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Voyage en terre inconnue chez Swiss Gay Fetish

Voyage en terre inconnue chez Swiss Gay Fetish
Photo: Swiss Gay Fetish

Fondé il y a quatre ans, Swiss Gay Fetish organise de discrètes soirées à thème quelque part dans le canton de Fribourg, selon une recette assez unique. Avec un brin d’appréhension, on s’est invité au sein de cette communauté à la réputation sulfureuse, mais où l'on trouve finalement beaucoup de bienveillance et de convivialité.

Au premier contact avec l’association, je doute de recevoir une réponse. J’ai mes préjugés d’un monde fetish assez fermé, repaire d’initiés privilégiant la discrétion. J’ai aussi la peur d’être jugé après 20 ans d’une sexualité assez vanille et d’y trouver une bande de mecs très à l’aise avec leurs kinks. Pour se rendre à une soirée Swiss Gay Fetish (SGF) dans la région fribourgeoise, c’est aussi une quasi-mission: dépôt de candidatures et entretien téléphonique pour les novices, instructions mystérieuses par email… le grand frisson pour un trouillard comme moi.

Pourtant,une semaine avant la soirée, mon premier entretien de près d’une heure avec Sébastien, président de l’association, donne une tonalité moins intimidante. Très à l’aise pour parler de son projet, il a construit avec quelques proches une scène qui n’existe nulle part ailleurs, à rebours des lieux de cruising anonymes et commerciaux. Et avec un esprit délibérément associatif: «Le filtre de départ garantit la bonne fréquentation», me raconte-t-il lors de cet échange.

Comme un habitué

Rassuré mais pas téméraire, les 150 kilomètres de trajet s’accompagnent de quelques questions existentielles sur ce projet d’article. J’arrive enfin sur un parking sombre. Entrée dérobée. Je sonne, je patiente. Bruits de clé. 110 pulsations par minute. La porte s’ouvre. Je suis accueilli par Sébastien qui me fait visiter le local et ses aménagements. On me salue comme un habitué. Deux puppies sont installés sagement sur une banquette et le dress code est respecté à la lettre. On me demande si j’étais dernièrement «à la Darklands», évènement fetish majeur européen qui a lieu en Belgique. Je n’en ai jamais entendu parler, et pourtant les conversations se nouent de manière fluide. Petit à petit, je me détends: je ne suis pas le seul petit nouveau de la soirée, où se côtoient des participants de tout âge, de tout physique et de tout milieu social.

J’imaginais inconsciemment un lieu de cruising dans lequel le sexe est omniprésent. L’association privilégie d’abord un espace intergénérationnel de convivialité et d’échanges où chacun peut être lui-même. Des espaces d’amusement existent mais ils sont au deuxième plan. Deux garçons à mes côtés ont plaisir à se retrouver depuis leur dernière soirée ici. Ils habitent pourtant à plusieurs centaines de kilomètres l’un de l’autre. L’association réunit des membres venus de toute la Suisse, d’Allemagne, de France, d’Autriche… Certains sont des inconditionnels de la première heure et ne fréquentent pas d’autres lieux communautaires, souvent jugés trop conformistes. «L’avantage que n’ont pas d’autres associations est de disposer de notre propre local. Ceci nous permet, grâce aux cotisations et recettes du bar, de poursuivre les aménagements et d’offrir des long drinks à 6 francs», explique Sébastien. Le projet a démarré avec presque rien, après la fermeture du Rage, mythique club fetish de Zurich, en 2020. Les motards, amateurs de vêtements de chantier, de tenues militaires, de sportswear et de sneakers sont d’abord venus à quatre ou cinq, jusqu’à la rencontre d’un public plus nombreux et fidèle. En 2023, les participants ont été plus de 450.

L’anti-Grindr

J’ai effectivement trouvé chez Swiss Gay Fetish une ambiance kinky, mais j’ai dû déposer mes préjugés au vestiaire pour passer une soirée presque «comme à la maison». Un anti-Grindr où on laisse son téléphone au bar et où l’on se connecte IRL. Un lieu qui bannit toute consommation de substance et qui accueille avec la même bienveillance fétichistes aguerris ou premiers explorateurs. Des rires, du respect, du consentement, de la diversité… une recette dont beaucoup d’autres lieux LGBT+ feraient bien de s’inspirer!

Prochains événements de SGF: Full Fetish au Bunker (Pink Beach) de Lausanne le 23 mars, puis le 6 avril au local de l’association, pour une Workers Party. Plus d’infos sur swissgayfetish.com