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«Cette loi est une photographie de la société»

PARTENARIAT / MONTHEY - Austère, chrétienne, familiale: quand on en est originaire, la cité valaisanne est a priori l’endroit le plus saugrenu pour débattre du partenariat homo. Pourtant, à l’échelle du canton, Monthey apparaît comme une ville ouverte et moderne, plutôt révélatrice d’une certaine Suisse romande. Allons voir. Photos: Carine Roth

Nichée dans un recoin de la plaine du Rhône, on accède à Monthey par d’interminables trajets en tram rouge – le même que j’emprunte depuis mon enfance. C’est que Monthey, ce sont mes racines: le fief de famille, les vacances au jardin sur fond de paysage industriel. Sur la Place du Marché, j’ai l’impression d’avoir huit ans et d’apprendre à dire «Bonjour Madame» à la boulangère («…on t’a pas appris ça à Genève!?»). Le micro-trottoir que je m’apprête à réaliser sur le partenariat me semble soudain aussi déplacé qu’un peep-show dans une salle de paroisse.

Au téléphone, Gilles Borgeaud, président de la section locale du PS, m’avait prévenu: «Depuis toujours, on sait pour certaines personnes, mais on n’en parle jamais. Même pas de sous-entendus. Il n’est pas simple de parler de situations intimes dans un gros village comme Monthey; on est rarement tendres entre nous.» Dans la foulée, Sébastien qui est arrivé à Monthey de Belgique il y a peu, m’avait évoqué l’ambiance de la province belge. Et s’il ne fait pas mystère de son orientation sexuelle auprès de ses collègues, sa vie sociale à Monthey s’arrête là. «En un mot, ici il y a rien!» En écoutant les gens parler de la campagne sur le partenariat, il les trouve «étonnamment réceptifs» – même si parler de sexe, «ça ne se fait pas». Qu’à cela ne tienne.
Surprise. Sur l’Avenue de la Gare, les langues se délient. Tout juste les passants hésitent-ils à prononcer le mot «homosexuel», de peur, sans doute, qu’il ne soit perçu comme une insulte. Ainsi Frédérique, qui connaît des personnes «homosex… euh, enfin bref…» Certaines l’ont profondément impressionnée, d’autres déçue: «Mais on ne peut juger personne sur cette terre, on est tous de pauvres pécheurs.» Lorsque j’évoque les discriminations subies pour les questions de permis de séjour ou de droit de visite à l’hôpital, elle s’indigne avec candeur. Quant à Odile, trentenaire sportive, elle nous répond sans hésitation: «Il faut voter, et voter oui, parce que pour eux, c’est important de protéger leur conjoint.» Un peu plus loin, un jeune Montheysan d’origine kosovare, Labinot, feuillette «Le Nouvelliste» d’un air blasé: «Je viens de voir un truc là-dessus… Ils veulent le droit de se marier? Moi je dirais, c’est normal: ils sont pédés, ils sont pédés.»

Les termes sont différents, mais c’est une même évidence pour le Président de la commune Fernand Mariétan. Contrairement à beaucoup de ses collègues du PDC valaisan, il votera oui: «J’ai un peu de peine à comprendre la mobilisation des pour comme des contre: cette loi, c’est juste la photographie de notre société.» Mais de quelle société, si les homos à Monthey restent invisibles? «C’est vrai, avoue-t-il, qu’avant votre arrivée, je me suis demandé qui, dans mon entourage au sens large, se sentirait véritablement interpellé – je serais très emprunté pour vous répondre. D’un autre côté, on ne peut pas parler de minorité invisible lorsque l’on organise des gay pride. Moi, cette espèce d’exubérance m’agace souverainement.» Lorsque j’évoque la pression sociale et la tradition qui poussent parfois les jeunes homos à quitter la région, Mariétan se raidit: «J’ai de la peine à comprendre; je suis attaché aux traditions, et je pense qu’il y a parfois une certaine forme d’intolérance des deux côtés. Je pense que ce qu’il y a chez les gens d’ici, c’est beaucoup de pudeur.»

Une mauvaise herbe qu’on n’arrive pas à éliminer
Dans la gare AOMC, Nelly me fait penser à ma grand-mère. Même accent, même visage sec, même résignation lorsqu’elle dit que de toute façon, elle ne vote plus. Pourtant, elle démarre au quart de tour: «C’est dur de dire, mais je suis contre ce qui est pas naturel.» Les copines rigolent, un peu gênées: «On est des vieux-jeu!» Nelly poursuit: «Ça me fait mal au cœur pour eux, qu’ils n’arrivent pas à se raisonner. Ça c’est une mauvaise herbe qu’on n’arrive pas à éliminer. Parce que s’ils ont du caractère, ils arrivent tous à dire non et à avoir une vie de personne humaine.» En connaît-elle seulement? «Oh oui, ils sont super-gentils, plus gentils qu’eux, y a pas. Le cœur sur la main! Ils sont super super!» Quand on en vient à évoquer le couple, la famille, Nelly hésite: «Moi, je suis mal placée pour en parler, parce que je me suis pas mariée. J’aime beaucoup les enfants, voir les ménages qui sont unis. Il faut pas passer à côté de ces choses. Ça me fait mal pour eux.»

La vingtaine ébouriffée, Guillaume rigole: «On les aime bien les homosexuels, c’est parce qu’avec eux, il y a plus de problème de morale!» Plus sérieux, il confie être contre l’adoption, «pour la protection de l’enfant». Sinon, il connaît un couple homo: «Ils ont peut-être plus de difficultés que s’ils s’étaient installés dans une grande ville, mais bon on est au troisième millénaire – même à Monthey. Et puis, ils vivent la vie tranquille ici, non?»