La sélection queer de Payot
Chaque mois, Payot Libraire met en avant des livres queer. Au programme de ce numéro, une sélection à (s’)offrir pour les fêtes de fin d’année!
Essais
En bons pères de famille, Rose Lamy, JC Lattès
Deuxième ouvrage de Rose Lamy, créatrice du compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre, ce titre mélange le récit autobiographique et la critique sociale. Tout commence lorsque l’auteure remarque sur son contrat de bail une phrase dite légale qui l’engage à utiliser son appartement «en bon père de famille». Mais quelle est la définition d’un bon père de famille? En interrogeant les siens, elle découvre que son père à elle n’était «bon» que d’après certains critères et certaines relations, intra ou extrafamiliales. Rose Lamy décortique ainsi la justification de la violence dans les médias et son traitement, selon qu’il sort de la bouche d’un homme ou d’une femme. Comment tous ces «bons pères de famille» ont-ils été poussés à bout par quelques mots de leur compagne et se sont donc permis d’utiliser la force physique pour contre-attaquer? Ces réflexions soulèvent encore et toujours des questionnements sur l’inégalité des genres et sur la société patriarcale en général. En viendra-t-on à bout un jour? (J.G.)
Album
Vive mes ongles de toutes les couleurs, Alicia Acosta, Bayard Jeunesse
Ce que Jean adore plus que tout, c’est de se vernir les ongles, et plus c’est bigarré plus il est ravi! Malheureusement, à son arrivée à l’école, il découvre que le vernis, qu’il pensait destiné aux mains de qui le souhaite, serait manifestement réservé à celles des filles. À force d’être moqué, il se voit contraint de renoncer à sa passion, du moins pour les jours de classe. Jusqu’à ce que, pour son anniversaire, la maîtresse et tous ses camarades l’accueillent avec des ongles colorés! Il est hélas encore souvent compliqué de laisser les enfants aimer ce qu’ils veulent, peu importe leur sexe, tant les stéréotypes ont la vie dure. Cet album permet d’aborder l’importance d’être soi sans trop se soucier du regard d’autrui, de ne pas juger les goûts de l’autre – et de ne pas juger tout court! À lire donc, en classe ou en famille, dès 5 ans. (P.R.)
Récit
Kaboul Beauté Institut, Frishta Amini, Michel Lafon
Si vous pensez que les instituts de beauté ne sont que des antres de la superficialité, ce témoignage est écrit pour vous! Frishta, jeune esthéticienne de Kaboul, travaille dans son salon le 15 août 2021, au moment où les Talibans reprennent la capitale afghane. Elle sait que plus rien désormais ne sera pareil… Alors, dans une semi-clandestinité, elle va continuer à ouvrir ses portes, combattant ainsi l’avenir sombre qui semble se dessiner pour les femmes afghanes. Elle va finir cependant par devoir quitter son pays malgré tout, pour sauver ce qu’il reste de sa liberté. (M.R.)
Sociologie
Reines, Nicki Doll, Hors Collection
Nicky Doll nous ouvre les portes d’une communauté méconnue, le Drag à la française. Si aux États-Unis le drag est populaire et respecté, il a fallu plus de temps pour qu’il se démocratise dans l’Hexagone. Malgré certains sursauts, avec l’avènement des cabarets, il est longtemps resté anonyme et considéré comme un produit marketing. Il faudra attendre 2020 pour qu’enfin, il acquière un peu de visibilité. Pourtant le drag est presque aussi vieux que le monde! De l’Égypte antique aux héros grecs en passant par le chevalier d’Éon ou Sarah Bernhardt, le genre, à travers le maquillage, les vêtements ou le corps glabre, a toujours su cultiver une certaine ambiguïté. Et la partie la plus intéressante de cet ouvrage sur l’histoire et le devenir du drag est certainement la rencontre, superbement illustrée, de dix-sept de ces créatures flamboyantes, avec leurs histoires, leurs influences et la narration de leurs difficiles combats. (C.A.)
Poésie
Les garçons, la nuit, s’envolent, Florian Bardou, Lunatique
Trouver un moyen de dire les plans culs et le chemsex autrement, voilà le tour de force réalisé par Florian Bardou dans son premier recueil. Avec délicatesse, le lauréat du Prix du roman gay 2023, catégorie recueil de poésies, tisse les phrases nécessaires pour rendre compte de ces nuits souvent sans fin remplies de rencontres, de plaisirs synthétiques et parfois d’errance. (R.C.F.)
Extrait du poème Week-end:
les garçons
le week-end dealent
leur ennui
contre l’envie
la nuit s’enivrent
de sels et de baisers
toute la nuit
toute la vie
dansent à se tuer
mélangent les substances
rances entrent en transe
ne sont jamais fatigués