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Il drague en public sur Grindr… et ne se fait pas que des amis

Il drague en public sur Grindr… et ne se fait pas que des amis

Enfermé dans un conteneur transparent, l'artiste Dries Verhoeven s'était mis en quête d'amitié avec pour seuls outils les applications de drague gay. Il a suspendu sa perfo après une plainte pour «viol numérique».

Elle rapproche les gays les uns des autres et vide les lieux de convivialité; elle sécurise les rencontres, mais elle les transforme parfois en piège tendu par la police ou par des casseurs de pédé. De Grindr, on aura dit tout et son contraire. Il faut dire que depuis son apparition, en 2009, l’application de drague par géolocalisation a profondément changé la manière dont les hommes gays se rencontrent. A ce titre, Grindr passionne – y compris les hétéros.

Dries Verhoeven
Dries Verhoeven
C’est ce phénomène qu’explore en public le plasticien Dries Verhoeven (qui avait présenté des figurants dans une cage de verre, cette année au Festival de la Cité, à Lausanne). Son installation, «Wanna Play, l’amour à l’ère de Grindr» est à voir à Berlin, dans le quartier de Kreuzberg, jusqu’au 15 octobre. Le Néerlandais de 38 ans s’y expose lui-même, dans un conteneur vitré de 2,5m sur 14. Au moyen de cinq smartphone, l’artiste a entrepris de ne communiquer avec le monde extérieur que via Grindr et d’autres plateformes analogues. Le contenu des conversations est projeté simultanément sur une paroi du local.

Sulfureux? Pas tant que ça, à en croire la déclaration d’intention de Verhoeven: «Je contacterai les hommes pour les inciter à me rendre visite et à satisfaire mes besoins non sexuels […] En retour, je leur offrirai la même chose, que ce soit une partie d’échecs, un petit-déjeuner, faire des crêpes, se couper les ongles, se raser mutuellement ou lire l’un à l’autre des passages de son bouquin favori.»

«J’étais un homme qui pouvait assouvir de nombreux fantasmes, mais qui allait rarement au cinéma avec un étranger»

Les amateurs de peep-show seront déçus: le sexe n’est pas au programme de l’artiste. En fait, le plasticien de 38 ans décrit sa performance comme une expérience basée sur la manière dont Grindr a modelé sa vie affective, ces dernières années. «Je me suis senti comme une illustration superficielle de moi-même: un homme qui pouvait assouvir de nombreux fantasmes, mais qui allait rarement au cinéma avec un étranger. Je n’avais plus amené quiconque à la table du Noël en famille depuis des années. Grindr m’a empêché de m’occuper de mon célibat. C’est une piètre alternative, mais suffisante pour ne pas se sentir seul.»

«Viol numérique»

Malgré ces chastes résolutions, «Wanna Play» n’a pas tardé à déclencher la polémique. Un porte-parole de Grindr s’est dit préoccupé par l’installation. Interrogé par le site britannique PinkNews il a encouragé les utilisateurs de l’application à dénoncer Verhoeven au moyen de la fonction «flag», afin de l’exclure du système. «Il s’agit d’une invasion dans la vie privée des utilisateurs, et d’un problème de sécurité potentiel», a-t-il expliqué.

Dans un article au ton moralisateur, la «Berliner Zeitung» rapporte un incident qui s’est produit peu après le dévoilement de l’installation. Un Américain qui chattait avec Verhoeven jeudi soir – sans savoir qu’il apparaissait en même temps dans l’installation – aurait vu rouge quand il est arrivé devant le conteneur où le Néerlandais lui avait donné rendez-vous et où s’étaient agglutinés quelques dizaines de curieux. Il se serait senti «humilié», «trahi» et «numériquement violé» (sic), selon le quotidien berlinois. Une brève bagarre avec l’artiste aurait éclaté, suivie d’un jet de bouteille contre la vitre du conteneur.

La performance attire de nombreux curieux, sur la Heinrichplatz de Kreuzberg.
La performance attire de nombreux curieux, sur la Heinrichplatz de Kreuzberg.

«Nous avions espéré que personne ne se sentirait lésé par les projections, mais nous avons constaté que ce n’était pas le cas», a admis un des organisateurs. Du coup, le dispositif de Verhoeven a été modifié: les photos des correspondants de l’artiste sont désormais floutées (et non plus projetées en négatif). Verhoeven a modifié son profil, avertissant les utilisateurs de Grindr de ne pas discuter avec lui s’ils avaient peur d’apparaître en public. Il a également entrepris d’ouvrir la discussion, aujourd’hui samedi, sur la légitimité de son projet. Enfin, deux vigiles ont été postés à proximité de l’installation. Toutefois, face aux critiques, l’artste Dries Verhoeven a décidé de suspendre sa performance, dimanche. «Wanna Play&187; devait durer jusqu’au 15 octobre.

Dries Verhoeven: «Wanna Play»; Heinrichplatz, Berlin-Kreuzberg. Plus d’infos (en/de) sur le site du théâtre Hebbel am Ufer, partenaire de l’opération. La webcam de la performance (live): www.wannaplayberlin.de