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La campagne vaudoise? Pas si traditionaliste…

PARTENARIAT / VILLARS-BRAMARD. Que pense-t-on du partenariat enregistré dans la campagne vaudoise? Pour en avoir un aperçu, nous nous sommes rendus dans le village de Jean Fattebert, conseiller national UDC et membre du comité d’opposition à la loi. Récit contrasté d’une virée à la campagne. Photos: Vanina Moreillon

«Au village, ils sont plutôt conservateurs et traditionalistes. Concernant le pacs, je n’ai pas eu vraiment de contact avec les habitants. Ce sera intéressant de voir au vote, mais je pense que ça sera non.» Jean Fattebert, membre du comité opposé à la Loi sur le partenariat, n’affiche pas trop d’hésitations lorsqu’il se lance dans un pronostic pour la votation du 5 juin. Alors, tous derrière lui au village? Nous avons voulu vérifier de nous-mêmes.
Premier défi: trouver Villars-Bramard. A peine sorti de l’autoroute, nous nous perdons déjà. Arrêt dans une auberge: «Villars-Bramard? Ouh là… Pas facile à trouver pour les gens qui ne sont pas du coin!» Ça commence bien… En plus, il pleut à verse et le brouillard sévit. Ils ont dit «Moudon, puis après Billens». En effet, voilà Villars-Bramard. C’est un village d’à peine plus de 100 habitants répartis dans une vingtaine de fermes et une poignée de villas. Les rues… ou plutôt la rue est déserte. Sur le pas d’une porte, une dame, tout de même. «Le partenariat? Je n’ai pas encore ouvert l’enveloppe et je dois encore en discuter avec mon mari, mais a priori je ne suis pas contre. Vous savez, j’ai un petit garçon de trois ans. Qui me dit qu’un jour il ne m’annoncera pas qu’il est homosexuel?»
En voilà une bonne surprise… Nous qui étions sûrs de passer une froide après-midi de début de printemps sous la pluie à nous ramasser des propos homophobes plein la figure. Ces citadins sont bourrés de préjugés, c’est une horreur. Cette femme, qui préfère rester anonyme, avait pourtant voté pour Fattebert: «Je voulais le soutenir en tant que membre du village, et puis c’est quelqu’un de sympathique. Mais là je ne le suis pas… Il a deux garçons qui ne sont pas mariés, comment réagira-t-il si un des deux est homosexuel?»

Trouver la femme qui convient
En longeant la rue, nous harponnons Pierre-Alain, sur le point de gagner sa grange. Son avis est plus tranché: «Je suis contre, il faut montrer le bon exemple. Quand on a un garçon, ce qu’on espère, c’est qu’il rencontre une fille. C’est la direction à suivre, sinon on va n’importe où.» Mais les couples homos ça existe pourtant… «S’ils veulent se mettre en couple, ben ma foi, ils font ce qu’ils veulent, mais il ne faut pas en faire de la publicité. Je suis sûr que la moitié des hommes homosexuels le sont parce qu’ils n’ont pas rencontré la femme qu’il leur fallait.» C’est donc pour ça! L’explication est tellement convaincante que nous hésitons à déjà rentrer à la maison… D’autant qu’il pleut toujours comme vache qui pisse (c’est le cas de le dire). Mais Jean, le père de Pierre-Alain venu lui prêter main forte ce jour-là, est d’un tout autre avis: «Je suis pour le Pacs, car je m’oppose à toute forme de discrimination, il n’y a pas de raison de laisser de côté une partie de la population.» L’homme nous explique qu’il connaît des homos à Lausanne. Une idée: les présenter au fils.
Même avis du côté d’Alain Michel, un webdesigner de 28 ans: «Je suis pour, c’est la liberté de chacun de pouvoir vivre comme il veut. Cela permettra de réduire les tabous qu’il y a autour de l’homosexualité, surtout à la campagne, même si les jeunes sont plus ouverts.» Une affirmation confirmée par Bastien, un voisin de Jean Fattebert qui n’a pas encore le droit de voter, mais presque: «Je n’ai rien contre, chacun fait comme il veut.» Ce n’est pas le cas de l’un de tes concitoyens conseiller national… «Il y a quelques conservateurs dans ce bled, mais ce n’est pas la majorité. Les gens sont cool ici.» Jean Fattebert se tromperait-il? Nombre d’habitants de Villars-Bramard ne sont visiblement pas opposés à la nouvelle loi. Cela se confirme lorsque nous posons la question à une autre agricultrice: «Si les homosexuels veulent vivre comme ça ils en ont le droit. Ils ne font de mal à personne». Réponse similaire du côté de Rémy Wist, un autre agriculteur: «J’ai voté pour Fattebert mais je suis déçu d’avoir fait ça. Avec les âneries qu’il peut sortir, j’ai même honte qu’il soit de mon village. Les hommes et les femmes peuvent se marier, je ne vois pas pourquoi les homosexuels ne pourraient pas se pacser. Chacun a sa manière de vivre.»

Biscuits amers
Certes, il y a à Villars-Bramard des habitants beaucoup moins déçu, d’avoir voté pour l’UDC vaudois, comme cet agriculteur anonyme: «Je suis contre le Pacs, par principe. L’homosexualité est contre-nature, ce n’est pas quelque chose que l’Etat doit reconnaître.». Ou des personnes qui n’ont pas très bien compris de quoi il retourne: «Oui, je suis pour, ils font ce qu’ils veulent. Quand ils sont entre eux, au moins ils ne vont pas après les enfants», nous lance une agricultrice. Tous les homos sont-ils à vos yeux des pédophiles? «Euh, je n’en sais rien. Je dois retourner à mes biscuits.» Un petit effort d’information s’avérera nécessaire…
A côté de ces dernières affirmations teintées d’ignorance ou d’incompréhension, l’ouverture d’esprit des habitants de Villars-Bramard sur la question du partenariat enregistré est évidente, même si le sujet reste sensible au village: on préfère témoigner anonymement et éviter les photos. Il n’empêche, le «oui» l’emportera peut-être même dans le village de Jean Fattebert, en toute pudeur.