes des suites de complications liées au sida. Pourtant, au niveau médical il n’y a plus aucune raison de contracter le virus, ni de mourir du sida. En bref, parlons du VIH le plus souvent possible et dans le plus de milieux possible, il est grand temps de mettre à jour nos connaissances et nos imaginaires!

Est-ce aussi la raison pour laquelle vous ne vous limitez pas à parler du VIH que le 1er décembre, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida?
En effet, les enjeux liés au VIH et les personnes qui vivent avec sont bien présents toute l’année, pas uniquement le 1er décembre! C’est pour cela que Positive Life Festival déploie ses actions tout au long de l’année auprès des publics les plus variés et avec le soutien de nos nombreux partenaires issus des milieux associatifs, académiques, de la santé, de la culture et de la science.

Quelles actions avez-vous menées par exemple?
Nous avons organisé des dépistages gratuits, des conférences, des apéros-sciences consacrés à des thématiques importantes («Femmes et VIH», «VIH et sexualités», «VIH: l’art du soin») en partenariat avec L’Éprouvette (Laboratoire Sciences et Société de l’UNIL), des ateliers d’écriture avec l’écrivain Mathias Howald à VoGay et dans différentes écoles de la région et des médiations scolaires au gymnase de Beaulieu, avec l’Université de Lausanne, des opérations de sensibilisation et de prévention en ville de Lausanne, et j’en passe! Cela a été une année très pleine durant laquelle des personnes et des disciplines se sont rencontrées autour du VIH et j’en suis ravi!

Et sur le plan artistique?
Positive Life Festival a collaboré avec VU.CH, les affaires culturelles du CHUV, sur la création du parcours d’exposition Support, a présenté des films au FdS (Festival artistique des affects, des genres et des sexualités, anciennement Fête du Slip) et avec Groupe Santé Genève, a soutenu la création d’une performance. Nous avons aussi lancé un grand appel à la réalisation de courts métrages originaux. Parmi la trentaine de dossiers reçus, un jury de personnalités de la culture, des milieux associatifs, médicaux et académiques a sélectionné six projets de films qui racontent la vie avec le VIH aujourd’hui, à même de combler certaines lacunes dans nos représentations.

De quoi parlent ces films?
Ce sont des films intimes, politiques et engagés qui montrent la diversité des parcours de vie de personnes vivant avec le VIH et ont été réalisés pour la plupart par ces dernières. Ils portent sur une grande variété de sujets: la scène parisienne ballroom (J’irai danser quand même de Stéphane Gérard), une famille sérodifférente (Salvo de Julio Lisboa et Séverine Roinssard Lisboa), le regard de l’entourage d’une personne vivant avec le VIH (De vous à moi de Raphaël Depallens), les retrouvailles d’un couple de femmes lesbiennes séparées par la lutte des années 90 (Le sang des autres de Noa Roquet), la confrontation à l’image de soi (The Guest de Janos Tedeschi), la résilience artistique d’une femme (Faire des vagues de Hannah Klass)… En bref, ce sont des films lumineux, émouvants, courageux! Nous sommes très fiers de les montrer les 1er et 2 décembre au cinéma CityClub de Pully lors de notre week-end festif!

Il y aura aussi un volet «médiation»?
Oui! Fidèles à notre volonté de transmettre le savoir au plus grand nombre, nous sommes très heureux de pouvoir offrir un programme de médiation aux écoles du secondaire II lors du 1er décembre avec le Festival Cinéma Jeune Public: plus de 500 élèves sont inscrit·e·x·s pour voir une sélection de nos films. Les séances seront suivies de discussions animées entre autres par l’artiste drag et maître d’enseignement à la HES La Source Princesse GenderFuck et le Professeur Matthias Cavassini, médecin chef de la Consultation ambulatoire des maladies infectieuses du CHUV.

Qu’y a-t-il d’autre au programme?
En plus des six films lauréats de notre concours, et avec le soutien de la Direction générale de la santé du canton de Vaud, nous avons co-produit deux autres courts métrages: La Rumeur réalisé par Marie-Eve Hildbrand avec des élèves du collège de Grand-Champ de Gland et Stitches in time de Max Wuchner, avec des membres du Groupe Jeunes de VoGay. Ces deux films ont été partiellement réalisés à partir d’images d’archives de la RTS et seront montrés avec d’autres lors notre soirée arcHIVes RTS – UNIL le 2 décembre, animée par Julie Kummer (RTS), avec des tables rondes réunissant des spécialistes et des personnes vivant avec le VIH. L’idée: faire dialoguer les époques pour se demander quelle place donner aux archives du VIH et du sida tout en créant de nouvelles images, avec toujours l’envie de lutter contre la stigmatisation.

Le festival s’engage ainsi contre les discriminations, notamment en soutenant l’action associative?
Oui, cela a toujours été un moteur pour nous: il faut rendre hommage au travail mené par les associations contre toutes les formes de discrimination, raison pour laquelle nous nous avons joint nos forces avec PVA-Genève, VoGay et Groupe Santé Genève pour offrir un «ciné-brunch associatif» avec des films sur l’amitié, la famille et la communauté: quand les liens qui nous unissent sont plus forts qu’un virus. Toujours dans le même esprit, nous projetons le programme de courts métrages 2023 de Visual Aids New York, des films du monde entier engagés contre l’exclusion, sans oublier la comédie musicale culte Zero Patience de John Greyson! Le tout agrémenté d’apéritifs généreux et d’échanges que nous espérons stimulants !

Tout cela s’annonce très riche, que peut-on vous souhaiter?
Continuer ce travail bien au-delà de 2023! Le succès de nos actions tout au long de l’année et l’engagement de nos partenaires nous ont fait comprendre que – contrairement à ce qu’on peut entendre – le VIH et les enjeux qui l’entourent intéressent les gens au-delà de nos espérances! On l’a compris: il ne suffit plus de mettre des affiches en ville, dans les centres de santé sexuelle ou les cabinets médicaux. On doit aller éveiller l’intérêt autrement, montrer que les enjeux du VIH sont en fait les mêmes enjeux que dans toutes les luttes sociales. On doit créer des ponts entre les acteur·ice·x·s d’autres domaines et le VIH. On doit le faire avec des informations, certes, mais aussi avec les émotions et la créativité! Les partenariats que nous avons noués pendant cette année vont perdurer, notamment avec différents moments de médiation en collaboration avec L’Éprouvette de l’UNIL. Nous sommes aussi en train d’organiser une journée culturelle en janvier 2024 avec le Groupe Santé Genève! Stay tuned!

Retrouvez le programme complet et les actions de Positive Life Festival sur positive-life-festival.ch ou directement sur le site du cinéma cityclubpully.ch pour les réservations.