Nicolas Maury et son double de cinéma
Avec Garçon chiffon, le réalisateur-comédien, qui présidera la Queer Palm à Cannes en juillet prochain, propose un premier long métrage mélancolique, drôle et touchant. Il y assume son nombrilisme.
Jérémie, la trentaine, traverse une grave crise sentimentale et professionnelle. Frustré par une carrière qui peine à décoller, maladivement jaloux, débordant d’amour, il lasse et étouffe son séduisant compagnon (Arnaud Valois) que ses scènes incessantes exaspèrent.
Sous le coup du chagrin et de la déception, il décide de quitter Paris et se rend dans son Limousin natal pour tenter de panser ses blessures auprès de Bernadette, sa maman (excellente Nathalie Baye). Elle l’accepte tel qu’il est. Un peu borderline, castratrice, plutôt envahissante, c’est elle qui lui a donné ce surnom de «chiffon», parce qu’il s’endormait partout, tout le temps quand il était petit.
Obsédé par le besoin d’être aimé
Révélé par la série «Dix pour cent», Nicolas Maury impose son regard très personnel pour ce premier long métrage mélancolique, drôle, touchant et tendre, où il porte les casquettes de réalisateur, d’acteur et de scénariste. Même s’il y a du Xavier Dolan dans cette fusionnelle relation mère-fils et dans le portrait singulier d’un homme peu commun, excentrique, narcissique, hypersensible, en souffrance, replié sur lui-même.
Habitué au rejet dans son couple, dans un travail fait de doute et d’attente, hanté par le suicide de son père, Jérémie est un oiseau bizarre. À la fois craquant et agaçant avec sa sincérité désarmante, son hyper-maniérisme, sa voix douce et chantante, sa coupe au bol, sa démarche chaloupée et son improbable pull à moutons blancs sur fond rouge, le jeune homme est obsédé par le besoin impérieux d’être aimé, applaudi, reconnu.
Une quête initiatique légère et grave
Cette sorte d’autobiographie masochiste construite autour de son double de cinéma, inspirée d’une passion adolescente commence comme une comédie où l’on voit le jeune homme – séquence jubilatoire – se rendre aux «Jaloux anonymes».
«Je fais ce métier pour donner du flamboyant à des personnages fragiles»
Mais, s’affranchissant des limites du genre, Nicolas Maury glisse vers plusieurs registres, s’aventurant même vers le fantastique, tout en se posant de grandes questions existentielles. Cherchant un sens à sa vie, Jérémie se met à nu avant d’aller vers la lumière, l’acceptation, l’affirmation de soi. Le cheminement de ce garçon déchiré, angoissé, dépressif, se révèle parfois horripilant. Mais doté d’un sens aigu de l’autodérision, Nicolas Maury propose, sur fond de satire du milieu de la pellicule française, une quête initiatique légère et grave, tour à tour tragique, comique, burlesque…
Dans cet ego trip non dénué de théâtralisme, réussi en dépit de quelques écueils, il se met particulièrement en valeur, assumant son nombrilisme en étant de tous les plans. À noter également la présence du sculptural Théo Christine et de Laure Calamy dans une séquence mémorable de pétage de plombs.