Eat the Night mêle virtuel et réel sur fond de romance gay
Dans un film au carrefour des genres porté par trois excellents protagonistes, les réalisateur·ice·s Caroline Poggi et Jonathan Vinel alternent deux mondes, l’un se déversant dans l’autre et vice-versa.
Avec leur premier film Jessica Forever, Caroline Poggi et Jonathan Vinel livraient un drôle d’objet cinématographique. Conte moderne à la frontière des genres, audacieux, radical, inventif, sensoriel, il avait connu un échec public. Six ans après, le duo tente un léger rapprochement avec Eat the Night, tout en restant dans une proposition de cinéma alliant créativité et originalité.
Mêlant virtuel et réel, le film évoque la relation fusionnelle entre Pablo (Théo Cholbi), un jeune dealer, et sa sœur Apolline (Lila Gueneau). Depuis leur enfance, ils cherchent à échapper à leur quotidien morose en s’évadant dans Darknoon, un jeu vidéo. Or, ce dernier va s’arrêter définitivement dans soixante jours, à leur grand désespoir, surtout celui d’Apolline. Complètement accro, elle y consacre pratiquement tout son temps.
La liberté de choisir son univers
De très serrés, les liens fraternels semblent se distendre au fur et à mesure que les jours passent. Pablo rencontre alors par hasard Night (Erwan Kepoa Falé), qu’il initie à son trafic d’ecstasy, avant d’en tomber fou amoureux. Tandis qu’Apolline laisse à l’occasion éclater sa colère dans le jeu, les deux amants deviennent la cible d’une dangereuse bande rivale de narcotrafiquants. La violence explose dans les deux univers qui ne sont, dans le fond, pas si différents l’un de l’autre, chacun·e ayant en somme la liberté de choisir le sien…
Les auteur·ice·s alternent ainsi ces mondes avec brio, l’un se déversant dans l’autre et vice-versa. Ce faisant, ils brossent le portrait de jeunes personnages à la fois brutaux, désœuvrés et déphasés. dans une sorte de conte s’appropriant à nouveau tous les styles, oscillant entre le thriller, la romance gay, le fantastique et le social.
Hybride, ambitieux, fourmillant d’idées aussi singulières qu’innovantes, cette œuvre est portée par trois excellents protagonistes. Si elle captive, on mettra toutefois quelques bémols, dont une durée inutilement longuette. On aurait par ailleurs aimé que le grand soin apporté au jeu Darknoon, des images de toute beauté créées spécialement pour l’occasion, le soit aussi en ce qui concerne les scènes réelles. Des réserves mineures au demeurant.