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Toute une vie (ou presque) dans le secret

Le web s'émerveille sur le coming-out de Roman, à 95 ans. Mais l'histoire de cet Américain échappé du nazisme est aussi celle de son épouse, Ruth, qui a gardé le secret pendant plus de soixante ans.

Il n’y a pas d’âge pour vivre sa vérité. Cette leçon, on peut l’appliquer à Roman Blank. Cet Américain a témoigné de son coming-out, effectué l’an dernier à l’âge de 95 ans. «Je suis fier de moi», lance-t-il face au YouTuber vedette Davey Wavey. L’émouvante confession de cet homme marié à une femme, Ruth, pendant 67 ans, a touché plus de 160’000 internautes à ce jour. «J’ai dit [à ma famille] que dès ma naissance j’étais gay et que je l’ai été toute ma vie», raconte cet arrière grand-père, aujourd’hui à la recherche d’un compagnon. «Pour être très honnête, je n’ai pas besoin d’une connexion physique ou mentale particulière. Mais je veux avoir quelqu’un de proche quand je vais dormir. Juste pour être sûr d’avoir quelqu’un qui se soucie de moi.»

«La plus grosse erreur de ma vie»
Le magazine gay «Out» consacre un article qui jette une lumière plus nuancée sur cet étonnant coming-out. Car ce n’est pas tout à fait Roman qui a brisé le silence, mais son épouse. Elle partageait le secret de son mari depuis… 1953. «J’ai eu le cœur brisé toutes ces années», explique cette femme aujourd’hui âgée de 94 ans. Juifs polonais, Ruth et Roman s’étaient connus dans leur pays d’origine avant la guerre. Déplacés chacun de leur côté en Union soviétique, ils ont échappé à l’extermination, avant de se retrouver, après le conflit mondial, en Allemagne et de se marier en 1948. «La plus grosse erreur de ma vie», résume Roman. Car à l’époque, il était convaincu d’être homosexuel, mais il ne voyait aucun salut en dehors du mariage: «Je n’avais pas le choix: c’était une question de vie ou de mort. En tant qu’homosexuel, on était condamné à se suicider ou à vivre dans le placard.»

C’est une drôle de vie de couple qui a alors commencé pour les Blank, émigrés aux Etats-Unis. A Brooklyn, puis Los Angeles, ils ont été admirés comme un couple modèle à la tête d’un business florissant. «Quand on les voyait à des mariages ou des bar mitzvah, ils étaient comme Fred Astaire et Ginger Rogers», raconte une de leur deux filles, Lili. La réalité était toute autre: Ruth avait découvert que son mari fréquentait des hommes en secret, mais elle avait choisi de ne rien dire, même dans les années 1970, où Roman disparaissait des semaines entières. Ruth se taisait pour protéger ses enfants. Et de fait, les filles n’y ont vu que du feu.

Comme frère et soeur
Le secret a fini par peser trop lourd pour Ruth. Après 60 ans de mariage, elle a subi le contre-coup de ces années de silence. Et c’est finalement sur les conseils d’un psy qu’elle a choisi de briser le silence: «On a traversé nos vie du mieux que l’on a pu. On s’aime, mais pas sexuellement, un peu comme un frère et une sœur. Mais j’ai souffert énormément. J’étais une jeune femme alors, vous savez.»

«J’aime mon père d’autant plus aujourd’hui qu’il a décidé de ne pas emporter son secret dans la tombe. Et j’aime me parents qui ont été assez courageux pour parler et faire en sorte que l’on comprenne mieux leur vie», explique Lili. Pour elle, «la vérité les a libérés tous les deux.»