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Gloria Viagra, diva des nuits berlinoises

On la reconnaît de loin avec sa silhouette de gratte-ciel, sa coiffure de caniche et sa moustache qui se bat en duel avec son rouge à lèvres. DJ, rockeuse et animatrice télé, Gloria Viagra est un oiseau de nuit convoité.

C’est dans la salle de bain de son grand appartement de Schöneberg que Michel nous reçoit un lundi soir, la moitié du visage et du torse recouvert de mousse à raser, nous invitant à prendre place sur la cuvette des WC d’un geste de la main ample et élégant, comme s’il s’agissait d’une bergère Louis XV. Gloria n’est pas encore là, mais on la devine déjà sous les traits de ce bel homme élancé, révélés peu à peu par le rasoir. Quand il a terminé, il contemple son épaisse moustache taillée en brosse dans le miroir: «C’est un grand point de discorde. Beaucoup l’aiment, beaucoup la détestent. Certains me lancent: ‹Tu as oublié de te raser›!, sur un ton vraiment désagréable. Ce n’est pas une mode, c’est une déclaration. Un homme maquillé en femme qui porte une moustache, ça ne passe dans aucune case, ça oblige à réfléchir. Que les gens s’énervent, moi je la garde. C’est devenu ma marque de fabrique.» Et comme s’il se trouvait tout à coup trop sérieux, Michel glisse en plaisantant: «Même si bon, sans moustache, je flirtais beaucoup plus quand j’étais en Gloria! En homme, en revanche, c’est plus facile de flirter…»

Rock’n’roll queer
Trois nuits par semaine, Michel devient Gloria Viagra. Gloria en hommage à l’héroïne du film éponyme de Cassavetes, interprétée par Gena Rowlands. Viagra pour la déconne. Avec sa perruque afro blonde platine, ses robes fourreau et ses nuées de strass, elle a des allures de reine du disco échappée des années 1970. Sur scène, avec son groupe SqueezeBOX!, qu’elle aime présenter comme «le seul groupe de rock’n’roll queer du monde», Gloria se partage le micro avec la drag queen new-yorkaise Sherry Vine, réinterprétant à la sauce «sex, drag and rock’n’roll» les succès de groupes tels que Radiohead ou les White Stripes.

Elle officie également comme DJ depuis une quinzaine d’années. Après avoir fait ses débuts derrière les platines du club gay berlinois SchwuZ, elle électrise aujourd’hui les soirées GMF au Weekend, une boîte perchée dans un building de l’Alexanderplatz, et se produit dans toute l’Allemagne. Elle a également ses habitudes à Tel Aviv et à Zurich, au Heaven et au Kaufleuten.

Pourtant, ce soir-là, Gloria n’est pas attendue pour un show. Engagée à une soirée de gala organisée à l’occasion de la Berlinale, elle sera «seulement là pour être belle et [se] saoûler». Sa silhouette de gratteciel (1m97 sans talons), son excentricité et son humour désopilant ne séduisent pas seulement les patrons de clubs gays, mais s’arrachent aussi dans les soirées mondaines. «Gloria est à la fois une partie de moi et un masque, sous lequel je peux me permettre de faire des choses que Michel n’oserait pas faire. Je peux flirter, être plus insolent, offensif. Je suis une sorte de clown, cela te donne une liberté. Les drag queens sont rarement considérées comme des artistes, plus comme des clowns», confie Michel, tandis qu’il fait disparaître ses sourcils sous une pâte épaisse et barde son menton de zébrures de rouges à lèvres pour camoufler une fine couche de poils. «Il faut d’abord démaquiller l’homme avant de maquiller la femme par-dessus!»

«Salope de comptoir»
Autant qu’il se souvienne, Michel a toujours aimé s’habiller en femme. Enfant, il s’amusait à faire des défilés de mode en chemise de nuit avec sa soeur. Après des études de danse classique interrompues à cause d’une blessure, il suit des cours de stylisme et travaille un temps dans les ateliers de la Deutsche Oper, un des trois opéras de Berlin. Aujourd’hui encore, il coud lui-même «les robes de Gloria». Il choisira finalement de vivre la nuit, en rejoignant le bureau de programmation du mythique club rock SO36, à Kreuzberg. C’est au début des années 2000 qu’il deviendra Gloria Viagra et en fera ce métier qui lui va comme gant.

Regrettant que les drag queens soient la plupart du temps considérées comme «des bonbons de soirée vides de contenu», Michel-Gloria s’engage à sa façon en manifestant pour les droits des personnes de la communauté homo. L’an dernier, il a mené une série d’interviews avec des responsables politiques des différents partis allemands à l’occasion des élections au Bundestag. Mais il sait tout de même apprécier la légèreté qui colle aux basques de Gloria, comme dans son émission web Thekenschlampe («salope de comptoir»), où il interviewe des célébrités gay dans leur bar préféré un verre de prosecco à la main, en les faisant boire plus que de raison pour délier leur langue. Pas question par contre de tout se dire. Quand on lui demande son âge, elle répond: «Blonde!»