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Un soutien encombrant pour la Pride moscovite

Politisée et hypermédiatisée, la dernière Pride de Moscou a suscité le malaise au sein de la communauté gay de Russie.

Au soir du 26 mai, les télévisions retransmettaient les images de la deuxième Gay Pride interdite de Moscou. Coups, projectiles et insultes pleuvaient sur des personnalités européennes venues participer à la manif symbolique, provoquant en Europe occidentale une profonde indignation, notamment au sein des associations LGBT. Toutefois, en Russie même, la scène LGBT est pour le moins sceptique. De toute évidence, les gays et lesbiennes russes n’étaient guère qu’une poignée à participer à la Pride, réunis autour du jeune journaliste Nikolaï Alekseev, principal organisateur de l’événement.

De fait, les associations LGBT russes gardent leurs distances par rapport à un événement que beaucoup jugent inopportun. C’est le cas d’Alexandre Kukharsky, président de la plus ancienne association LGBT de Russie, Krilija: «C’est une action prématurée et pouvant avoir des conséquences imprévisibles, car l’opinion publique russe est profondément homophobe. Si l’objectif était de faire du scandale et de la provocation, c’est réussi, mais cela s’est fait sans tenir le moindre compte des intérêts de la communauté LGBT.» Quant aux associations russes de défense des droits humains, elles aussi se sont abstenues. Une absence qui n’étonne Alekseev qu’à moitié. «Il y a autant d’homophobes dans l’opposition et parmi les militants des droits de l’homme que dans la moyenne de la société russe», résume-t-il.

«Inattendu»
En revanche, un soutien politique de marque s’est déclaré: Alexeï Mitrofanov, du «Parti Libéral-Démocrate» (LDPR), la formation d’extrême droite dirigée par Vladimir Jirinovski. Un soutien qu’Alekseev qualifie d’«inattendu». Député jet-setter, impresario, et récemment auteur d’un roman érotique inspiré duo pop Tatu (autres «guest stars» de la Moscow Pride), Mitrofanov a expliqué aux médias incrédules qu’il souhaitait ainsi défendre la liberté d’expression et les rapports avec l’Ouest, tout en affirmant son intérêt pour les gays en tant que «ressource électorale». Des explications qui laissent perplexe, provenant d’un parti connu pour sa ligne raciste, xénophobe et sexiste.

La présence d’un représentant du LDPR aux côtés d’Alekseev n’est pas passé inaperçue auprès des organisations d’action civique et de lutte contre le racisme – dont le réseau des organisations LGBT russes. Dix jours avant la marche, elles publiaient une déclaration commune dénonçant la participation «intolérable» du LDPR à l’événement. Pour Kukharsky, cette collaboration «confirme la totale immoralité des organisateurs de la manifestation moscovite.»

«Pas de discriminations»
Par ailleurs, dans le business gay émergeant, on tire à boulets rouges contre la Gay Pride et son organisateur. Commerçant et responsable du magazine Kvir, Ed Mishin dresse un panorama idyllique de la situation des gays à Moscou: «Il n’y a pas de discriminations en Russie. Personne ne se fait tabasser ou renvoyer pour cause d’homosexualité.» Pour lui, aucun doute: la Pride a augmenté le niveau d’homophobie. «Elle commence à faire craindre aux gens de se montrer dans la rue. Elle rend aussi le travail des organisations gay plus difficile – car toute action est maintenant taxée de propagande gay»

Alekseev balaie la critique des commerçants: «Ils n’ont pas compris qu’il ne risquent rien, car ils servent d’alibi aux autorités qui disent ‘tout va bien, vous avez vos clubs. Alors pourquoi une Gay Pride?’» Et Alekseev d’ironiser: «Alors, peut-être, nous devrions rester dans nos clubs 20 ou 30 ans, en attendant qu’un hypothétique ‘pouvoir démocratique’ nous donne des lois contre l’homophobie et un droit au partenariat?»

Un avis que partage le militant gay et organisateur de soirées à Saint Pétersbourg Ignat Fialkovski qui, malgré des réserves sur l’organisation de la Pride moscovite, lui reconnaît une véritable pertinence: «Les opposants à la marche oublient que la situation ne peut pas changer si l’on ne fait rien. Dans des pays aujourd’hui favorables aux homos, il y a eu des affrontements. La victoire n’est jamais venue sans le combat.»