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Traversée collective

Traversée collective
Eli Mathieu Bustos; Implosive Parts, photo Claude Barrault; Sälkvinnorna, photo Märta Thisner; Dragon, rest your head on the seabed, photo Andrea Beade et Enrique Escorza.

Grandir en tant que personne queer de la génération Y à Fribourg, c’est apprendre à naviguer sans boussole, croyez-en mon expérience. Ensemble, prenons le large pour une cartographie d’espace-temps entre passé intime et avenir collectif à l’occasion de la 40e édition du Festival du Belluard.  

Temps orageux, air chargé d’électricité, mauvaise visibilité. Aucune représentation queer à l’horizon. Le climat fribourgeois des années 1990 – celui de mon enfance – n’est certes pas le plus hostile pour les vies queer, il n’en demeure pas moins peu accueillant. De mon regard gamin·e, la petite ville encore influencée par le catholicisme ne m’offre aucun espace pour me familiariser avec la diversité LGBTIQ+.
 
Horizon bouché, mais il faut grandir, survivre, voire fuir pour certain·e·x·s. Comment connaître son orientation lorsqu’il nous en manque le sens? Lorsque «gouine» et «pédé» sont des insultes? Lorsqu’on ne connaît pas de mot pour nommer, de personne à qui parler, de héros à qui s’identifier? Heureusement les choses bougent à Fribourg, notamment grâce à une scène culturelle riche et diverse.
 
Depuis quarante ans maintenant, une brise de chaleur et de liberté souffle sur la ville en début d’été lors du Festival du Belluard. Un événement culturel majeur logé dans cette petite cité: il attire chaque année des artistes internationaux de plusieurs disciplines et permet aux habitant·e·x·s d’explorer de vastes horizons artistiques. Il prend place notamment dans une forteresse médiévale du XVe siècle. Preuve qu’à Fribourg, tradition et créativité ne sont pas incompatibles… au contraire! La richesse de cette ville réside justement en cette alliance inattendue.
 
Cette année, le festival nous emmène au fil de l’eau pour «une grande traversée collective à bord d’un voilier culturel en route depuis quarante ans». Toutes les interventions artistiques se déclinent sur le thème aquatique: de la Sarine aux Bains de la Motta en passant par le lac de Schiffenen, les performances – souvent surprenantes – proposées cette année mêlent exploration et originalité. Une programmation qui fait la part belle aux artistes et aux thématiques queers et féministes et dont on vous dévoile des extraits dans un journal de (l’autre) bord entre le Fribourg d’hier – celui de mon enfance – et d’aujourd’hui.

2000. Une école primaire. Un camarade de classe, il a peut-être neuf ou dix ans. Ne pas comprendre le sens du mot «pédé», pas plus que les raisons de le harceler. Les autres: sûr·e·x·s de sa différence et donc de sa prétendue infériorité. Ne pas comprendre l’enjeu et, tout·e aussi impopulaire que lui, assister impuissant·e aux moqueries le ciblant. (Des années plus tard, le retrouver marié et heureux avec l’élu de son cœur, toujours dans la même ville!)
 
2023. Voûte céleste. Si la terre reste sans réponse face à la violence, se tourner vers le ciel? Non pas dans l’espoir d’une intervention divine, mais pour déchiffrer le message des étoiles. De Caelos est une méthode inventée et pratiquée par le danseur et performeur Eli Mathieu-Bustos. Cette technique de danse mêle improvisation, intelligence émotionnelle et astrologie et on pourra la découvrir à travers son solo Have a safe travel ainsi qu’un workshop.
 
2004. Internet. Si le ciel se tait, les forums eux libèrent la parole. Trouver refuge auprès d’inconnu·e·x·s devenant peu à peu des confident·e·x·s. Se sentir proche de personnes à des centaines de kilomètres sans jamais les avoir vues en vrai. Le grand ordinateur familial est au sous-sol, la pièce mal éclairée, vivre sa vie d’ado au rythme des sons de MSN Messenger (tu-du-dum).

2023. Forteresse du Belluard. Ces perceptions gravées dans notre ADN sont au cœur de la première création collective de Juliette Uzor, Implosive Parts. Elle y étend le champ du regard en travaillant avec des miroirs, rendant visible l’envers des choses.

2005. Un cycle d’orientation. Longtemps ne s’intéresser à personne, puis subitement tomber amoureux·se d’une amie assignée au même genre. Taire ce premier amour douloureux et revenir à l’amitié, la vraie. Plus encore, reconnaître les siens, trouver sa «bande» de freaks, d’âmes folles, d’amoureux·ses du rire, de queers, ensemble être invincibles. Se foutre du reste du monde.
 
2023. Fri-son. «It’s about you and us and all the love in between.» La performance d’Amanda Apetrea et Halla Ólafsdóttir Sälkvinnorna invoque amour, animalité, et heavy metal. Puissance, libération et rire sont au rendez-vous, on nous promet de vibrer aux rythmes punks de la sororité.
 
2007. Une église. Contre toute attente, le chœur du collège s’avère être le groupe le plus queer et le plus fou, un safe space pour partager des aventures hors-normes. Nos voix résonnent dans l’église, dans les couloirs de Saint-Michel, dans les rues de Venise. Parler plus fort, s’affirmer, délirer, se sentir libre et fort·e·x.
 
2023. Grenier de l’Arsenal. Dans Tout ce que le ruisseau ne sera pas, la Fribourgeoise Margaux Huber se réapproprie joyeusement l’imaginaire visuel suisse et conçoit un espace utopique queerféministe hors du «straight time». Sa pratique transdisciplinaire englobe l’installation, l’écriture et la performance.
 
2010. Un conservatoire. Dix-neuf ans et des poussières, un passing hétéro nickel bleu ciel. Assimilation, retour à la norme? Maîtriser désormais tous les codes à en avoir le mal de mer. Performer les talons de huit centimètres et les jupes, les décolletés et le moulant. Le but c’est d’être en couple, hétéro, il va sans dire. Alors il faut plaire au sexe opposé, la fin veut les moyens. Vague à l’âme. C’est vraiment ça, être adulte?
 
2023. Vingt mille lieues sous la piscine de la Motta. Quoi de mieux qu’une performance de natation synchronisée de nuit dans les bains de la Motta pour clôturer le festival en beauté? Noyons-nous dans la queer joy à l’occasion de la performance Dragon, rest your head on the seabed de Pablo Lilienfeld et Federico Vladimir. Célébrons le début de l’été par une chorégraphie aquatique hydroféministe!
 
2023, encore, enfin. L’occasion de mettre le cap sur Fribourg et de profiter des (nouveaux) espaces queer qui y voient le jour.
 

Have a safe travel, Eli Mathieu-Bustos, performance le 29.6 à 22h, Forteresse du Belluard, workshop le 30.6 à 14h
Implosive Parts, Juliette Uzor 1.7 à 21h, Forteresse du Belluard
Sälkvinnorna, Amanda Apetrea et Halla Ólafsdóttir 23.6 et 24.6 à 20h, Fri-Son 
Tout ce que le ruisseau ne sera pas, Margaux Huber, 28.6 à 21h, Grenier de l’Arsenal 
Dragon, rest your head on the seabed, Pablo Lilienfeld et Federico Vladimir, 1.7 à 23h, Bains de la Motta

Festival du Belluard, 40e édition, du 22.6 au 1.7 2023 à Fribourg
Plus d’infos sur belluard.ch