Aimer qui l’on veut, comme on veut
Dans Le bleu du caftan, la réalisatrice marocaine Maryam Touzani prône la liberté. Elle dépeint un héros masculin qui cache son homosexualité, passible de prison, et vit l’essentiel de sa sexualité au hammam.
Halim, la quarantaine, est marié depuis longtemps avec Mina. Tous deux tiennent un magasin de caftans dans la médina de Salé, où ils perpétuent la tradition ancestrale du maalem, artisanat en train de disparaître. Mina, que l’on découvre atteinte d’un cancer en phase terminale, s’occupe de la boutique, tandis que Halim s’adonne au délicat travail de tissage.
Très amoureux, ils vivent pourtant dans le secret, Halim dissimulant depuis toujours son homosexualité, passible de prison. L’épuisante maladie de Mina et l’arrivée de Youssef, un jeune apprenti qui ne laisse pas son patron indifférent, vont bouleverser ce fragile équilibre.
Oeuvre intimiste, tendre, bouleversante
Surfant avec pudeur sur un tabou, Le bleu du caftan est une œuvre intimiste, tendre, bouleversante. Elle est magistralement jouée par Lubna Azabal, qui s’est incroyablement investie dans le rôle de Mina, pour éprouver à la fois son amour pour son mari, son immense fatigue, mais aussi l’approche de la mort. Saleh Bakri, comédien palestinien, s’est également énormément impliqué. Il lui a fallu du courage pour interpréter un homme gai dans le monde arabe, à l’image d’Ayoub Missioui, qui incarne Youssef dans sa première prestation sur grand écran.
Il s’agit du deuxième film de la Marocaine Maryam Touzani, qui avait été sélectionné dans la section Un certain regard au dernier festival de Cannes. L’idée lui est venue pendant des repérages dans la médina de Salé pour son précédent opus, Adam. «J’ai rencontré un coiffeur pour dames assez âgé qui m’a beaucoup touchée», nous raconte-t-elle. «J’ai senti les non-dits qui pesaient sur lui. Et puis le temps a passé. Parfois je repensais à lui et, en 2019, j’ai eu envie de me laisser porter par ce personnage. J’ai imaginé ce que c’était pour lui et sa femme de vivre dans le doute, le mensonge, la culpabilité, la honte, et j’ai décidé de les suivre.»
Le bleu du caftan prône notamment la liberté d’aimer qui l’on veut, comme on veut, alors que les homosexuels marocains risquent 3 ans de prison. «L’homosexualité reste donc cachée, explique Maryam Touzani. Halim est obligé de la vivre lors de rendez-vous sexuels au hammam. Les gens concernés le savent. Mais le risque de dénonciation maintient un climat de peur. Mina va aider Halim à la surmonter, en lui permettant d’être ce qu’il est.» Un tel film, sorti au Maroc le mois dernier, peut-il faire changer les mentalités? «Il y a encore un long chemin à parcourir. Mais c’est déjà un pas énorme, estime la cinéaste. En le réalisant, je souhaitais participer à un débat public qui pourrait faire évoluer la loi.»