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Plongée en Orgie

Plongée en Orgie
Illustration: Elisa Siro

L’été rime souvent avec plage, cruising, sexe, scuba diving… Il peut aussi être la saison pour découvrir un pays peu connu et peuplé uniquement de femmes queer et de personnes ayant une vulve: l’Orgie. Rencontre avec deux organisatrices et une participante.

En compagnie de Romaine, Elisa et Juliette, je vous propose une plongée au cœur de ce pays. Au programme: caresses, intimité, lâcher prise et beaucoup de plaisir. 

Romaine, tu es une des deux personnes à l’initiative des orgies Zwischenwelten organisées depuis 2019 à Zurich. Et toi Elisa, tu es l’instigatrice d’orgies privées en Romandie depuis l’automne dernier. D’où vous est venue cette idée d’organiser des orgies entre femmes/personnes ayant une vulve?
[Romaine] J’animais des ateliers de massages érotiques et d’introduction au BDSM avec Sidonia dans un cadre mixte. On s’est dit qu’on aimerait créer un espace cosy non mixte pour les femmes et les autres personnes ayant une vulve. Sidonia et moi avons testé cette idée lors d’un événement Zwischenwelten et le succès rencontré nous a convaincues de nous lancer et de rechercher des lieux susceptibles d’accueillir des orgies deux à trois fois par an.
[Elisa] J’avais envie de sortir de ma zone de confort pour travailler sur la perception de moi-même et de la sexualité. C’est dans cette optique que j’ai eu des sexfriends. J’ai trouvé les orgies de Zwischenwelten après une longue recherche, et ce format de rencontres m’a immédiatement plu. J’avais envie de proposer le même concept à des personnes de confiance pour pouvoir maintenir le lien et explorer certaines pratiques sexuelles. C’est ainsi que j’ai commencé à organiser des orgies dans mon appartement.
 
Pouvez-vous nous expliquer le déroulement d’une orgie?
[Romaine] Le consentement est la pierre angulaire de nos orgies. Une bonne partie de la journée consiste à apprendre, au gré de jeux verbaux et non verbaux, à oser dire oui et à savoir dire non. On enseigne également comment utiliser les moyens de protection vis-à-vis des infections sexuellement transmissibles. Les personnes peuvent ensuite se répartir dans les différents espaces: celui pour les relations sexuelles, celui dédié aux câlins ou celui permettant d’être seul·e·x. Il n’y a aucune obligation d’avoir des relations sexuelles et nous restons à disposition en tant qu’organisatrices pour prendre soin des personnes et distribuer des moyens de protection.
[Elisa] J’ai repris en grande partie le déroulement et la répartition des espaces de Zwischenwelten. Une des différences dans mes orgies est que toutes les personnes font connaissance lors d’un apéro et que nous sommes moins nombreuses (environ dix au lieu de vingt). L’approche n’est pas tout à fait la même non plus: les personnes peuvent améliorer certains exercices, c’est davantage une co-construction et, une fois la préparation terminée, je cesse d’être l’organisatrice pour me joindre aux autres. Lors de la première orgie, les exercices de mise en confiance ont nécessité beaucoup de temps. Maintenant que chaque participant·e·x les maîtrise, il y a davantage de place pour la partie plus sexuelle.
 
Juliette, tu as participé à une des orgies privées d’Elisa, peux-tu nous dire ce qui t’a motivée?
La proposition venait d’Elisa, qui est une personne avec qui je partage une intimité. J’étais hésitante car je ne partage normalement pas mon intimité avec plusieurs personnes à la fois. Comme Elisa est très sensible aux questions de consentement et de respect qui sont très importantes pour moi, je savais que le cadre me conviendrait. Je ne l’aurais pas fait autrement.
 
Comment as-tu vécu ta première orgie?
C’était la première fois pour nombre de personnes. On a commencé par 4-5 heures de discussion sur la terrasse, puis on a commencé les exercices autour du consentement. Chacune d’entre nous avait envie de bien faire et de faire attention aux autres, ce qui m’a mise à l’aise. Il était important que ces exercices de mise en confiance prennent du temps et qu’il soit possible d’être seul·e·x par moment. Apprendre à dire non m’a ouvert les yeux. Je trouve que c’est quelque chose que l’on a beaucoup de mal à faire et à recevoir en tant que personne ayant une vulve, alors que c’est un apprentissage fondamental. J’ai appris des choses sur moi. J’ai désormais davantage confiance en mon corps et ai plus conscience de la diversité des autres corps, notamment des autres vulves. Je garde de cette première expérience un très beau souvenir.

Est-ce qu’il y a une dimension politique et féministe dans vos orgies?
[Elisa] Je ne l’aurais pas spontanément exprimé dans ces termes, mais il était très clair pour moi que j’avais envie d’expérimenter des sexualités en dehors du modèle dominant des pornos habituels.
[Romaine] Pareil, je ne l’aurais pas dit avec ces mots mais il était évident pour nous que nous voulions créer un espace permettant une ouverture sur les corps des un·e·x·s et des autre·x·s.
 
Elisa, tu m’as dit que certaines personnes de tes orgies avaient gardé contact entre elles. Le sexe crée-t-il des liens?
Définitivement. Nous avons gardé de belles relations entre les personnes de ce groupe. Ce qui nous rassemble, c’est ce socle de valeurs communes. On a créé un réseau fait de bienveillance.
 
Juliette, conseillerais-tu une plongée en Orgie à une personne qui serait hésitante?
Je recommanderais complètement à d’autres personnes de tenter l’expérience si le cadre est safe, préférablement avec une personne de confiance. J’ajouterais qu’il est fondamental que la personne qui met en place une orgie privée ait pu assister à une orgie professionnelle afin de bien assimiler les exercices consacrés au consentement.
 

Plus d’infos:
Orgies professionnelles à Zurich (en allemand ou en anglais): www.zwischenwelten.ch. Le prix des orgies correspond à la location du lieu et à la rémunération des personnes indépendantes qui les organisent. Prix réduit sur demande.
Guide du safer sex entre femmes: www.klamydias.ch

Femmes* à la conquête des buissons berlinois

Berlin, mai 2020. Les bars, cafés, clubs et autres lieux-phares de la communauté queer de la capitale arc-en-ciel de l’Europe sont fermés depuis des semaines. Alors que la courbe des nouveaux cas de coronavirus plonge vers le bas et que les températures montent en flèche, la ville sort peu à peu de son état de sidération et la vie festive reprend ses droits en se réinventant. Le parc Hasenheide, à Neukölln, devient le nouveau Berghain. Les Berlinois·e·s font désormais la fête en plein air, au lieu de s’enfermer dans la célébrissime cathédrale de béton qui abritait il y a peu encore les fêtes les plus excitantes de la ville. La communauté queer lance peu à peu ses propres événements dans les parcs, les forêts et les zones industrielles de Berlin.
 
Et c’est là qu’un petit miracle se produit: un groupe baptisé «FLINT* Hasenheide Cruising» fait son apparition sur Telegram. Il permet aux femmes, lesbiennes, personnes inter, non-binaires et/ou trans* de se retrouver chaque mardi soir dans ce parc berlinois pour cruiser à l’ancienne. Mardi soir, parce que c’est normalement ce soir de la semaine que la communauté lesbienne et FLINT* berlinoise se retrouve au légendaire bar gay Möbel Olfe, à Kreuzberg. En quelques jours à peine, le groupe compte plus de 400 intéressé·e·x·s! S’ensuivent de passionnés – et passionnants – échanges sur le déroulement de ces rencontres, avant que celles-ci n’aient lieu. À partir de quelle heure et où exactement se retrouver? Seul·e·x·s ou en groupe? En mouvement ou façon pique-nique sur une des prairies du parc? Et comment se reconnaître les un·e·x·s les autres? Et signaler ses préférences sexuelles? En adoptant le hanky code, les fameux bandanas colorés de la communauté gay américaine? Et quid des règles de distance sociale imposées par la pandémie? Et de la sécurité des personnes qui décideront d’aller faire des galipettes dans les buissons?

Les premiers rendez-vous auront finalement lieu en juin et s’étendront sur tout l’été, en dépit de la réouverture du Möbel Olfe. Les soirées ressembleront à des pique-niques géants, sans nourriture mais bien arrosés, dont les participant·e·x·s seront parfois dispersé·e·x·s par la police, pandémie oblige. L’ambiance bon enfant qui règnera dans ces rencontres informelles mais tout compte fait assez codifiées, ceci afin de créer un safe space pour la communauté FLINT*, n’empêchera toutefois pas certain·e·x·s participant·e·x·s de perdre le nord… Cet été-là, peut-être pour la première fois de toute l’histoire de Berlin, la communauté gay n’aura pas été la seule à s’acoquiner furtivement dans les buissons de la Hasenheide. Annabelle Georgen