Saunas et backrooms se déconfinent avec prudence
Les rencontres sexuelles seront de nouveau possibles dès demain dans une trentaine de clubs gay à travers la Suisse. Un concept de sécurité a été mis en place.
Dès ce samedi 6 juin, la vapeur est de retour dans les saunas et spas suisses. Le même jour, dans la foulée de la reprise des services érotiques à travers le pays, ce sera aussi le cas dans les étuves vouées aux rencontres sexuelles. Les amateur·e·s, gay, bi ou hétéro, retrouveront ainsi leurs backrooms, labyrinthes et glory holes favoris après douze longues semaines d’abstinence (relative).
Cependant, tout ne va pas reprendre comme avant. Le groupement des établissements gay Vegas vient d’édicter ses concepts de protection, en étroite collaboration avec les autorités sanitaires. Outre les mesures désormais habituelles (employé·e·s protégé·e·s, limitation du nombre de client·e·s, gel hydroalcoolique à disposition, etc.), les établissements seront tenus de demander aux client·e·s de laisser leurs coordonnées à l’accueil. Celles-ci seront chaque jour mises sous scellés, avec pour but de permettre d’alerter discrètement les client·e·s ayant fréquenté l’établissement au même moment qu’une personne testée positive au coronavirus dans les jours qui suivent.
Responsabilité individuelle
Condition supplémentaire: la distance sociale de 2m s’appliquera, ou à défaut la réduction de la présence à 15 minutes, par autocontrôle. Une mesure quelque peu théorique, dans le cas des saunas et sex-clubs, non? «Cela laisse à la responsabilité individuelle les enjeux de contact physique entre les individus. Finalement, comme pour le VIH et les autres IST», estime Florent Jouinot, de l’Aide suisse contre le sida.
On l’imagine, cette réouverture pionnière – d’autres pays ayant entamé un déconfinement précoce comme l’Autriche, le Danemark ou l’Allemagne ne l’ont pas encore autorisée – est un soulagement pour les établissements fragilisés par près de trois mois d’inactivité. À Lausanne, le Trafick est passé tout près de la fermeture définitive, un crève-cœur pour ses gérants après six ans de travail acharné. «Quand on a appris, le 13 mars, qu’on devait fermer le jour-même, on s’est effondrés, se rappelle Laurent. Et puis on a trouvé des arrangements avec notre propriétaire, des client·e·s ont monté une cagnotte et d’autres, qui ont des compétences pour les travaux, nous ont donné un coup de main.»
Soutien des habitué·e·s
Ainsi, grâce au soutien de ses habitué·e·s, le sex-club de l’avenue Tivoli s’apprête à rouvrir samedi totalement transformé… même si le chantier n’est pas tout à fait terminé. En fait, le redémarrage a pris de court Laurent et Fred, qui ne l’espéraient pas avant la deuxième quinzaine de juillet. Laurent garde toutefois un peu d’appréhension pour la réouverture, notamment face aux exigences parfois contradictoires des autorités sanitaires et de la police du commerce. «C’est vraiment pas le moment pour recevoir une amende; mais on fait tout notre possible pour être au clair.»
À 24 heures de la réouverture, c’est aussi l’effervescence aux Bains de l’Est. «On est à fond», souffle John. Le sauna genevois est également en plein travaux et vient de se faire livrer le matériel qui signalera les attitudes à suivre dans l’établissement, du jacuzzi au hammam en passant par le fumoir. Il a fallu aussi réaménager le bar et changer la manière d’attribuer les casiers dans les vestiaires.
Intérêt général
«Maintenant, on espère juste que les gens seront là, qu’ils ne seront pas arrêtés par des problèmes de confidentialité», résume John. Donner son nom et son numéro de téléphone à l’entrée d’un sauna n’est peut-être pas évident pour chacun·e, mais «il faut que l’on comprenne que c’est dans l’intérêt de tout le monde.» Quant à l’envie des habitué·e·s de revenir aux Bains, il ne se fait guère de souci: «Quand on voit ce qui se passe sur Grindr, sur les aires d’autoroute ou ailleurs, on se rend bien compte que le coronavirus n’a pas empêché les mecs de se faire des plans…»