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Faire face

Faire face

L’artiste rom bosnien Mersud Selman a longtemps tu son homosexualité par crainte d’être rejeté. De cette honte est né «Do not spit in my face», expo virtuelle où il fait son coming-out et invite d’autres personnes LGBTQ+ issues des Balkans à briser le silence.

Ne me crachez pas dessus: avec ce titre qui claque, Mersud Selman veut attirer l’attention sur la stigmatisation dont sont victimes les personnes queer. Et surtout faire face aux préjugés, aux insultes, aux menaces, s’y confronter une bonne fois pour toutes, pour mieux les balayer d’un revers de main. L’artiste peintre de 34 ans a lui-même longtemps vécu dans le placard. À Bihać, la ville du nord-ouest de Bosnie-Herzégovine où il a grandi, l’homosexualité reste aujourd’hui encore taboue. «Au sein de ma famille et de la communauté rom, il n’y avait personne avec qui j’aurais pu parler de mon orientation sexuelle quand j’étais jeune. Je vivais dans la honte de qui j’étais», explique Mersud, qui a gardé le silence jusqu’à il y a peu.

Enfant, il préfère jouer à la poupée plutôt qu’avec les jouets destinés aux garçons. Mais c’est vers le dessin et la peinture qu’il se tourne très tôt, suivant l’exemple d’un de ses grands frères, Ferdinand, qui devient à la fois son mentor et son modèle. Les deux frères affûtent leur talent en se dessinant l’un l’autre sur les trottoirs du village. Une fois grands, ils partiront ensemble faire leurs études à l’Académie des beaux-arts de Banja Luka. C’est là, loin de ses parents et du village, que Mersud osera pour la première fois dévoiler son homosexualité à quelques camarades d’études. Mais ce n’est que lorsqu’il s’installera à Berlin en 2017, après un passage à Budapest, qu’il osera enfin commencer à vivre sans se cacher.

Rouge sang
Spécialisé dans le portrait, Mersud croque ses contemporain·e·s d’un trait habile, rapide, qui donne l’impression d’être suspendu dans le mouvement. Les tons chauds dominent dans ses toiles: l’orangé, le pourpre, et le rouge surtout. «C’est la couleur de l’amour mais aussi celle du sang», explique Mersud, qui rappelle qu’il est « un enfant de la guerre». Durant le conflit de Bosnie-Herzégovine, au début des années 1990, il a vu beaucoup de sang couler dans les rues. Des images traumatiques qui se sont incrustées dans sa mémoire et qu’il sublime aujourd’hui par la peinture, en célébrant le vivant. « Le rouge est devenu la couleur qui symbolise mon identité », explique Mersud.

Man with pearls, Mersud Selman s’est lancé dans une série d’autoportraits jouant avec les codes du masculin et du féminin.

Quand la pandémie de coronavirus a mis le monde sur pause au printemps 2020 et qu’il s’est retrouvé confiné dans sa chambre-atelier à Berlin, Mersud a eu envie de mettre à profit ce temps passé seul, en retrait du monde, pour se lancer dans une série d’autoportraits, en prenant cette fois pour fil rouge son identité gay: Jouant avec les codes du masculin et du féminin, il se représente tantôt maquillé, tantôt paré d’un rang de perles, ou bien posant avec les couleurs du drapeau LGBTQ+. C’est sur cette trame intime qu’il a bâti l’exposition virtuelle Do not spit in my face, en ligne depuis fin janvier.

Réconcilier deux identités
Ce projet constitue pour l’artiste une tentative émancipatrice de réconcilier deux identités stigmatisées qui coexistent en lui : rom et gay. Une double appartenance difficile à assumer au sein de la société bosniaque, très religieuse et encore régentée par des valeurs patriarcales. Mersud s’est donc résolu à franchir une nouvelle étape: faire son coming-out vis-à-vis de sa famille restée au pays. «J’ai appelé ma mère en visioconférence et je lui ai annoncé que j’aimais les hommes. Jusque-là, je n’avais jamais osé lui en parler car j’avais honte et peur de sa réaction», explique Mersud. Contrairement à ses craintes, sa mère a plutôt bien réagi et a même accepté de prendre part à l’exposition.

L’artiste veut également avec cette exposition donner la parole à d’autres personnes LGBTQ+ membres de la communauté rom ou vivant dans les Balkans. «Je veux les encourager à ne pas avoir honte de qui elles sont, à ne pas être obligées de porter un masque toute leur vie.» Recueillir des témoignages par le biais d’un appel lancé sur les réseaux sociaux n’a pas été une mince affaire, plusieurs intéressé·e·x·s s’étant défilé·e·x·s au dernier moment par peur des représailles, d’autres ayant refusé de se faire tirer le portrait. Sa bouteille à la mer a également valu à Mersud plusieurs messages anonymes insultants et menaçants. Pas découragé pour autant, il s’en est servi comme point de départ pour une performance en ligne. Pensée comme un work in progress, sa galerie de portraits devrait s’étoffer au fil des mois.

Visiter l’exposition: exhibition.donotspitinmyface.com