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Gare au tigre!

Gare au tigre!
©Mj Mont-Reynaud

L’activiste sex-positif italien Diego Tigrotto faisait partie cette année du jury du Porn Film Festival de Berlin. Impossible de le rater parmi la foule bigarrée du festival, avec son éternel costume de tigre. Rencontre.

À le voir déambuler comme ça, avec sa dégaine de grande peluche, sa combinaison de fourrure synthétique zippée à l’avant, longue queue rayée à l’arrière et capuche sur laquelle pointent deux petites oreilles rondes de tigre, on croirait avoir affaire à quelque échappé de festival électro. Ce n’est pas si faux : «La première fois que j’ai porté ce déguisement de tigre, c’était quand je suis allé au Burning Man en 2014. De retour à Rome, j’ai eu envie de poursuivre sur cette voie d’expression radicale de soi», explique Diego Tigrotto – «bébé tigre» en italien. «Le tigre symbolise ce qui est sauvage, mais le bébé tigre n’est pas dangereux, il ne veut qu’une chose: jouer», précise l’activiste italien de 41 ans.

Depuis quatre ans, pas un jour ne passe sans qu’il ne revête sa combinaison de tigre, de girafe, de licorne ou autre créature fantastique… Il possède plus d’une trentaine de costumes d’animaux. Et jusqu’à présent, n’a recueilli que des réactions positives sur son passage : «Mon déguisement est là pour me rappeler de ne pas être trop sérieux, et m’aide aussi à ne pas me cacher, moi qui suis en réalité timide.»

Sexe consenti sur scénario non consensuel
Membre du jury du Porn Film Festival de Berlin cette année, il était également venu présenter son deuxième court-métrage, «Ki è my papino ?», qui a pour thème le «non consensual consent». En montrant une scène de sexe consenti basée sur un scénario non consensuel, il se joue des attentes et des limites du spectateur en filmant une jeune femme déguisée en petite fille à la merci d’un père incestueux… jusqu’à une chute aussi drôle qu’inattendue.

L’an dernier, il était également présent au festival avec le court- métrage «A Spanking Ode», tourné en slowmotion avec un iPhone et à grand renfort de musique baroque et de pigments de couleur. «J’aime explorer toutes sortes de fantasmes. Ce qui est beau dans les fantasmes, c’est qu’il y en a tant. À l’avenir j’aimerais donner la possibilité aux gens qui ont des fantasmes impossibles à réaliser dans la vraie vie de les recréer dans mes films», explique le réalisateur, qui travaille en parallèle comme monteur pour une chaîne de télévision publique italienne.

Cinq ans de mariage
Avant de réveiller le tigre qui sommeillait en lui, Diego Tigrotto n’était pas épanoui sexuellement, comme il l’explique : «J’avais une très mauvaise vie sexuelle parce que j’ignorais beaucoup de choses sur le sexe, j’avais beaucoup de peurs et je n’étais pas sûr de moi.» Il a même été marié à une femme pendant cinq ans. «Nous ne parlions pas de sexe ensemble, de ce qui nous plaisait vraiment, donc nous n’avons pas eu la possibilité d’explorer notre vie sexuelle ensemble et nous nous sommes peu à peu éloignés l’un de l’autre. À cette époque je pensais que le sexe était surestimé, je le mettais de côté.»

Sa révolution sexuelle, il l’a connue il y a quatre ans lorsqu’il a participé à l’édition romaine du festival sex-positif berlinois Xplore: «Je n’imaginais pas à quel point cela allait avoir un effet puissant sur moi», explique Diego, qui se définit aujourd’hui comme queer : «Je suis principalement attiré par les femmes mais j’ai déjà eu des rapports avec des hommes ou avec des personnes trans*, je reste ouvert à d’autres expériences. Je pense que j’ai une forte part féminine en moi, j’aime porter des vêtements féminins et me maquiller par exemple. Je me considère comme totalement queer», explique l’activiste.

Soirée câlins
Depuis son baptême du feu, il s’engage au sein de la scène sex-positive romaine, confidentielle mais bouillonnante à l’entendre en parler. Il a par exemple lancé La Coccoleria, une soirée câlins lors de laquelle les participant·e·s peuvent choisir entre se serrer dans les bras, caresses, gratouilles et bisous sur la joue. «C’est une opportunité de sentir son corps, de faire marcher ses sens, et d’explorer ensemble la culture du consentement», explique Diego.

«J’ai appris beaucoup de choses au cours de ces quatre dernières années. Ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que je suis complètement libéré sexuellement»

Pour lui, le plaisir sensuel ou sexuel va toujours de pair avec l’éducation. «J’ai appris beaucoup de choses au cours de ces quatre dernières années. Ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que je suis complètement libéré sexuellement. Mais je sais désormais comment me comporter avec les autres, sans envahir l’espace de quelqu’un, je sais comment demander à l’autre personne ce qui lui plaît, et comment exprimer ce que j’aime. Ça paraît débile mais c’est essentiel. J’ai envie de partager tous ces outils avec les gens.»

Il a également lancé à Rome une version locale de l’«Hysterical Cabaret», un concept de performances radicales qu’il a vues pour la première fois au festival Nowwhere, une dépendance espagnole du Burning Man: une personne lit un texte à voix haute en public assise à une table tandis qu’une autre personne la masturbe. «Il suffit d’avoir un livre et un vibromasseur pour le faire. C’est très puissant car il n’y a rien d’explicite, étant donné que tout se passe sous la table, le public ne peut donc voir que les réactions de la personne. C’est particulièrement drôle quand les gens lisent quelque chose de sérieux.» Pour Diego, le porn est un «espace de liberté». Et le sexe, une immense aire de jeu.