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«No Asiats»: les dessous d’un racisme ordinaire

«No Asiats»: les dessous d’un racisme ordinaire

Parmi les gays occidentaux, la tolérance se voudrait reine. Pourtant, ses adeptes ne kiffent pas trop les Asiatiques. Une hiérarchie «ethnique» dissimulée sous le costume de la préférence physique.

«No fats, no fems, no Asians». Telle est la devise omniprésente de nombreux utilisateurs d’applications de rencontre gays. Considérée comme légitime car déguisée sous la formule de «préférences sexuelles», cette sainte trinité illustre les standards ancrés dans le monde du dating en ligne. Des propos comme «Je ne baise pas avec les yeux bridés» donne une certaine idée du racisme débridé qui sévit en toute impunité. En juillet dernier, après avoir été confronté à plusieurs refus et messages de ce genre, Sinakhone Keodara a menacé de poursuivre Grindr en justice par action collective. Ce PDG américain d’origine laotienne accuse la société (dorénavant en mains chinoises) d’être un terreau fertile perpétuant la discrimination raciale et autorisant les commentaires dégradants à destination des Asiatiques gays. Selon Keodara, l’application de plus de 10 millions d’utilisateurs a une responsabilité d’un point de vue éthique et ne devrait pas permettre l’exclusion des minorités racisées.

Quelques semaines plus tard, Grindr diffuse une vidéo inattendue sur la thématique du racisme sexuel à travers des témoignages de personnes racisées. «It’s time to play nice», Grindr est provisoirement rebaptisé Kindr. L’application prend les choses en mains et entend créer une communauté plus respectueuse avec pour valeur centrale la «gentillesse». Les directives communautaires sont modifiées pour exclure toute forme de racisme ou de harcèlement. Certains se réjouissent de cette initiative, d’autres s’interrogent sur le réel impact de ce joli coup de com’, tandis que des utilisateurs plus septiques désapprouvent un Kindr qui se voudrait faire la police de la diversité.

Grindr peut au moins se réjouir d’avoir ouvert le débat à plus grande échelle: les commentaires fusent et questionnent interminablement la frontière entre «préférences» physiques purement subjectives et «préférences» modelées par les normes culturelles et les institutions sociales.

Minorité dans la minorité
Ce n’est pas une nouveauté, dans la communauté gay, les hommes racisés sont constamment dévalorisés en raison de leur couleur de peau et de leur origine. A cela s’ajoute une bonne dose de clichés et de stéréotypes dont les Asiatiques gays sont la cible. Dans l’inconscient collectif, les hommes asiatiques sont placés en bas de l’échelle de la virilité, ils sont perçus comme «efféminés» et par conséquent sexuellement indésirables. Cette vision peu flatteuse n’est autre que l’émanation d’un état d’esprit colonial occidental considérant «l’Orient» comme un espace mystérieux et féminin à conquérir et pénétrer. «Les Asiatiques sont tous passifs et ont des petites bites» semble poursuivre le cliché de l’Asiat soumis et docile. Ainsi, la passivité sexuelle des homos asiatiques serait considérée comme une expression «évidente» de leur nature raciale. Cette castration symbolique a tendance à assigner l’Asiatique gay à un rôle sexuel exclusif suggérant une objectification et fétichisation sans limites.

Les homos occidentaux assimilant tous les Asiatiques à la catégorie «asian» du porno mainstream et ne jurant que par celle-ci ce sont même vu attribuer le titre honorifique de rice queen. Ces derniers, aux fantasmes hautement teintés d’exotisme, suggéreraient que les Asiats seraient toujours partant pour un bukkake, écarteraient les jambes sans broncher et feraient tout pour satisfaire l’homme blanc. Les rice queens ne s’intéressent généralement pas à la personnalité de leurs partenaires et ne se soucient pas de savoir s’ils sont japonais, chinois, coréens…. tant que l’homme est Asiat et a un smooth body.

Certains hommes asiatiques préfèrent fréquenter d’autres hommes asiatiques et ainsi expédier à leur tour les hommes blancs sur le banc de touche

Pour certains homos asiatiques qui ne se retrouvent pas dans les standards de beauté eurocentriques, le seul moyen d’appartenir à la communauté gay est d’accepter les avances d’une rice queen. Cependant, pour lutter contre cette injonction dénigrante, certains homos asiatiques se définissent comme sticky rice. Cette politique du riz gluant caractérise les hommes asiatiques qui préfèrent fréquenter d’autres hommes asiatiques et ainsi expédier à leur tour les hommes blancs sur le banc de touche.

Minorité modèle et invisible
Dans le monde occidental, la communauté asiatique a une image de minorité modèle et silencieuse qui lui colle à la peau. Réputés être des exemples d’intégration sociale, les récits des populations asiatiques ayant migré en France sont en réalité beaucoup plus disparates.

Ce mythe de la minorité exemplaire provient du petit et du grand écran qui ont véhiculé toutes sortes de clichés et préjugés sur la communauté asiatique. D’après les humoristes francais, les Asiatiques seraient discrets, introvertis, travailleurs et feraient profil bas. Le sketch de Gad Elmaleh et Kev Adams intitulé «les Chinois» est un parfait exemple de racisme ordinaire. Entre plaisanteries graveleuses et pratique de la yellow face (grimé en vieux sage), le sketch a suscité l’indignation.

Les trois agresseurs de Chaolin Zhang pensaient que les chinois étaient faibles, riches et se promenaient avec de l’argent liquide

Pourtant, le caractère raciste de ces dénigrements est rarement soulevé. C’est ce que démontre le meurtre du couturier d’origine chinoise Chaolin Zhang en 2016 à Aubervilliers. Ses trois agresseurs pensaient que les chinois étaient faibles, riches et se promenaient avec de l’argent liquide. Le procureur n’a toutefois pas retenu le mobile raciste de l’agression. A l’image des manifestations massives organisées à Paris par la communauté chinoise et grâce au Collectif Asiatique Décolonial, tou·te·s militent contre le racisme d’Etat et les oppressions qu’ils·elles subissent.

Aux Etats-Unis, la prestigieuse université Harvard est actuellement accusée de discrimination envers les étudiant·e·s d’origine asiatique. Le procès met en cause la politique d’admission de la célèbre université qui viserait à favoriser les étudiant·e·s blanc·he·s sur la base de critères dit «de personnalité». Ces dernier·ière·s correspondant davantage à la notion d’ambassadeur·rice·s et de leaders que se ferait l’université. Il est vrai que les représentant·e·s et modèles d’origines asiatiques se font rares dans l’univers médiatique américain.

Perception archaïque
C’était sans compter le succès cet été du film «Crazy Rich Asians» au casting presque exclusivement asiatique qui a révolutionné l’industrie hollywoodienne. Au menu, aucun spécialiste des arts martiaux ni de geisha ou de savant débile. C’est toute la perception archaïque du personnage asiatique qui a été dépoussiéré. En novembre, l’acteur principal du film, Henry Golding, est érigé en «homme de l’année» sur la couverture du magazine «GQ». Une première pour une star américaine d’origine asiatique.

En novembre également, «Out magazine» a publié sa traditionnelle liste des 100 personnes LGBTQ les plus influentes de l’année. Applaudi pour sa diversité, «Out» a mis un point d’honneur à célébrer celles et ceux qui sont les figures de proue de la communauté. Parmi eux, E.T. Chong, fondateur de Onegaishimasu, une soirée queer S&M mensuelle à Brooklyn à destination des américains d’origines asiatique et des îles du Pacifique. Onegaishimasu vise à créer un espace safe pour construire des ponts entre les différentes communautés tout en enlaçant et promouvant la beauté et l’héritage asiatique. Là est le défi de demain pour la communauté gay, abolir les standards de beauté occidentaux hétéronormés tout en s’amusant et en baisant sans préjugés.