Affaire d’homophobie trop vite classée: Juges genevois désavoués
Le Tribunal fédéral a renvoyé sa copie au Ministère public cantonal, qui avait balayé la plainte d'un serveur gay pour harcèlement et menaces de la part de collègues.
Embauché fin juin 2018 dans un restaurant de Genève, A. raconte y avoir été rapidement retrouvé mis à l’écart en raison de son homosexualité, subissant à plusieurs reprises des moqueries sur ses «manières efféminées». Le serveur s’était entendu traiter de «pédé» ou de «folle» par ses collègues, qui multipliaient les blagues douteuses. Un jour, le chef de cuisine avait même menacé de «lui buter la gueule». A. avait rendu son tablier à la mi-août, deux semaines avant la fin de son contrat, et porté plainte.
En vain: le Ministère public du canton de Genève n’avait pas daigné l’entendre, classant l’affaire. Il s’était contenté de constater la divergence entre les versions du plaignant et celles de quatre de ses ex-collègues. Ces derniers parlaient de «plaisanteries» et, en ce qui concerne la menace, d’un propos proféré sous le coup du stress, pendant le service. En mai dernier, la Chambre pénale de recours avait confirmé la décision de non-entrée en matière, qualifiant les faits de «bénins».
«Bénins», vraiment? Ce n’est pas l’avis du Tribunal fédéral (TF), qui a renvoyé le cas de d’A. devant la justice genevoise, nous apprend un arrêt rendu le 31 octobre et publié hier. La plus haute instance suisse a rappelé la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui oblige les autorités à examiner s’il existe un «mobile raciste, des sentiments de haine ou des préjugés ethniques». L’orientation sexuelle fait explicitement partie des motifs graves à prendre en compte.
En pleine actualité
Cet arrêt tombe à pic, alors que débute la campagne sur l’extension de la norme pénale antiraciste aux discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, une adaptation réclamée depuis des années par les organisations LGBT suisses et finalement adoptée par les Chambres fédérales, en décembre 2018. Attaquée par la droite ultraconservatrice, qui dénonce une atteinte à la liberté d’expression, cette modification du Code pénal sera soumise au Peuple lors des votations du 9 février.
Dans la «Tribune de Genève», l’avocat d’A. se félicite de l’arrêt du TF. Me Olivier Peter confie avoir été «scandalisé» par la non-entrée en matière du Ministère public genevois. C’était «comme si le mobile homophobe avait été considéré comme une circonstance atténuante, permettant de justifier les injures et les menaces!»
Bravo pour la ténacité de M. A.! Très courageux! Incroyable que ça se passe à Genève, le gérant doit être vraiment nul et il ne faut pas dédouaner sa responsabilité en tenant le nom du restaurant sous silence, il faut que (au moins) notre communauté évite cet endroit! Quel est ce restaurant?