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Joesef, Glasgow dans la peau

Joesef, Glasgow dans la peau
Joesef. Photo: Martin McCready

Révélation pop-soul outre-Manche, Joesef chante comme personne les ruptures amoureuses, les soirées alcoolisées et les maux de sa génération. Rencontre avec l’artiste écossais, qui sort son premier album, Permanent Damage, le 13 janvier et à qui l’on promet une très belle carrière.

Lundi matin pluvieux dans l’Est londonien. Joesef a choisi le lieu de notre rendez-vous: un breakfast club aux abords du Queen Elizabeth Olympic Park. Les lieux ont profondément changé depuis les JO d’été de Londres en 2012. Le quartier, auparavant mal perçu par les British de la capitale s’est développé à vitesse grand V. Dorénavant, il est peuplé par une jeunesse londonienne en recherche de loyers moins exorbitants que dans l’ouest et le centre. Joesef, 26 ans, a un accent écossais à couper au couteau et il faut s’accrocher pour suivre les réponses sans détour du nouveau chouchou de la musique britannique.
 
Notre discussion débute par les origines Glaswégiennes de Joesef. Le jeune homme a grandi dans une famille sans intérêt particulier à la musique, si ce n’est sa mère qui aimait mettre un fond sonore constant dans leur maison, peuplant ainsi l’enfance de Joesef des morceaux de The Mamas and the Papas. Issu d’une fratrie de trois, élevé dans un quartier réputé difficile de la métropole écossaise – l’East End – il grandit avec ses deux frères dans un logement social. Bien loin d’une image misérabiliste de son lieu d’origine, Joesef décrit un vrai «sens de la communauté» dans son quartier et un lien très fort avec les gens qui l’ont vu grandir. «Là d’où je viens, tout le monde prend soin les uns des autres, et plus je m’éloigne d’où j’ai grandi, plus j’apprécie cette qualité-là.» Cette enfance fait forcément échos au roman Shuggie Bain de Douglas Stuart, Booker Prize de 2020, l’un des plus importants prix littéraires anglais, dont l’histoire se déroule non loin d’où Joesef a passé son enfance. Le chanteur a d’ailleurs développé une vraie complicité avec l’écrivain, peut-être la preuve de la force de ce sens de la communauté dont parle le jeune Écossais.
 
«Si je réussis, c’est toute la communauté qui réussit»
«J’ai étudié la production musicale, j’avais pour objectif d’être ingénieur du son, mais je ne me suis jamais senti très à l’aise dans une salle de cours. J’ai donc arrêté mes études rapidement. Lors d’une scène ouverte dans un bar, complètement ivre, je suis allé chanter. Un ami présent ce soir-là a tout de suite cru en moi et, alors que je terminais ma performance, m’a lancé: « Tu sais chanter toi! ». Dès lors, il est devenu mon manager.»
 
Durant un an, Joesef compose sa musique et un premier concert est prévu avant même qu’une seule chanson ne soit rendue publique. Le concert est complet, grâce à une promo intensive sur les réseaux sociaux. Peu après cette première scène, en 2019, sort Limbo, un titre qui concentre à lui seul tout l’ADN artistique du jeune Écossais. Il rencontre un franc succès. S’ensuivent une dizaine de titres qui attirent encore plus l’attention sur le talent musical du jeune homme et, de fil en aiguille, Joesef est amené à enregistrer son premier album. «On a travaillé dans un minuscule studio londonien, la transition avec ma petite chambre de Glasgow a donc été facile», explique-t-il, amusé. Malgré sa réussite londonienne, Joesef reste attaché à sa ville d’origine, et elle le lui rend bien: «Les glaswégien·ne·x·s sont très fièr·e·x·s du succès que je peux rencontrer. À quelque part, si je réussis, c’est toute la communauté qui réussit.»
  
Permanent Damage
Catalogué par la presse britannique comme garçon sensible qui écrit des chansons tristes, Joesef aborde sans détour ses états d’âme à travers ses chansons. «Je trouve difficile d’écrire quand je suis heureux. Avant la musique j’avais une personnalité assez destructive, je me réfugiais dans la fête et l’alcool. Écrire m’a donné une structure, une ligne directrice à suivre. Finalement, être heureux est assez ennuyeux!» lâche-t-il, un brin provocateur.

Une vraie cohérence se dégage de l’album, dans lequel on retrouve la marque de fabrique de Joesef. Il y développe toute sa virtuosité vocale et ses talents d’auteur et de compositeur dans les treize titres de l’opus. On pourra découvrir ses chansons en live à l’Exil Club de Zurich, le 21 avril. «Pour moi, être sur scène est le high le plus propre qu’on puisse expérimenter. Je me sens extrêmement chanceux de pouvoir chanter mes morceaux devant un public. Ma musique est plutôt douce et calme, mais chaque concert est de la pure folie. Le feedback instantané de la part de l’audience est incroyable à vivre. Mon manager et ami de longue date m’a présenté au groupe qui m’accompagne sur scène, iels sont devenu·e·x·s mes ami·e·x·s également, c’est une chance énorme que de pouvoir faire une tournée ensemble au Royaume-Uni et en Europe.»
 

J’essaie simplement d’être honnête, je raconte mon histoire en toute franchise et il se trouve qu’elle s’est passée avec un garçon. Ça vient peut-être de l’authenticité de Glasgow, on évite de se voiler la face

Dans ses textes, le jeune homme parle surtout de ses échecs amoureux, notamment avec d’autres garçons, sans que la thématique LGBTIQ+ soit centrale dans son travail: «J’essaie simplement d’être honnête, je raconte mon histoire en toute franchise et il se trouve qu’elle s’est passée avec un garçon. Ça vient peut-être de l’authenticité de Glasgow, on évite de se voiler la face. Les gens ont été surpris la première fois qu’une référence à un garçon a été faite dans une de mes chansons, mais pour moi ce n’est pas un sujet en tant que tel.»
 
Sans qu’elle soit une inspiration directe pour cet album, certains arrangements musicaux convoquent Amy Winehouse, notamment Apartment 22 et Last Order. Les chansons aux rythmes joyeux, comme Joe, reviennent à des thématiques plus sombres, touchant du doigt de manière poétique les paroles destructives que l’on peut entendre dans des relations parfois abusives. «La force de ce titre, c’est de le jouer en live et d’entendre les gens crier mon nom», s’amuse le jeune Écossais. Une belle manière de transformer un souvenir douloureux en quelque chose de positif. «Permanent Damage, ce dommage permanent suite à une rupture amoureuse douloureuse que j’ai vécue est le thème qui court à travers tout l’album. Je parle de la manière dont cette relation m’a changé. À l’époque j’étais dévasté, non seulement par cette expérience relationnelle compliquée, mais aussi par le fait que je n’allais plus jamais retrouver cette ancienne version de moi-même. Le titre All Good qui clôt l’album est une réflexion plus optimiste autour de la manière dont, au final, chaque pas en arrière peut aussi être considéré comme un avancée, une évolution.»

Une heure d’entretien s’est déjà écoulée, Joesef s’en va, il pleut toujours sur l’Est londonien, «On se croirait presque à Glasgow», lance-t-il, taquin. Jamais la grisaille de Londres n’aura semblé être aussi porteuse d’un si profond sens de communauté.

Permanent Damage, sortie le 13 janvier. Joesef sera en concert à l’Exil Club de Zurich, le 21 avril