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La liberté d’aimer

Pour la première fois dans l’histoire de la diaspora iranienne, Maryam Keshavarz aborde le thème tabou du lesbianisme. Un film à découvrir à Genève, dans le cadre d'Everybody's Perfect.

«Circumstance», premier long-métrage de la réalisatrice irano-américaine Maryam Keshavarz, rend hommage au peuple iranien qui étouffe sous le poids de la dictature. Et innove en abordant la thématique de l’homosexualité féminine à Téhéran.

La voix du muezzin s’élève dans la lumière de l’aube. Les premiers rayons de soleil éclairent peu à peu le lit que partagent Atefeh et Shirin, enlacées. Alors que l’appel à la prière prend de plus en plus de force, Shirin, bien réveillée, s’empare avec nervosité de la main d’Atefeh et la pose sur son sein. Soigneusement placée au coeur du retentissement de l’appel à la prière matinal, la première scène de sexe de «Circumstance» se veut résolument sensuelle, transgressive et dénonciatrice du régime dictatorial iranien et d’une religion qui n’a plus en commun avec le vrai islam que le nom.

Réalité méconnue
Premier long-métrage produit par la diaspora iranienne, qui aborde de front la thématique de l’homosexualité, le film permet au spectateur de plonger dans une réalité méconnue de la vie à Téhéran. Il dépeint l’histoire d’amour entre deux jeunes femmes, Atefeh et Shirin, et leur lutte pour vivre leur passion dans un pays qui condamne non seulement à mort l’homosexualité mais n’autorise pas non plus les relations hétérosexuelles hors mariage. Leur relation est mise à mal lors du retour à la maison familiale de Mehran, le frère d’Atefeh, ex-toxicomane ayant trouvé le chemin de la rédemption à travers la religion et nouvellement converti en agent de délation pour les abominables agents du Comiteh (la police des moeurs). Devinant la relation qui lie Atefeh et Shirin, il les surveille et devient rapidement obsédé par Shirin. Une obsession qui viendra petit à petit tout bouleverser.

Dans la droite ligne des manifestations de la vague verte de juin 2009 contestant la réélection illégale de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence du pays, le film dénonce avec justesse et finesse le régime islamique iranien et ses pratiques inhumaines. Il dévoile un quotidien où parents et enfants luttent pour créer et maintenir autour d’eux un espace de liberté et de légèreté dans un climat politique oppressant.

Sous pression
Le régime s’immisce insidieusement dans la sphère privée au point où tout acte privé devient politique, met sous pression chaque interaction humaine et tire immanquablement vers le bas tout individu qui n’a pas la force mentale de résister. L’impossibilité de vivre librement dans l’espace public, que l’on soit hétérosexuel ou homosexuel, les risques physiques et émotionnels que l’on prend en étant soi-même et le moule dans lequel il faut rentrer dans cet espace public n’est pas sans rappeler le placard LGBT.

Haute surveillance
Le tournage a dû s’effectuer au Liban, loin de la police des mœurs et de la censure de Téhéran. Maryam Keshavarz avoue avoir cependant dû rédiger un scénario prétexte qui n’incluait ni référence à la religion, ni à l’homosexualité. Malgré un texte largement épuré, les visites surprises de l’armée libanaise sur le lieu du tournage furent nombreuses. « Cela nous a permis de recréer cette pression quotidienne que les gens vivent en Iran», témoigne non sans humour la réalisatrice.

A peine sorti aux Etats-Unis, le film s’est vendu rapidement sous le manteau à Téhéran, suscitant des réactions positives et des remerciements des spectateurs iraniens. Maryam Keshavaraz, Sarah Kazemy (Shirin) et Nikohl Boosheri (Atefeh), aux origines également iraniennes, ont osé le pari risqué d’un premier grand film et grand rôle lesbiens qui leur interdisent de facto toute visite future à Téhéran.

«Circumstance» – «En Secret», de Maryam Keshavarz (France/Iran, 2011); mercredi 26 septembre, 19h et vendredi 28 septembre, 17h. www.everybodysperfect.ch