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Quand véganisme et queerness s’imbriquent

Quand véganisme et queerness s’imbriquent
Photo: PickPik DR

S’il y a davantage de véganes au sein de la communauté LGBTIQ+, ce n’est sans doute pas un hasard. Mais la recherche n’est qu’au stade des hypothèses pour trouver des explications permettant des généralisations.

Vous n’avez pas eu, vous aussi, cette impression qu’il y a davantage de personnes véganes dans la communauté queer que chez les straights? S’il n’existe pas de chiffres dans l’espace francophone, des données anglo-saxonnes, quoique parcellaires et hétérogènes, tendent à confirmer cette impression. Par exemple, une enquête menée par The Vegan Society au Royaume-Uni en 2016 a montré que 6% des répondants LGBTQIA+ se disaient véganes, contre seulement 1% des répondants cishet. Comment expliquer ce phénomène? Aujourd’hui, les chercheur·euse·x·s en sciences humaines n’ont pas (encore) apporté de réponse universelle, et il est bien difficile d’établir des généralités.

La première chose à noter, c’est que cette superposition queerness et véganisme ne tombe pas forcément sous le sens. Comme l’explique la politiste française Réjane Sénac dans son livre Comme si nous étions des animaux, les personnes queer ont souvent, à l’instar des femmes et des personnes non blanches, été qualifiées par des noms d’animaux et des termes péjoratifs renvoyant l’animalité, ce qui peut les amener à être indifférent·e·x·s aux thèses antispécistes sinon à les rejeter. «Nous ne sommes pas des animaux, la preuve, nous en mangeons», pourraient-elles dire en substance. Mais, des logiques tant intimes que politiques peuvent au contraire conduire les personnes LGBTIQ+ à se tourner vers le véganisme. Et, c’est là que se font jour différentes hypothèses qui ne s’excluent pas mutuellement et qui gagneront certainement à être affinées.

Opposition à toutes les formes de violence

D’abord, être queer, c’est se heurter à des discriminations et une marginalisation en raison de son genre et/ou de son orientation sexuelle. Et cela peut éveiller une plus forte conscience des injustices sociales et un intérêt accru pour les questions de droits des animaux et d’exploitation animale. On peut retrouver ici une idée d’intersectionnalité: pour certain·e·x·s, le véganisme pourrait participer à une opposition à toutes les formes de violence et d’exploitation, y compris celles infligées aux animaux.

En outre, végétaliser son alimentation peut être aussi un moyen de prendre ses distances vis-à-vis d’une masculinité hégémonique qui fait de sa consommation de viande quelque chose d’identitaire. Un mâle, un «vrai», ça mange de la viande, non?

Un pas de côté vis-à-vis des conventions

Ensuite, si être LGBTIQ+ n’est généralement pas un choix, vivre en société en tant que personne queer nécessite un exercice d’affranchissement des normes sociales. Or, être végane dans un monde majoritairement carniste, c’est aussi faire un pas de côté vis-à-vis des conventions, un pas de côté peut-être favorisé par une sorte d’habitude à ne pas rentrer dans le moule. Toutefois, il faut se méfier des corrélations hâtives: en 2023, une étude publiée dans la revue Personality and Individual Differences montrait que les végétarien·ne·x·s faisaient preuve d’une réflexion cognitive plus «analytique» qu’«intuitive», ce qui les amène à faire des choix réflexifs plutôt que des choix «par défaut» et conformes aux normes.

Être LGBTIQ+, c’est aussi, souvent, évoluer dans des milieux plus progressistes et plus inclusifs ce qui permet de créer des espaces où une personne qui choisit le véganisme sera moins sujet à des jugements.

Faire de son corps un champ de bataille politique

Enfin, il y a sans doute quelque chose qui se joue dans la corporalité. Être queer, c’est quelque part faire de son corps un champ de bataille politique, que ce soit en vivant sa sexualité ou en affirmant son genre, que ce soit par les vêtements, les cheveux, les tatouages ou encore par de la chirurgie ou un traitement hormonal. Or, être végane, c’est marquer dans et sur son corps un engagement éthique et politique contre les normes établies. Il peut alors y avoir chez les personnes LGBTIQ+ une forme d’empowerment consistant à (re)prendre le contrôle sur son alimentation par rapport à la norme sociétale. En outre, à un niveau plus individuel, si on ne contrôle pas la société et les discriminations que l’on subit, on contrôle son corps et le véganisme peut y contribuer. Et, puisque l’on parle de corps, on peut voir dans l’adoption d’une alimentation végétale par des personnes LGBTIQ+ un lien avec une forte culture de la prévention en santé au sein de la communauté.

Voilà pour les pistes, espérons que les chercheur·euse·x·s en sciences humaines se pencheront sur le sujet!

Merci à Romain Espinosa, économiste et chercheur au CNRS, à Ombre Tarragnat, doctorant·e en études de genre et philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et à Sam Ducourant, chercheuse en philosophie à l’Université de Liège pour nos échanges

One thought on “Quand véganisme et queerness s’imbriquent

  1. Pour ma part, je suis devenue vegan 4 ans avant de réaliser que je pouvais être attirée aussi par une femme. A l’époque (à 40 ans), quand j’ai dû dire à ma famille que dorénavant, non il n’y aurait plus de viande & co pour moi à nos repas, j’avais d’ailleurs dit en rigolant que j’avais l’impression de faire une sorte de coming-out. Je pense que d’avoir cassé cette sorte de conformisme alimentaire m’a autorisée à casser d’autres conformismes dans ma vie. En couplant ça à tous les contenus féministes que j’ai consommés depuis, le jour ou une femme a chamboulé ma croyance en mon hétérosexualité, j’ai pû accueillir cela avec bonheur et sans avoir peur d’assumer mes choix devant quiconque.

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