Lausanne

Bordello Foam

mer 31 juillet, 22:00
Lausanne

Drag Race France Live

sam 2 novembre, 18:30
Lausanne

Dragx Fest vol.2

jeu 1 août, 14:00
Genève
#mixité choisie

Sapphic Silent Party

sam 27 juillet, 18:00

Les trans aux abois, les caisses passent

Une opération de changement de sexe est déjà en soi un parcours du combattant. Mais lorsque le droit à vivre sa nature est battu en brèche par des tracasseries administratives et des impératifs économiques, les démons de l’iniquité et de la discrimination refont surface.

«Ah! si j’avais pu être génétiquement modifié…» C’est par ce trait d’esprit qu’Eric, séduisant gaillard, la trentaine, transsexuel (femme devenue homme), exprime sa lassitude mâtinée de colère quand il évoque les méandres administratifs auxquels il a été confronté.
«Il y a quelques années, j’ai suivi une première psychothérapie. Il était clair pour moi que j’étais un homme prisonnier dans le corps d’une femme et que j’en souffrais. Pour des raisons qui me sont propres, j’ai interrompu ce traitement. Comme à cette époque, ma décision de changer de sexe était clairement arrêtée, j’ai voulu une couverture privée pour bénéficier d’un traitement dans une clinique. J’ai signé la police d’assurance et me suis scrupuleusement acquitté du payement de mes primes mensuelles. Par la suite, j’ai entrepris une seconde psychothérapie avec une praticienne genevoise spécialiste de la question transgenre.» Il faut savoir que le diagnostic et le feu vert d’un psychiatre sont nécessaires avant toute opération de changement de sexe. «La date de l’intervention chirurgicale était fixée, poursuit Eric, mais peu avant, j’ai reçu un courrier de mon assurance complémentaire annulant toute prestation sous prétexte que je ne n’avais jamais mentionné avoir suivi une psychothérapie. Au moment de con-tracter cette assurance, le formulaire avait uniquement demandé si j’en suivais une actuellement.» Eu égard à l’émotion extrême qui précède une telle opération – le plus fort taux de suicide chez les trans correspond à cette période – Eric a préféré jeter l’éponge avant même d’entreprendre un combat contre cette décision de dernière minute. Il a emprunté à un tiers la somme nécessaire au payement des frais (env. CHF 45’000.–) de cette première intervention. Notons que le changement de sexe dans le sens femme vers homme se pratique en plusieurs étapes, nécessite une chirurgie très lourde, et par conséquent demeure plus coûteux (entre CHF 70’000.– et 100’000.–) qu’un changement dans l’autre sens (entre CHF 40’000.– et 60’000.–). L’histoire d’Eric est l’illustration d’une situation que rencontrent beaucoup de trans aujourd’hui en Suisse. A savoir une forme d’exclusion par les caisses complémentaires qui refusent de prendre en charge – et donc de rembourser – ce type de patients.

Les trans passent à la caisse (maladie)
Comment expliquer ce refus? Dans le cas d’Eric, une compagnie d’assurance a pris le prétexte d’une psychothérapie pour exclure un transsexuel. Toutefois, suivant la logique dominante qui vise à exclure les assurés «coûteux» au profit des assurés «rentables», les complémentaires sont de plus en plus nombreuses à refuser, dans leurs clauses contractuelles, les personnes transsexuelles. En matière d’assurances complémentaires, c’est la loi de l’offre et de la demande: aucune réglementation étatique ne supervise ces contrats, contrairement à l’assurance de base. Nous avons pris contact avec quelques caisses maladie de différents gabarits (Chrétienne Sociale Suisse/CSS, Visana, Concordia, Supra), toutes moins disertes les unes que les autres sur un tel sujet. Les réponses furent systématiquement les mêmes: «Selon nos conditions, les personnes transsexuelles n’ont pas accès à nos assurances complémentaires.» Et pourquoi? «Parce que cela coûte trop cher», nous répond par exemple la CSS avare de tout autre commentaire. En revanche, un tout autre son de cloche nous parvient du Groupe Mutuel: «Les assurances complémentaires (privé et semi-privé) de nos treize caisses maladie sont ouvertes aux transsexuel-le-s.» Sandra Mansi, coordinatrice du groupe Trans de l’association 360 ne semble guère étonnée: «Oui, certaines sont encore ouvertes. Le phénomène d’exclusion directe est récent et il est dur de définir sa proportion au niveau national, vu le nombre de caisses. Mais, depuis 2 ans, il va croissant. En outre, les assurés potentiels doivent répondre à un questionnaire médical détaillé avant la conclusion d’une complémentaire. Pour exclure les trans, certaines caisses prennent comme prétexte le traitement psychiatrique qui est obligatoire et les risques qu’il impliquerait. Ou un autre prétexte en fonction des réponses au questionnaire.»

Pénurie de spécialistes
Si les raisons du refus sont claires, pourquoi les trans désirent-ils tant une complémentaire? Auraient-ils des goûts thérapeutiques de luxe, qui les poussent vers les services coûteux d’établissements privés? Répondons dès à présent par la négative. En effet, une circonstance insidieuse les pousse à solliciter un tel traitement. Retour dans le temps: Il a fallu le courage d’Anne-Daphné Henry, gradé de l’armée devenu femme et précurseur des revendications trans, pour que les autorités suisses se penchent sur la question du remboursement des opérations de changement de sexe. En 1994, le Tribunal fédéral la reconnaissait comme une «malade» ayant droit à un remboursement des soins par l’assurance de base obligatoire. En 2000, Anne-Daphné est décédée quinquagénaire, mais le jugement de sa cause fait toujours jurisprudence. En somme, un-e patient-e trans est pris-e en charge par la base à condition que l’entier des soins soit dispensé dans un hôpital public. Dans une clinique, la base ne rembourse que ce que coûterait l’opération dans le public (env. CHF 6’000.– pour Eric). Mais là où le bât blesse, c’est qu’en Suisse, terre réputée pour l’excellence de son infrastructure médicale, il n’y a qu’un seul chirurgien (hôpital de Zurich) apte à opérer ces sujets si spécifiques. Et encore: si parmi les trans on reconnaît que ce praticien est «doué» pour l’opération d’un homme devenant une femme, en revanche dans le cas inverse, sa réputation est pour le moins mitigée. Une partie des trans se retrouvant sur le carreau, l’unique alternative pour se faire opérer sur sol helvétique est de recourir aux bons soins du Dr Paul Daverio (lire sur 360.ch notre interview tiré du 360° n°10). Les prestations de ce chirurgien, reconnu internationalement, ne sont pas remboursées par la base, puisqu’il officie en clinique. La pénurie de spécialistes s’explique par la complexité du domaine et par le mépris des chirurgiens pour les opérations de changement de sexe. En somme, il vaut mieux être riche, et accessoirement vouloir devenir une femme, sous peine de se retrouver méchamment largué.

Transbahuté(e)s
Dans cette situation, les personnes vivant la problématique trans s’inquiètent, à l’instar de Jean-Claude, un Fribourgeois qui, arrivé à la soixantaine, entreprend tout juste son parcours (du combattant) avec le soutien de sa femme. «J’ai trop longtemps dû renier ma nature profonde, dit-il, entre autres à cause d’un psy qui semblait horrifié par mon cas. Toute ma vie, j’ai payé une complémentaire en semi-privé. Accuserai-je une fin de non-recevoir au moment où j’aurai vraiment besoin de mon assurance?» Vanessa, née garçon, du haut de ses vingt ans fait aussi entendre son mécontentement: «Mon assurance vient de m’annoncer qu’elle ne pouvait prendre ma demande en considération, car j’ai moins de 25 ans et qu’avant cet âge, soi-disant, ma nature transsexuelle ne peut être avérée. Donc pas de remboursement. Je suis obligée d’attendre cinq ans bien que mon parcours psychiatrique soit là pour attester de ma nature véritable.»
Gilda, transsexuelle italo-suisse a, quant à elle, choisi de se faire opérer «au noir», suivant son expression. En 1989 – elle avait 22 ans – son opération eut lieu à Londres. Il lui en a coûté CHF 15’000.–, une somme astronomique à l’époque pour une personne si jeune sans véritables ressources financières. «A mon retour en Suisse, on m’a laissé choir car j’avais contourné le système. Ce n’est qu’aujourd’hui que je peux envisager “des retouches” (ndlr. La techique de la vaginoplastie a passablement évolué en 20 ans) qui me coûteraient CHF 7’500.– à Lausanne. Mais n’ayant qu’une rente AI pour vivre, je devrai me contenter du cantonal de Zurich où il y a une liste d’attente.» Bon nombre de transsexuelles, comme Charlotte qui ne veut pas voir de psy, souhaitent prendre l’avion pour le Brésil où les chirurgiens ne leur demandent rien, juste de l’argent. Fait notable, les destinations les plus courues actuellement sont la Thaïlande (pour les transsexuelles, forfait voyage, opération, convalescence d’un mois et les soins annexes pour env. CHF 25’000.–) et les villes de Gand et de Bruges, en Belgique (pour les transsexuels, coût de l’opération env. CHF 50’000.–). Le plat pays dispose en la personne du
Pr Stan Monstrey d’un spécialiste hors-pair qui a développé la technique du Dr Daverio (notamment une phalloplastie comprenant un gland, une possibilité qui n’est pas offerte à Lausannne). A l’étranger, bien sûr, les trans payent de leur poche. «Toutes les complémentaires que j’ai demandé m’ont été refusées. De guerre lasse, je suis partie en Thaïlande, il y a une année, où la technique est bien meilleure qu’en Suisse, nous raconte Anny. Aujourd’hui opérée et en excellente santé, on me refuse encore les complémentaires. De plus, en tant qu’indépendante, j’ai cherché à contracter une assurance perte de gain en cas de maladie. Du fait de mon changement de sexe, cela m’est sans cesse refusé.» Les circonstances et le système suisse favorisent un tourisme médical transsexuel. Une conséquence du manque de visibilité et d’une action politique structurée que les trans devraient générer eux-mêmes. Faute de quoi, ils ne feront guère le poids dans un système médical perverti par la course au profit, orchestrée par les assurances, entre autres, et toujours cautionnée par l’Etat.

Lien web: www.360.ch/espace/trans
www.dysphorie.ch

Glossaire trans

Phalloplastie: Construction d’un pseudo-pénis à partir des chairs de l’avant bras et toute la chirurgie qui s’ensuit: suture du vagin, urètre fabriqué avec les petites lèvres, grandes lèvres transformées en bourses.

Genre: 1) Ce qui est typique du féminin ou du masculin. 2) Sentiment d’avoir une identité féminine ou masculine

Transgenre: 1) Personne qui transgresse les normes dominantes du genre. 2) Problèmes autour de l’identité de genre.

Transsexualisme: 1) Terme générique qui englobe les divers aspects du changement de sexe. 2) Intime conviction d’appartenir au sexe opposé.

Vaginoplastie: Construction chirurgicale d’un pseudo-vagin. Le gland est coupé et sert à fabriquer un clitoris. Le pénis est vidé et retourné à l’intérieur pour créer les parois du vagin. Les lèvres sont créées avec le scrotum (les bourses).