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Une histoire de fierté

Avec «Pride, Chronique de la révolution gay», le journaliste et écrivain Erik Rémès rassemble des articles publiés entre 1992 et 2005.

S’il est un livre à se procurer de toute urgence, c’est bien ce recueil de chroniques que publie Erik Rémès aux éditions La Musardine. Cette petite bible d’un rose électrique, qui compile plus d’une dizaine d’années de coups de sang, de billets d’humeur et de cris à peine contenus ne saurait épargner aucun sujet de ce que son auteur appelle la révolution gay, bien qu’on y fasse, selon les régimes et les époques, autant de pas chassés que de pas de géant.

Il faut dire que tout y passe: intelligemment réunis sous de grands items (homoparentalité, homophobie, hétérophobie (un délice), drogue, sexe, années Sida, bareback, etc.), ces articles, publiés dans des titres tristement disparus («Gai Pied Hebdo», «Illico», «Nova Mag») ou dans de grands quotidiens qui aujourd’hui semblent avoir fait l’impasse sur ces plumes subversives qui osaient à peu près tout («Libération»), forment ensemble une fresque quasi exhaustive des combats de la cause gay.

L’auteur
Le poil à gratter, c’est sa marque de fabrique, à Erik Rémès. Journaliste et écrivain, il est l’auteur de romans «assez trash et violents». Fêtant avec cet ouvrage ses 30 ans de séropositivité, il semble célébrer, en sous-texte de l’introduction qu’il accole à cette petite somme, un désir de vie qui semble ne jamais lui avoir fait défaut. Il faut dire qu’il ne s’embarrasse pas de conformisme, et tire à boulets rouges sur l’hétéronormativité sur laquelle notre société, malgré les avancées et les appels d’air, ne cède jamais tout à fait.

En 2002, lorsqu’il publie «Serial fucker, Journal d’un barebackeur», Rémès ne se fait pas que des amis, et se voit même copieusement insulté lors de ses sorties dans le Marais. Le texte est provocateur, bien sûr. Et il est une version aggravée d’une réalité qu’Erik Rémès veut rappeler sans en faire l’apologie: on se protège de moins en moins et la prévention s’est un peu endormie. «La pensée unique gay et straight? Je l’emmerde, je la fiste à deux mains (quoique ce serait leur donner trop de plaisir)», écrit-il en préambule de ce flot d’écrits sainement subversifs. Faut-il donc en rajouter sur la liberté de l’auteur?

Souffrance et douleur
Difficile de se lancer dans l’amour et la sexualité gay pour n’importe quel jeune homme qui grandit hors des les murs des grandes villes. Avec internet toutefois, les coutumes et nouvelles normalités gays sont audibles à tout le monde, et il est parfois difficile de savoir à quel saint se vouer, et quelques dérives (ou tendances) comme le chems (la prise de stupéfiant durant l’acte sexuel) sont à aborder avec raison ou modération si l’on y cède. Erik Rémès rappelle que «nous sommes au commencement d’une véritable catastrophe sanitaire», la drogue devenant un enjeu sexuel trop souvent évident.

Après ces avertissements, on refait avec Erik Rémès l’histoire des mouvements de lutte homosexuelle, de la naissance d’Act Up à Paris à la Gay Pride, dont on apprend qu’elle est une marque. Ponctués d’anecdotes personnelles, d’épisodes de drague gay ordinaire toujours guettée par l’avancement politique du combat homosexuel qui parfois s’égare dans un désir d’égalité qui, selon Rémès, voudrait parfois trop ressembler à une norme hétéro où l’on effacerait sa différence, ces articles sont l’occasion de rappels historiques pas inutiles.

Lorsqu’en 2001 ont lieu les Université d’été euroméditerranéenes des homosexualités à Marseille, les UEEH, Erik Rémès ose dire que le milieu associatif gay semble avoir le désir, organisant des conférences un poil gentillettes, de dégager «une image bien proprette des pédés intégrationniste à tout va, voire hygiéniste. L’image d’une homosexualité souffrante et douloureuse.» Dans sa pige pour Citegay.com, il dénonce «des étudiants déconnectés de la réalité gay actuelle.»

SDF gay
Cette réalité, Erik Rémès nous la balance à la figure dans d’autres chroniques assez bouleversantes, notamment lorsqu’il décrit le quotidien de ces SDF gays, écumant le Marais à la recherche d’un lit où ils devront céder un peu de leurs charmes pour passer une nuit au chaud. On croise aussi Guillaume Dustan, bien sûr, au détour de ce pages corrosives. Aussi attachant que insupportable, il est un autre porte-drapeau et esprit libre d’une cause définitivement tiraillée entre l’envie de se démarquer et celle d’obtenir malgré tout quelques droits bien mérités.

Autre douche froide, celle de 2002, où Jean-Marie Le Pen se retrouve au deuxième tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac. Le projet de loi de «facho Sarko», à l’époque, est une certaine expression de la censure, s’organisant autour d’une répression de la prostitution qui fait dire à Rémès que «Le Pen a gagné», notamment lorsqu’on croise Christine Boutin, l’anti Pacs catho pas franchement sereine à l’idée que les homos s’unissent et, ô malheur, élèvent des enfants. Elle est une des nombreuses zones d’ombre de ce livre essentiel qui chemine bon an mal an à travers les remous d’une société qui négocie comme elle peut avec les notions de plaisir et de désir.

» «Pride, Chroniques de la révolution gay» Erik Rémès, 370 pages, La Musardine; «La pensée unique gay et straight? Je l’emmerde» Erik Rémès

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