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Raymond Gravel, prêtre de combat

Lors des élections générales du mois dernier, le Canada a montré la fragilité des acquis qui font de ce pays un exemple de progrès social. Ex-prostitué devenu prêtre, puis député, Raymond Gravel plaide pour maintenir le cap.

Personnalité emblématique du Québec actuel, Raymond Gravel est né en 1952 de parents agriculteurs, dont il est le 4e de six enfants. Ses rapports très tendus avec son père le poussent à quitter à 16 ans la maison familiale. Il trouve un emploi d’escort-boy à Montréal et s’enfonce dans la prostitution et la drogue. A la suite d’une agression qui le mène aux urgences, il prend ses distances et travaille alors comme serveur dans des bars gay. Son empathie en fait un confident privilégié des habitués du comptoir et, petit à petit, sa vocation et son rêve d’enfant se rejoignent pour refaire surface. En 1982, il entre au séminaire. Il est ordonné prêtre quatre ans plus tard. Il officie dans de nombreuses paroisses avant de séjourner deux ans à Rome pour rédiger une maîtrise sur la conception de Jésus (au sens obstétrique du terme!) «Sa naissance n’était pas surnaturelle, tout comme la virginité de Marie doit s’entendre sur un plan moral mais pas biologique!» Pas de quoi se faire des amis à l’Opus Dei…

Franc-parler
En 2006, il est élu très largement dans sa circonscription sous la bannière du Bloc québécois, un parti souverainiste. Son évêque le couvre dans sa démarche, mais il est obligé de lui demander d’abandonner momentanément son ministère pastoral à la suite d’un courrier adressé par un certain… Cardinal Ratzinger. «Je suis pour la séparation entre l’Etat et l’Eglise, admet le prêtre, mais je crois sincèrement que nous faisons tous de la politique; nous n’avons pas le choix puisque nous vivons en société!» Très actif à la Chambre des communes à Ottawa, il dépose notamment un projet de loi destiné à augmenter le revenu des personnes âgées défavorisées. Bien que ceci ait constitué une promesse électorale du Premier ministre Stephen Harper en 2006, la loi ne sera finalement pas votée. Une grande déception.
Son franc-parler et son engagement épris de sincérité irritent souvent les dogmatiques de l’Eglise anglo-saxonne, notamment son soutien au mariage gay et sa prise de position claire contre un retour à l’interdiction de l’avortement. «C’est ce dernier point qui aura eu raison de ma carrière politique. Le Vatican a menacé de me laïciser si je me représentais. Ils ont demandé à mon évêque que dorénavant, on ne m’entende plus! Ce n’est pas très démocratique!»

Un recul de 50 ans
Il se dit révolté par les résultats des dernières élections qui ont vu un renforcement du Parti conservateur de Stephen Harper, «copie conforme de Georges Bush», selon Gravel. «Harper est pour la guerre et le port d’armes pour se défendre contre les terroristes. Qui sont les vrais terroristes? Nous sommes en train de perdre notre réputation dans le monde.» Il relève avec colère la mise en scène de Harper annonçant un durcissement de la loi contre la délinquance juvénile depuis le salon d’une famille qui venait de perdre un proche de mort violente: «Comment peut-on justifier le durcissement d’une loi, à partir du vécu des victimes seulement? En chambre on nous a même fait voter une motion sur la peine de mort, et les conservateurs étaient favorables. Ils nous font reculer de 50 ans en arrière…»
Autre sujet de débats, l’adoption homoparentale, déjà possible dans certains Etats comme le Québec: «Je ne vois pas de problème. Certains prétendent que ce n’est pas sain pour les enfants. Mais que penser des familles monoparentales ou encore, des enfants adoptés par des prêtres ou des évêques? De plus, il n’est pas vrai que les parents homos influencent l’orientation sexuelle de leurs enfants.»

Retour à la paroisse
Le Père Gravel, qui se verra confier une paroisse dès novembre, se réjouit de se retrouver au coeur d’une communauté. Les pompiers de Montréal l’ont sollicité également pour qu’il devienne leur aumônier. Au Québec, beaucoup manifestent leur déception de voir «leur champion» se plier à l’autorité de Rome. Mais les aspirations du prêtre sont intactes, et il a choisi le terrain qui lui ressemble le plus: «Je rêve au jour où l’Église sera, comme au 1er siècle, en avant de son temps, qu’elle l’interpelle à plus de justice, d’égalité, de tolérance et de dignité. Actuellement, elle est à la remorque de la société.» Et la politique? «Je n’exclus pas d’y retourner. Je reste ouvert à toutes les possibilités.»