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Le placard glacé du patinage artistique

C'est un secret de polichinelle: la discipline attire de nombreux gays. Mais elle décourage aussi activement le coming-out, et pas seulement à Sotchi.

Il y a un problème avec le patinage artistique. Comment se fait-il qu’aucun des athlètes masculins présents à Sotchi ne soit ouvertement gay? Parmi toutes les disciplines olympiques, le patinage a pourtant la réputation d’être un fief homo. En 2006, un ex-patineur avait affirmé à «The Advocate» que 7 des 14 médaillés des 20 années précédentes étaient gays. D’autres estimations avancent le chiffre de 25 à 50% des patineurs. Et les coming-out ne manquent pas, du Britannique John Curry, médaillé d’or en 1976 à Johnny Weir, en passant par Matthew Hall, Brian Boitano ou Brian Orser.

Sauf que la réputation «gay» du patinage masculin est trompeuse, note Abigail Jones dans un article fouillé de l’International Business Times. Quasiment toutes les sorties du placard se sont faites après la fin de la carrière des sportifs concernés. A ce jour, seul un patineur, l’Américain Rudy Galindo, a osé évoquer son homosexualité publiquement alors qu’il était encore en lice pour les JO.

Gay très straight
Secret de polichinelle, l’homosexualité demeure sous une chape de plomb dans le patinage artistique masculin. William Bridel, ex-patineur canadien devenu professeur, avait fait son coming-out auprès de son entraîneur quand il avait 17 ans. «La première chose qu’il m’avait dite, c’était: C’est bon, je savais déjà. En ajoutant aussitôt: Mais c’est OK parce que tu es un gay très straight. C’est vraiment ironique: c’est sans doute le plus gay des sports, et pourtant c’est l’un des plus homophobes.»

A la rigueur, on peut montrer – à condition de ne rien dire. Comme l’Américain Johnny Weir, immortalisé une couronne de roses rouges sur la tête, serrant dans ses bras un coussin en forme de coeur, tandis qu’il attendait les notes des juges.

Dans le moule
Manifestement, ce n’est pas l’idéal que prônent les fédération sportives, qui rêvent de glisser leurs poulains dans le moule de l’athlète «typiquement masculin, le sauteur puissant – gracieux sans être féminin», comme le décrit un ancien patineur. Faute de l’avoir trouvé, les dirigeants du sport se retrouvent «soit avec le patineur de sport , autrement dit straight, comme Max Aaron et Elvis Stojko, pas très artistiques, soit avec l’artiste, comme Johnny Weir. Et immédiatement vous pensez: homosexuel», résume Jennifer Kirk, ancienne patineuse, auteure du blog de référence The Skating Lesson.

Cette friction entre qualités sportives «masculines» et artistiques «efféminées» vire à la crise d’identité avec le fléchissement de l’intérêt public pour la discipline, remarqué depuis la fin des années 1990 après deux décennies plutôt fastes. Les fédérations ont renforcé leur préférence pour le force et la puissance, au détriment du volet artistique. A Vancouver, en 2010, Weir est jugé trop «flamboyant» (un autre mot pour «gay») et finit à une décevante 6e place.

Ken sort avec Ken
Pas sûr que les patineurs – et patineuses – s’y retrouvent. «Nous devons être Ken et Barbie , mais la réalité est que Ken sort avec Ken et que Barbie en a assez de devoir faire la Barbie», soupire Jennifer Kirk. En attendant, un esprit conservateur règne sans partage sur la discipline. En Amérique du Nord, elle commence dans les patinoires locales, où les clubs passent tout au crible, musique, attitude et tenue. Tout est fait pour ne pas froisser les juges. «Il n’existe aucun autre sport où le juge détient autant de pouvoir en dehors de l’arène, remarque la journaliste Lindsey Green. Les relations avec les athlètes et les entraîneurs peuvent affecter le résultat global de la compétition. Ils évaluent les costumes, la vie personnelle, la coupe de cheveux, le maquillage, la musique… L’impartialité devient de plus en plus difficile.»

Pour Doug Mattis, ancien champion junior, le pouvoir du juge n’est pas forcément pour grand-chose dans la chape de plomb qui repose sur les patinoires: il y a des personnes gay sur la glace et dans le jury. Il se souvient que, durant sa formation, responsables et coaches faisaient passer le message suivant aux jeunes talents: revendiquer son homosexualité n’était pas bon pour l’aura de la discipline. Et ils évoquaient, en passant, la réaction négative des sponsors: «En tant qu’homme gay, est-ce que Speed Stick (ndlr: une marque de déodorant) me voudra dans ses pubs? Si on veut augmenter sa valeur marchande, on avait intérêt à rouler des mécaniques», conclut-il.

» Adapté d’un article de IBT Media dans l’«Irish Examiner».

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